Et une belle rançon d'incitation au rapt ?
Des organisations maliennes des droits de l’homme dénoncent la libération de terroristes maliens en échange de l’otage français
Le président Hollande a assuré la réception de l'ex-otage Serge Lazarevic libéré suite aux efforts conjugués du Mali et du Niger. C'est grâce à un touareg francophile et négociateur hors pair, Mohamed Akotey, que le Franco-serbe a recouvré la liberté, après plus de trois années de captivité dans les mains des terroristes islamistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique.
Il était apparu une dernière fois dans une vidéo fin novembre. Serge Lazarevic semblait fatigué et demandait dans son message une libération rapide, craignant pour sa santé. A Villacoublay, l'otage libéré a remercié son comité d'accueil, "le président et toute son équipe", comme il se doit, ainsi que "tous les gens qui ont œuvré pour notre libération". "J'ai perdu une vingtaine de kilos, mais ça va, je suis encore bien", a affirmé l'ancien captif kidnappé en 2011 à Hombori au cours d'un mystérieux voyage d'affaires, le 24 novembre 2011 au Mali, en compagnie de Philippe Verdon, retrouvé tué d’une balle dans la tête, en juillet 2013.
Si le désintéressement du négociateur n'est ni garanti, ni évoqué, les spéculations sur les conditions de cette libération dans la région de Kidal, au nord du Mali, vont bon train quant au sujet tabou d'une contrepartie. Plusieurs djihadistes auraient été relâchés lundi des prisons maliennes, en échange de Serge Lazarevic, la veille de son retour à la liberté mardi et en France mercredi. S’il a été démenti par un proche du gouvernement, le marchandage révolte l'Afrique, du Mali et au Niger.
Il était apparu une dernière fois dans une vidéo fin novembre. Serge Lazarevic semblait fatigué et demandait dans son message une libération rapide, craignant pour sa santé. A Villacoublay, l'otage libéré a remercié son comité d'accueil, "le président et toute son équipe", comme il se doit, ainsi que "tous les gens qui ont œuvré pour notre libération". "J'ai perdu une vingtaine de kilos, mais ça va, je suis encore bien", a affirmé l'ancien captif kidnappé en 2011 à Hombori au cours d'un mystérieux voyage d'affaires, le 24 novembre 2011 au Mali, en compagnie de Philippe Verdon, retrouvé tué d’une balle dans la tête, en juillet 2013.
Si le désintéressement du négociateur n'est ni garanti, ni évoqué, les spéculations sur les conditions de cette libération dans la région de Kidal, au nord du Mali, vont bon train quant au sujet tabou d'une contrepartie. Plusieurs djihadistes auraient été relâchés lundi des prisons maliennes, en échange de Serge Lazarevic, la veille de son retour à la liberté mardi et en France mercredi. S’il a été démenti par un proche du gouvernement, le marchandage révolte l'Afrique, du Mali et au Niger.
Les associations de défense des droits de l’homme ou encore l’opposition politique maliennes, mais aussi les journaux de la région, sont mitigées: elles se réjouissent unanimement de la libération du Français, mais ne dissimulent pas une rancoeur certaine.
La presse africaine trouve le prix très élevé : une rançon et la libération de "quatre dangereux terroristes". On dit même cinq. "L’Etat français aurait versé plus de 20 millions d’euros soit 13 milliards de FCFA aux ravisseurs et autres intermédiaires du dernier otage français, Serge Lazarevic. Et Barack Obama a eu raison de qualifier d'"hypocrite" la position française sur le paiement des rançons aux preneurs d’otages", s’indigne L’indicateur du Renouveau.
La fin justifie-t-elle tous les moyens ?
Chez le voisin burkinabé, le quotidien Fasozine regrette "qu’au-delà du devoir régalien de l’Etat français de préserver la liberté de ses citoyens partout où ils se trouvent dans le monde, cette façon de faire donne malheureusement l’impression que tous les moyens sont bons pour y arriver". Les ONG maliennes, comme la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et Amnesty international Mali, sont fort critiques des méthodes françaises : "Si nous comprenons la nécessité de trouver des moyens pour libérer les otages, nous considérons que ces solutions ne doivent pas violer les droits des victimes et le principe de la séparation des pouvoirs au Mali", ont-elles écrit dans un communiqué commun.
Chez le voisin burkinabé, le quotidien Fasozine regrette "qu’au-delà du devoir régalien de l’Etat français de préserver la liberté de ses citoyens partout où ils se trouvent dans le monde, cette façon de faire donne malheureusement l’impression que tous les moyens sont bons pour y arriver". Les ONG maliennes, comme la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et Amnesty international Mali, sont fort critiques des méthodes françaises : "Si nous comprenons la nécessité de trouver des moyens pour libérer les otages, nous considérons que ces solutions ne doivent pas violer les droits des victimes et le principe de la séparation des pouvoirs au Mali", ont-elles écrit dans un communiqué commun.
Pour huit partis de l’opposition malienne, cités par Malijet, cette contrepartie est une "promotion de l’impunité" dans un pays où la réconciliation entre le Nord et le Sud n’est toujours pas acquise. Il aurait été préférable que la justice malienne fasse son travail jusqu’au bout: "le président aurait pu alors, s’il y était contraint, exercer son droit de grâce", font valoir les organisations politiques spoliées de leurs prérogatives et inquiètes de la décrédibilisation de la lutte contre le terrorisme au Mali. Ils demandent au président malien d'être un peu plus transparent avec le peuple malien en révélant le nombre, le nom et l'identité des terroristes qu'il a libérés dans le cadre de cette opération. En France, les aboyeurs Jean-Christophe Cambadélis et Bruno Le Roux, n'ont pas les mêmes exigences.
Le spectre de la Françafrique
Bamako a "fait ce geste [...] à la demande de Paris". Contactés par Europe 1, le ministère français de la Défense, ainsi que l'Elysée, ont refusé de communiquer sur ces informations. Les Maliens sont plus farouchement demandeurs de transparence que les partis et organes de presse français. Et le ton monte dans de nombreux journaux de Bamako, avec pour cible la France. Ils dénoncent une ingérence à son comble de l’ancienne puissance coloniale. Pour L’Indicateur du renouveau, un journal malien, "qu’ils soient de gauche, de droite ou même du centre, les présidents français n’ont aucun respect pour leurs pays africains".
Directement impliqué dans l’enlèvement de Serge Lazarevic, la libération du preneur d'otages Mohamed Ali Ag Wadoussène cristallise la colère au Mali. Dans un édito, Mali actu estime que "le cas Wadoussène est assez révoltant, tant cet homme (ci-contre à droite) s’est illustré pour des actes gravissimes, aussi bien au Nord que dans le sud du pays".
Selon les associations de défense des droits de l’homme, le djihadiste d'Aqmi est poursuivi par la justice malienne dans deux procédures, pour terrorisme, association de malfaiteurs, prise d’otage et séquestration. Cet ancien membre de la Garde nationale était emprisonné depuis 2011, mais il avait réussi à s’évader au mois de juin, tuant au passage un gardien. Le frère de la victime laisse exploser sa rage dans Mali actu en apprenant la libération du meurtrier présumé : "La dignité malienne, elle est comment maintenant ? Un Français vaut mieux donc qu’un Malien ?" interroge-t-il.
Le personnel pénitentiaire est déçu, mais aussi en colère, comme l’explique Abdoulaye Fofana, contrôleur des services pénitentiaires : "Nous, surveillants des prisons du Mali, nous sommes consternés en réalité. On pouvait peut-être laisser Ali ag Wadoussène [en prison] pour que la justice termine avec lui. C’est quand même lui qui a tiré à bout portant sur notre collègue regretté adjudant Kola Sofara." Ils menacent même de se mettre en grève. "Si l’État ne fait rien, nous projetterons d’aller effectivement en grève", affirme Aboubakar Sidiki Traore, chef du syndicat des surveillants de prison du Mali. Plusieurs partis de l'opposition malienne ont également demandé des éclaircissements à l'État sur ces libérations de prisonniers.
Le rôle du Niger est peu évoqué
Le négociateur Mohamed Akotey, a 46 ans (ci-contre à gauche), est né à Tidène au Niger et appartient à l’influente tribu des Ifoghas, un groupe touareg minoritaire au Niger. Jeune étudiant à l’université de Niamey, capitale du Niger, il quitte son pays pour la France dans les années 90 pour y étudier l’archéologie à la Sorbonne.
De retour au Niger, il est d’abord conseiller en sécurité (1996-1999) du général Ibrahim Baré Maïnassara, ancien président du Niger, il devient de 2007 à 2009 ministre de l’Environnement de son successeur. En 2009, Areva le nomme président du conseil d’administration d’Imouraren SA, sa filiale dans la région d’Agadez, poste qu'il occupe encore aujourd'hui, même s'il ne soit pas salarié du groupe.Daniel Larribe, l’un des quatre ex-otages, révèle le rôle clé joué par Mohamed Akotey lors de la prise des otages d’Arlit. C’est depuis sa position au sein d’Areva qu’il assiste en octobre 2010 à l’attaque du site du géant français par Aqmi (Al-Qaida au Maghreb Islamique). Sept salariés du groupe, dont quatre français, sont alors retenus prisonniers. Grâce à ses réseaux touaregs, Mohamed Akotey s’active pour la libération des otages qui intervient le 27 octobre.
Selon les associations de défense des droits de l’homme, le djihadiste d'Aqmi est poursuivi par la justice malienne dans deux procédures, pour terrorisme, association de malfaiteurs, prise d’otage et séquestration. Cet ancien membre de la Garde nationale était emprisonné depuis 2011, mais il avait réussi à s’évader au mois de juin, tuant au passage un gardien. Le frère de la victime laisse exploser sa rage dans Mali actu en apprenant la libération du meurtrier présumé : "La dignité malienne, elle est comment maintenant ? Un Français vaut mieux donc qu’un Malien ?" interroge-t-il.
Le personnel pénitentiaire est déçu, mais aussi en colère, comme l’explique Abdoulaye Fofana, contrôleur des services pénitentiaires : "Nous, surveillants des prisons du Mali, nous sommes consternés en réalité. On pouvait peut-être laisser Ali ag Wadoussène [en prison] pour que la justice termine avec lui. C’est quand même lui qui a tiré à bout portant sur notre collègue regretté adjudant Kola Sofara." Ils menacent même de se mettre en grève. "Si l’État ne fait rien, nous projetterons d’aller effectivement en grève", affirme Aboubakar Sidiki Traore, chef du syndicat des surveillants de prison du Mali. Plusieurs partis de l'opposition malienne ont également demandé des éclaircissements à l'État sur ces libérations de prisonniers.
Le rôle du Niger est peu évoqué
Le négociateur Mohamed Akotey, a 46 ans (ci-contre à gauche), est né à Tidène au Niger et appartient à l’influente tribu des Ifoghas, un groupe touareg minoritaire au Niger. Jeune étudiant à l’université de Niamey, capitale du Niger, il quitte son pays pour la France dans les années 90 pour y étudier l’archéologie à la Sorbonne.
De retour au Niger, il est d’abord conseiller en sécurité (1996-1999) du général Ibrahim Baré Maïnassara, ancien président du Niger, il devient de 2007 à 2009 ministre de l’Environnement de son successeur. En 2009, Areva le nomme président du conseil d’administration d’Imouraren SA, sa filiale dans la région d’Agadez, poste qu'il occupe encore aujourd'hui, même s'il ne soit pas salarié du groupe.Daniel Larribe, l’un des quatre ex-otages, révèle le rôle clé joué par Mohamed Akotey lors de la prise des otages d’Arlit. C’est depuis sa position au sein d’Areva qu’il assiste en octobre 2010 à l’attaque du site du géant français par Aqmi (Al-Qaida au Maghreb Islamique). Sept salariés du groupe, dont quatre français, sont alors retenus prisonniers. Grâce à ses réseaux touaregs, Mohamed Akotey s’active pour la libération des otages qui intervient le 27 octobre.
Dans la video ci-dessus, Serge Lazarevic rend hommage à Mohamed Akotey. Dès la libération des otages d’Arlit, Mohamed Akotey est aux commandes des négociations pour la libération de Serge Lazarevic, enlevé au Mali le 24 novembre 2011, sans être directement en contact avec les ravisseurs. C’est un lieutenant de l’islamiste malien, Iyad Ag Ghali, dénommé Ibrahim Ag Inawelan, qui fait la navette entre Mohamed Akotey et le groupe terroriste. "C’est ce bras droit du leader du groupe islamiste Ansar Dine qui a joué un rôle clé". Mais il a été tenu dans l'ombre par les media français alors que Mohamed Akotey est désormais dans la lumière.
Pour le site nigérien Tam-Tam Info, qui reprend une déclaration de la présidence, "cette libération a été le résultat d’efforts intenses et suivis tant des autorités du Niger que du Mali". Et de souligner "l’engagement et le professionnalisme dont ont su faire preuve les services nigériens et maliens engagés dans cette entreprise".
Changement de ton à Alger, sous le titre Double jeu et duplicité de Paris,
l’éditorialiste de La Tribune, Noureddine Khelassi, ne décolère pas : "Le paiement de rançon et la libération, parfois concomitante de prisonniers d’AQMI, révèle le double jeu des pouvoirs publics français et européens dans le dossier des otages des terroristes. Officiellement, ni paiement de rançons, ni libération de détenus d’AQMI ou du MUJAO. Ce qui voudrait dire pour les bisounours qui voudraient bien y croire, que les ravisseurs sont de parfaits Samaritains qui finissent par s’attendrir après avoir battu leur coulpe ! Mais en vérité, aucune libération d’otage, sauf cas exceptionnels dus à des concours de circonstances tout aussi exceptionnels, ne s’est réalisée sans qu’il y ait une contrepartie concrète. Paiement d’une rançon ou libération de détenus ou bien les deux à la fois. Mais c’est surtout le versement de rançon qui pose le plus problème. Il contribue à transformer la prise d’otage en véritable industrie. Il favorise la surenchère financière qui contribue à la création d’une bourse des otages où certains ressortissants de pays donnés valent financièrement plus que d’autres. Et ce sont toujours les kidnappés les mieux côtés, à savoir les Français et les autres européens qui sont détenus le plus longtemps et libérés ensuite moyennant notamment paiement. Les autres, comme les Algériens, les Américains et les Britanniques, par exemple, sont généralement exécutés, du fait même que leurs pays respectifs ne paient pas de rançon, conformément aux résolutions de l’ONU."
Quatre noires = une blanche ! Le bonheur des uns fait le malheur des autres ! Sauveur servi, victime et bourreau sont quitte : dur la paix !
— Mamadou I KONATE (@vieuxmko) 10 Décembre 2014
RFI, Radio France International, revient sur la colère des sociétés civiles africaines qui s’indignent de la libération de djihadistes comme monnaie d’échange. "Si c’est un succès pour la diplomatie française, pour nous, c’est une grave violation des droits des victimes maliennes. Parce que c’est nous qui souffrons au Mali. Et s’il faut échanger un terroriste malien contre un otage français, ça voudra dire que nous n’avons plus notre raison d’être et que le gouvernement ne défend pas les populations", affirme Moctar Mariko, président de l’Association malienne des droits de l’homme, à RFI.
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