Le ministre s'est aussitôt fait redresser les bretelles par sa camarade Marisol Touraine
La réforme Ayrault met les régimes complémentaires en péril
Malgré une prétendue amélioration des prévisions financières, les partenaires sociaux vont devoir prendre de nouvelles mesures pour sauver les retraites complémentaires, selon les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), censées servir de base au pilotage annuel du système prévu par la réforme Ayrault. Difficile d'affirmer avec Le Point que les réformes successives des retraites portent leurs fruits - au prix de hausses excessives de cotisations employeurs et salariés - si elles menacent l'équilibre des complémentaires. En 2020, quel que soit le scénario économique retenu, le gain par rapport aux projections réalisées en 2012 atteint 0,6 point de PIB, soit environ 14 milliards d'euros. C'est au détriment des complémentaires, alors la Cour des comptes tente d'expliquer que des gains de productivité tout à fait significatifs pourraient être dégagés dans la gestion des régimes complémentaires. Ce que le gouvernement économise sur les régimes généraux, c'est au détriment des retraites complémentaires.
Un an après la réforme des retraites, les jeunes, les handicapés et les agriculteurs attendent encore... La réforme Ayrault prévoit toutefois un allongement de la durée de cotisation qui atteindra 43 annuités (172 trimestres) en 2035, pour les générations 1973 et les suivantes. En 2013, le vote du Parlement, certaines mesures favorables aux assurés ne sont toutefois toujours pas entrées en vigueur, faute de décrets.
"S'il faut allonger la durée de cotisation, nous le ferons"
Le ministre du Travail François Rebsamen a semé le trouble mardi en lâchant que le gouvernement allongerait, si nécessaire, la durée de cotisation pour une retraite à taux plein, une mesure aussitôt écartée par sa collègue des Affaires sociales Marisol Touraine.
Le pavé dans la mare du ministre du Travail a surpris au moment où la pérennité du système des retraites de base semble mieux assurée, selon le Conseil d'orientation des retraites. À l'inverse, les régimes de retraite complémentaire sont eux menacés de faillite. En fin d'après-midi, François Rebsamen lui-même a tenu à rectifier ses propos en évoquant la réforme Ayrault. "Je n'ai rien ajouté d'autre. J'ai dit que la durée de cotisation s'allongera progressivement, passera à 43 ans à l'horizon 2035", a-t-il dit.
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Or, la loi ne touche pas à l'âge légal de départ à la retraite, fixé à 62 ans, prévoyant toutefois que ses mesures puissent évoluer. Qu'est-ce qui a donc poussé Rebsamen à mettre les pieds dans la plat, si ce n'est l'irréalisme de l'hypothèse du COR, dans ses dernières projections actualisées présentées mardi, estimant qu'un retour à l'équilibre du système est possible à l'horizon 2020 si l'activité économique repart ? Le ministre n'y croit-il donc pas? Le COR ne recommande d'ailleurs pas de renforcer la législation sur les retraites, du moins pour les retraites de base. Les cotisants aux complémentaires devront compenser le désengagement du gouvernement...
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Vers un âge de départ moyen de 64 ans
Les hypothèses de croissance à court terme retenues à l'époque ne seront pourtant pas atteintes, selon les dernières prévisions du gouvernement. Or, l'âge effectif moyen de départ en retraite va passer de 61 ans en 2013 à 64,1 an d'ici à 2040. Organisme consultatif composé d'experts, d'élus ainsi que de représentants patronaux et salariaux, le COR, n'a toutefois pas eu le temps d'évaluer l'impact des comptes personnels de pénibilité. Les décrets seraient parus trop tard pour permettre une évaluation d'une réforme censée s'autofinancer grâce à des cotisations spécifiques des entreprises.
11,1 à 13 milliards à trouver en 2018
En attendant, le casse-tête du financement des retraites est loin d'être réglé. D'abord à court terme. Les socialistes qui ont nié la crise jusqu'à leur arrivée au pouvoir, lui imputent désormais la compression de la masse salariale sur laquelle reposent les cotisations. Résultat, le trou dans le système de retraite devrait encore atteindre 11,1 milliards d'euros (0,5 % du PIB) en 2018, dont un peu plus de la moitié pour les seuls régimes complémentaires des salariés du privé (Agirc-Arrco).
Parce que, dès l'année prochaine, ils doivent négocier de nouvelles mesures d'ajustement sur les régimes complémentaires, les partenaires sociaux mettent la pression sur le gouvernement. Dans un rapport qui sera rendu public jeudi, mais dont les conclusions ont déjà fuité dans la presse, la Cour des comptes proposerait de repousser à 63 ou 64 ans l'âge minimum légal pour toucher sa complémentaire, alors qu'il est aujourd'hui calé sur celui des retraites de base, à 62 ans.
En 2018, le régime de la fonction publique accusera lui aussi un trou, d'un peu plus de 2 milliards, si rien n'est fait. Sauf à toucher aux paramètres de la retraite des fonctionnaires, l'État devra donc augmenter ses cotisations employeurs pour combler la brèche, ce qui pèsera sur les finances publiques. Mais en 2018, le PS aura repassé la patate chaude aux suivants...
Des scénarios très divergents
À plus long terme, la viabilité du système de retraites par répartition dépend des scénarios économiques retenus. Le COR en retient 5 principaux, reposant sur différentes hypothèses de productivité du travail (et donc de croissance économique) et de taux de chômage. En fonction des taux de croissance retenus (de 1 % à 2 %) et du taux de chômage (de 4,5 % à 10 %), le système passe d'un fort excédent de 12 milliards d'euros dans le scénario le plus favorable, à de lourds déficits (19 milliards d'euros en en 2030 et même 37 milliards en 2040).
Marisol Touraine était-elle honnêtement justifiée à nier la réalité exprimée par Rebsamen?
L'incroyable caporal du groupe socialiste, Bruno Le Roux, n'a pas craint d'ajouter sa fétidité à l'affaire: " Il n’est en aucun cas envisagé en ce moment, ni même dans la prochaine année ou dans les deux prochaines années d’augmentation de l’âge de départ à la retraite."
La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, juge inutile une nouvelle réforme du régime de base des retraites et qualifie d'"irresponsable" tout catastrophisme en la matière. "Le rapport du Cor montre que la réforme (de janvier 2014) porte ses fruits et qu’on peut rassurer les Français : nous n’allons pas vers un crash du système de retraite", a affirmé mardi Marisol Touraine à des journalistes. "Une autre réforme des régimes de base n’est pas nécessaire."Le gouvernement Valls refuse d'envisager un nouveau relèvement par des socialistes: "Le relèvement des bornes d’âge n’est pas la solution", assure Marisol Touraine. "Cela ne veut pas dire qu’on n’accepterait pas qu’il faille travailler plus longtemps", ajoute-t-elle cependant.
L'exécutif laisse la responsabilité de trouver un remède aux partenaires sociaux gestionnaires de Agirc-Arrco en 2015 , mais il suivra ce dossier "avec une grande attention", assure Marisol Touraine, pour qui "faire du catastrophisme n’a pas de sens".
L'incident n'est pas clos.
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