6.000 à 8.000 chefs d'entreprise ont dit leur colère contre une réglementation "oppressante"
"Je t'aime." "Moi non plus !"
Des patrons ont manifesté à Paris et à Toulouse à l’appel de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), lundi 1er décembre. Une réponse au "Moi, j’aime l’entreprise" de Manuel Valls au mois d’août, lors de l’université d’été du Medef.
L'exécutif a renouvelé de soudaines déclarations d'amour des entreprises, mais les zigzags de sa politique désorientent les patrons de petites entreprises. "J'ai dû licencier deux personnes depuis 2012", se désole Christophe, patron d'agences immobilières. Le magazine Le Point, n'a vu que 5.000 des 8.000 chefs d'entreprise qui, comme lui, sont venus manifester leur désarroi dans le froid ce lundi à Paris, pour réclamer l'abrogation des "mesures absurdes" qui pénalisent les embauches et poussent aux licenciements.
Voir des patrons dans la rue avec des pancartes est exceptionnel.
Equipés de cadenas - métaphore de leur impuissance face au poids des charges -, les patrons se sont dirigés vers Bercy avec l'intention de "cadenasser" le ministère de l'Économie." C’est le cadenas de l’amour déçu mais aussi celui qui enchaîne, qui entrave l’activité", souligne Jean-Eudes Du Mesnil du Buisson, délégué général de la CGPME. Selon les sources, ente 4.000 et 8.000 chefs d'entreprise sont dans les rues, 6.000 à Paris selon les organisateurs (2.200 selon la police) et 2.000 à Toulouse. Sur les réseaux sociaux, les appels à manifester se sont multipliés ces derniers jours.
A l’issue de la manifestation parisienne, les organisateurs devaient accrocher leurs cadenas sur les grilles de Bercy, le ministère de l’économie et en remettre les clés à Emmanuel Macron.
Le slogan est clair : "Libérez nos entreprises !"
Le malaise se cristallise sur trois mesures que les patrons de PME et TPE jugent tout simplement "inapplicables". Il s’agit, d’une part, du compte pénibilité. A partir du 1er janvier 2015, les employeurs devront évaluer la pénibilité des salariés exposés à quatre facteurs (travail de nuit seul ou en équipe, travail répétitif, milieu hyperbare). Pour le NPA, Olivier Besancenot estime que les facteurs sont à cet égard très exposés... Six autres critères, dont le travail par températures extrêmes ou les postures pénibles, seront appliqués à compter de 2016.
Un deuxième point de discorde porte sur l’interdiction – sauf accord de branche – d’embaucher quelqu’un à temps partiel moins de vingt-quatre heures par semaine.
Autre contrainte, une mesure entrée en vigueur en novembre. Cette disposition soumet les chefs d’entreprise désireux de céder une société comptant moins de 250 salariés à l'obligation d’informer ces derniers de ses intentions au moins deux mois à l’avance. Dans le cas contraire, la cession pourrait être annulée.
"Les chefs d'entreprise n'osent plus embaucher." Le président du CGPME, présent parmi les manifestants, exprime l'irritation de ses collègues, dénonçant des "contraintes" telles que le temps partiel 24 heures, la pénibilité et un code du travail encore peu flexible. "Nous ne savons clairement pas où nous serons demain, s'interroge un manifestant. Licencier, nous ne le faisons pas de bon coeur. On le fait pour garder les emplois que l'on a déjà." Il ajoute : "La seule solution ? C'est de baisser les charges de manière drastique." Un autre patron conclut : "Il faut arrêter cette ineptie."
Valls divise: c'est difficile pour "certains" chefs d'entreprise
Le premier ministre souffle le froid et le chaud. Manuel Valls, qui était interrogé sur sa vision des manifestations organisées ce lundi par la CGPME, a reconnu que "c'était difficile pour certains chefs d'entreprise", pour ensuite s'en prendre aux dirigeants des organisations patronales.
Alors que des milliers de patrons ont manifesté dans plusieurs villes de France, Manuel Valls a critiqué lundi les "provocations" et les "caricatures" des "dirigeants du patronat", qu'il a opposé aux "dirigeants d'entreprise". "Je voudrais que les dirigeants du patronat, que je ne confonds pas avec les dirigeants d'entreprise, se montrent un peu plus solidaires et un peu plus responsables", a lancé le Premier ministre au cours d'un déplacement à Nantes.
2.500 artisans à Toulouse |
Ces dirigeants du patronat sont "même parfois dans la provocation, selon le chef du gouvernement, par exemple en remettant en cause le SMIC ou le fait de justifier les licenciements", a-t-il dénoncé dans une allusion directe à des propositions récentes du dirigeant du Medef, Pierre Gattaz.
"Nous n'avons pas besoin de dirigeants du patronat qui soient dans le corporatisme, qui soient dans la caricature, a-t-il insisté, les accusant de "demander toujours plus, alors qu'ils reçoivent beaucoup de la nation, et qu'on attend des contreparties qui se négocient et qui se négocient trop lentement", a-t-il grondé.
Valls reste sourd aux difficultés des PME-PMI
"C'est difficile pour certains chefs d'entreprise, dans les PME en particulier, les artisans, j'en suis aussi conscient", a reconnu Manuel Valls. Mais "c'est difficile aussi pour les salariés, pour ceux qui sont licenciés, qui vivent avec les minimas sociaux, pour les jeunes qui ne trouvent pas d'entreprises pour les embaucher, pour les fonctionnaires dont les salaires sont gelés. C'est dur pour beaucoup de monde en France", a-t-il constaté, appelant les petites entreprises à courber l'échine en silence.
Disant avoir constaté un "écart" entre les dirigeants d'organisations patronales et "les chefs d'entreprise rencontrés sur le terrain", Manuel Valls a appelé le patronat "à ne pas céder à une approche partisane". "Moi, j'attends qu'il soit à la hauteur de l'engagement de la nation en faveur des entreprises", a objecté le Premier ministre, qui ne cesse d'annoncer une baisse des charges de 41 milliards d'euros que les entreprises ne voient pas venir puisqu'elle sera disponible dans le cadre du pacte de responsabilité avant 2017.
Dépassé par les événements, Manuel Valls charge les organisations patronales, relayant des propos tout aussi hostiles du porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll qui a personnalisé les attaques de l'exécutif, jugeant dimanche qu'il y avait un "problème Gattaz". Un agacement également affiché en privé depuis plusieurs jours à Matignon, impatient de voir venir les effets de ses mesures dont les patrons du MEDEF, comme ceux de la CGPME se tuent à lui dire qu'elles sont inopérantes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):