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jeudi 19 décembre 2019

Balkany : avec l'"exécution provisoire", le procureur bascule dans le procès politique

En démocratie, la justice peut-elle se substituer au vote populaire ?

En dégainant "l’exécution provisoire", le procureur prononce l'arrêt de mort politique du couple Balkany 

Patrick Balkany, flottant dans ses vêtements, s'apprête à passer plusieurs examens sous anesthésie générale, dans une autre aile de l'hôpital Cochin.
Paris Match n'hésite pas à diffuser une photo du septuagénaire à l'hôpital,
tout en masquant vaguement les marques de la maladie  
Qu'est-ce que l'"exécution provisoire" ? En droit, c'est une décision accessoire prononcée par le tribunal ayant statué en première instance, autorisant la partie qui a obtenu gain de cause à poursuivre l'exécution du jugement rendu contre son adversaire, malgré les recours qu'il aurait ou pourrait engager.
Un décret du 11 décembre 2019 (n° 2019-1333) qui instaure, en son article 3, le principe de l’exécution provisoire de droit, semble fait sur mesure ou du moins tombé à pic  il réforme la procédure civile et a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Subdivisé en trois sections (la première, relative à l’exécution provisoire de droit, la deuxième, à l’exécution provisoire facultative et la troisième prévoyant des dispositions communes, ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront qu’aux décisions rendues sur les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Or, "les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement" et le procureur veille à ne pas se prononcer sur cette dernière possibilité laissée au juge de frapper fort le 4 mars prochain, à dix jours des municipales. Le calendrier de la justice a ainsi tout cadré en sorte que les époux Balkany ne puissent se présenter devant les électeurs, le 15 mars prochain, dans quatre mois, délai légal extrême auquel ce juge est soumis pour prendre sa décision en dernière limite.

C’est le coup de grâce politique programmé par le Parquet général, mercredi 18, au terme du procès en appel des époux Balkany pour fraude fiscale. Sans surprise, l’accusation a demandé confirmation de la peine de quatre ans de prison ferme (avec mandat de dépôt, un signal fort de la détermination du ministère de la Justice de briser le couple et de se substituer à la décision du peuple de Levallois-Perret appelé aux urnes au printemps) infligée en première instance. 
Quatre ans ferme, avec mandat de dépôt (retour direct en prison - pour prévenir la fuite éventuelle des délinquants de droit commun, mais consistant ici à humilier le condamné fiscal), sachant que Patrick Balkany, âgé de 71 ans, est incarcéré depuis le 13 septembre à la prison de la Santé (trois mois) et hospitalisé pour une occlusion intestinale. 

Le procureur frappe également durement sa femme, réclamant pareillement  du ferme contre Isabelle (quatre ans, dont deux avec sursis), elle qui avait été relativement épargnée jusqu’ici. Tweeteuse blessée, elle n’a pas craint de se montrer provocante à la barre.

Le réquisitoire, accablant chacun des deux, tente de justifier cette double peine par une "fraude fiscale massive, assumée, confinant à l’arrogance, par des personnes choisies par le suffrage universel". Le procureur, autorité ambiguë, à la fois judiciaire et politique, s'ingère dans la libre expression de la démocratie. 

En requérant une "exécution provisoire", le Parquet, soumis à la ministre Belloubet, entend surtout éviter le verdict des urnes  

La République exemplaire et démocratique peut-elle entraver l'électorat au prétexte d'une "légèreté coupable" en matière de fiscalité ? Certes, même condamné à de la prison en première instance, avec mandat de dépôt à la barre, le maire sortant n’est toujours pas définitivement condamné, les appels ou pourvois en cassation permettant de reculer l’échéance finale. 

Mais la Chancellerie (le gouvernement) ne leur laisse aucune liberté d'exprimer leur préférence. Le pouvoir macronien ne prend pas le risque que du fond de sa cellule, Patrick Balkany puisse se présenter. La peine complémentaire d’inéligibilité (dix ans) y veille: c’est là où l’exécution provisoire prend tout son sens. Hasard plus ou moins malicieux du calendrier, la Cour d’appel rendra son arrêt le 4 mars, soit à la veille du premier tour, quand la campagne aura déjà été ouverte… Mercredi soir, les époux ont fait savoir par communiqué qu’ils renoncent finalement à se représenter.

Maître Pierre-Olivier Sur, avocat d'Isabelle Balkany, conseille : "Ne donnez pas le signal que la justice se mêle de politique"... Me Benjamin Dieudonné, conseil de son mari : "L’exécution provisoire, c’est une forme de mort sociale." 
Quand un homme politique s’arrête, il meurt.

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