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lundi 6 mai 2013

A Notre-Dame-des-Landes, s'installe une guerre d'usure

Prochain temps fort, le samedi 11 mai
La mobilisation contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, trouvera un point d’orgue le 11 mai, jour d’organisation de la chaine humaine. 

Des chicanes d'opposants à la construction du futur aéroport de Nantes 
sur une des routes principales de la ZAD, surnommée Zone à Défendre  



L'opposition au projet se renforce avec une vague de réoccupation
et de création d'exploitations agricoles mais doit faire face à des tensions internes.
Zone de non-droit sur la ZAD (Zone d'amenagement Différée)
où est prévue la construction du futur aéroport de Nantes.



Certains la croyaient anesthésiée par l'hiver, repliée dans les bois gelés du maquis nantais, mais la résistance en ressort ragaillardie et plus déterminée que jamais. L'opposition au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes bourgeonne d'une sève toute neuve, confortée par le rapport très critique de la "Commission du dialogue", en entreprenant de semer çà et là de nouvelles exploitations agricoles. Les "squatters" ne sont plus seulement les "alter" venus ces derniers mois de l'Europe entière mais des paysans, anciens ou nouveaux venus, qui réinstallent élevage et maraîchage sur des centaines d'hectares annexés, désormais propriété de Vinci, l'exploitant et concessionnaire du futur aéroport. Jean, jeune agriculteur venu de l'Est, s'est installé sur trois hectares, "le moyen de faire une agriculture militante", dit-il. Une demi-douzaine de paysans du coin ont quant à eux repris la ferme de Bellevue, avec ses poules, ses vaches et ses 125 hectares expulsables du jour au lendemain. L'huissier et les gendarmes auront du fil à retordre: la ferme est ceinte de dizaines de tracteurs enchaînés et une sentinelle de paysans bénévoles se relève chaque nuit.

L'occupation par la remise en culture des terres est donc la nouvelle stratégie pour enraciner la résistance, un nouveau pari contre le temps qui risque de s'étirer encore avant de voir naître un tarmac. Le temps, un avantage mais aussi un point faible pour les forces de l'opposition qui, à l'épreuve du quotidien, donnent quelques signes, sinon d'effritement, de dissensions au moins. La solidarité est là, unissant toujours la vieille frange des paysans et la jeune garde "zadiste", mais le climat s'est tendu à cause d'un groupuscule de radicaux. Présents dès octobre dernier, lors de la grande opération de réoccupation de la ZAD (zone d'aménagement différé), ce sont eux avec qui les forces de l'ordre se sont plusieurs fois violemment affrontées.
La ferme de Bellevue est occupée par Copain 44, 

un collectif de jeunes volontaires qui ont relancé son exploitation

Si Julien Durand (ci-dessous), figure de l'opposition historique des paysans, répète à l'envi que les politiques et les forces de l'ordre "ont intérêt depuis le début à diaboliser la résistance pour dissoudre les lignes", il reconnaît aujourd'hui que des tensions existent. "C'est un groupe d'une cinquantaine de personnes qui n'a rien à voir avec le projet ni notre combat politique. Ils sont là pour la provocation et la bagarre avec les flics, ça ne rime à rien. Je suis sûr que s'il n'y avait plus de forces de l'ordre ils partiraient car ils n'auraient plus de quoi se nourrir." À croire que l'agriculteur a été entendu puisque la décision a été prise il y a quelques jours de retirer les forces de l'ordre du site.


Un retrait qui est survenu après la reprise de dialogue de la principale association des opposants, l'Acipa, dont Julien Durand est un des porte-parole, avec la préfecture de Loire-Atlantique. "On revient à un régime normal (…) on tente une configuration qui ne soit plus une présence permanente des forces de l'ordre mais des interventions au coup par coup en cas de besoin", a commenté un haut fonctionnaire préfectoral. Un retrait "soumis cependant à conditions, comme l'absence d'obstacles à la circulation, au travail des agriculteurs et à la possibilité pour les différents experts de faire les relevés scientifiques demandés dans les rapports des commissions", a-t-il précisé.

Qualifié de "signe fort" et de "volonté d'apaisement du gouvernement" par les autorités, ce retrait aurait pourtant une motivation tout autre, plus pragmatique que politique, selon des sources du ministère de l'Intérieur citées par Économie Matin. "Les effectifs de police et de gendarmerie mobile commençaient à manquer" pour faire face au "planning des manifs de mai de plus en plus nombreuses", provoquant une "situation intenable"… En tout état de cause, sur place, les opposants se félicitent de "la désertion sur le secteur".

Un collectif a installé une cabane au milieu d'un terrain 
qu'ils vont cultiver près de la ferme de Saint Jean du Tertre
Le gouvernement mise sur l'usure

Ces derniers mois, la crispation a gagné la population locale à cause des accès routiers barrés par les "zadistes" mais aussi de l'herbe et des cultures piétinées par leurs nombreux passages à travers champs. Un agriculteur a même dû jeter toute sa production de lait car le laitier ne pouvait plus accéder à son exploitation. "On les a prévenus, on accédera à nos champs coûte que coûte, prévient Julien Durand (ci-dessus) qui attend la période d'ensilage. Ils peuvent toujours dire qu'ils sont chez eux derrière leurs barricades, nous on était là avant eux !" Un groupe de paysans a même testé ses forces pour passer leurs barrages. "Le lundi de Pâques, on a défoncé une barricade avec un de nos tracteurs, pour voir, s'amuse Julien Durand. Conclusion: on sait faire !" Racket, randonnées nocturnes, énumère-t-il, "on ne cautionne aucun de ces débordements en dehors de la ZAD, on leur a très clairement dit".
Un four à pain a été remis en activité à la ferme de Bellevue

Les tensions auraient également prospéré entre zadistes eux-mêmes, "du fait de la vie en communauté au quotidien où, comme dans toute société, des affinités ou des inimitiés se créent", témoigne un opposant à l'aéroport. "Il y avait même des violences entre eux, y compris dans les couples, fallait voir ça!", dit un autre.
Les opposants au projet ont construit de nombreuses cabanes,
dont le Gourbi's Bar, dans le secteur de la Sècherie

Au village, à Notre-Dame-des-Landes, riverains et commerçants expriment clairement leur ras-le-bol. "Qu'ils le fassent leur aéroport, qu'on en finisse, s'exaspère la patronne d'un commerce pourtant opposée au projet. Y'en a marre, on est cerné par les squatters, il y a des tensions partout, ça dure depuis trop longtemps." La mendicité, les vols dans les supérettes, les routes impraticables… Elle s'inquiète surtout du climat délétère qui règne dans la commune, des gens qui s'épient, se dénoncent. "Il y a quelques jours, on est venu reprocher à la boulangère d'avoir vendu 24 sandwiches aux gendarmes mobiles, s'indigne-t-elle. Mais on est où? On va la tondre aussi, comme une collabo? Si ça continue comme ça, tous les commerçants vont se barrer.» Pressions, intimidations… Julien Durand, lui, a reçu une lettre anonyme lui suggérant de «regarder dans son dos quand il marcherait dans la rue"
Un volontaire restaure une porte à la ferme de Bellevue










Matignon dans une situation délicate
Des barricades ont été dressées sur la ZAD

Le premier ministre a beau répéter sur tous les tons que le projet aéroportuaire verra le jour, de plus en plus de voix prophétisent qu'il sera abandonné. Un sentiment accru depuis la semaine dernière par le retrait des forces de l'ordre de la ZAD, les recours juridiques toujours plus nombreux et les démarches auprès de la Commission européenne (pétitions mais également demande d'ouverture, vendredi, d'"une mission d'enquête européenne» par un eurodéputé UMP). Surtout, les améliorations du projet, nombreuses et structurelles, recommandées par le rapport récent de la Commission du dialogue rallongeraient substantiellement la note budgétaire et le calendrier des travaux. "S'ils respectent toutes les recommandations comme s'y est engagé le premier ministre, le projet est infaisable", dit, catégorique, un porte-parole de l'Acipa, la principale association de l'opposition historique à l'aéroport. Au cabinet de Frédéric Cuvillier, ministre des Transports, à qui Jean-Marc Ayrault a confié la prise en compte des recommandations, on ne s'avance pas encore à préciser l'échéancier…




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