Pour les opposants, le projet d’aéroport est contraire aux objectifs de la COP21
Pour réclamer l'abandon du projet Ayrault d'aéroport à Nantes,
des milliers d'opposants à l'aéroport étaient rassemblés samedi 11 et dimanche 12 juillet sur le site du projet contesté. Ils estiment cet l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes néfaste pour l'environnement. A l'entrée du site, à Vigneux-de-Bretagne (Loire-Atlantique), où était organisé le quinzième rassemblement estival annuel des opposants au transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes, une grande banderole proclame : "Chauffe la lutte, pas le climat." "Abandonner le projet de Notre-Dame-des-Landes, c'est totalement dans l'esprit de la conférence climat (la COP 21, qui se tient à la fin de l'année, d'une part parce qu'on devrait diminuer les vols d'avions pour baisser l'émission des gaz à effet de serre, et parce qu'on doit ici préserver la zone humide exceptionnelle", déclare Françoise Verchère, co-présidente du CEPDA (Collectif des élus doutant de la pertinence de l'aéroport), l'un des organisateurs de ce rassemblement. "Si on prétend lutter contre le réchauffement climatique, il faut abandonner les mauvais projets et Notre-Dame-des-Landes en est un", ajoute Mme Verchère, appelant l'exécutif à "agir en acte contre les modifications climatiques".
Les déclarations des responsables politiques -notamment la ministre Ségolène Royal- en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique sont en contradiction majeure avec la réalité des politiques économiques et des projets d’infrastructures, de transport en particulier. Ce site de 1.650 hectares, une zone humide à 98 %, "a été choisi il y a bien longtemps, à un moment où, certes, on ne se préoccupait pas de l'eau. Mais aujourd'hui, l’État, la région et Vinci Airports ne peuvent plus jouer avec l'environnement, sinon on va dans le mur, car on n'a pas des ressources inépuisables, fait valoir Bernard, un sexagénaire habitant une commune limitrophe de Notre-Dame-des-Landes. Pour lui, le rassemblement des opposants à l'aéroport est "la première étape" de la conférence de l'ONU sur le climat, "un exercice grandeur nature", car "on est en train de faire le contraire de ce qu'on prétend, (...) les gouvernants vont prêcher l'écologie, mais surtout pas la pratiquer".
"Ne rien lâcher"
Sur la quarantaine de débats et forums prévus tout le week-end, une large part était consacrée à l'écologie et au climat. D'autres ont dressé un "état des lieux de la lutte" contre le projet d'aéroport, mais aussi contre d'autres "grands projets inutiles", comme la ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin, le site d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse), Sivens, mais aussi le Center Parcs à Roybon (Isère). "Ce rassemblement est devenu une véritable université populaire, il dépasse largement le seul problème de Notre-Dame-des-Landes (...). Ici, on parle de démocratie, de prises de décision, de problèmes environnementaux, de climat", souligne Françoise Verchère.
"C'est l'occasion de se remobiliser, voir quelles sont les luttes en France et ailleurs. (...) et prouver que rien n'est fini", affirme un habitué de ce rassemblement, Julien, venu du Maine-et-Loire. Ce "rendez-vous devenu incontournable" et qui permet de "garder la mobilisation intacte" revêt un caractère "particulier" cette année, le tribunal administratif de Nantes devant rendre vendredi ses jugements dans le volet environnemental du projet, remarque Julien Durand, porte-parole de l'ACIPA (Association citoyenne intercommunale de populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes), principale association d'opposants.
Dix-sept requêtes au total ont été déposées pour demander l'annulation de cinq arrêtés préfectoraux autorisant le début des travaux du futur aéroport. Lors de l'audience, le 18 juin, le rapporteur public a préconisé le rejet des recours déposés par les opposants, estimant que le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne présentait pas d'atteinte environnementale majeure, mais qu'au contraire il y avait des "raisons impératives d'intérêt public à l'aménagement d'un nouvel aéroport". La construction du futur aéroport, dont l'inauguration était initialement prévue en 2017, a été suspendue dans l'attente de l'épuisement des recours déposés par les opposants.
Un seul et même combat au Bourget, au nord de Paris, où se tiendra la Conférence des Nations unies sur le climat, la COP21, et à NDDL
"Les transports aériens sont les passagers clandestins de la lutte contre le réchauffement climatique, on les exonère de tout, a rappelé Lorelei Limousin, du Réseau action climat (RAC), lors du meeting central, dimanche matin. L’absence de taxe sur le gazole destiné à l’aérien fait perdre 550 millions d’euros par an au gouvernement, auxquels on peut ajouter la TVA réduite sur les billets d’avion, 600 millions d’euros, soit plus d’un milliard de manque à gagner." Et de poursuivre, sous les applaudissements des centaines de militants présents sous un grand chapiteau : "Air France est l’un des mécènes de la COP21, on croit rêver !"
Les responsables politiques présents, d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), du Parti de gauche (PG) et du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), ont enfoncé le clou.
"La lutte contre le dérèglement climatique, c’est dans nos publicités, dans notre communication", disent les grands groupes, Air France, BNP Paribas qui investissent dans les énergies fossiles dans le monde, EDF, GDF-Suez, etc., mais en réalité, ils s’opposent à tout projet d’économie d’énergie, a estimé Yannick Jadot, député européen EELV. Ils disent oui, mais "pas ici, pas maintenant, pas comme ça'."
Martine Billard (PG) a taclé de ceux qui "veulent vendre des aéroports verts". « On nous vend même du nucléaire durable; pour être durable, le nucléaire est vraiment durable", ironisa-t-elle. Selon elle, toute la planète ne peut pas voyager, malheureusement, à la découverte de tous les pays du monde. "Il y a des limites, notre planète a des limites, et il faut faire des choix, c’est l’enjeu de la COP21", a-t-elle souligné.
Pour la représentante du NPA, Christine Poupin, la question de "l’expropriation de ces grands groupes capitalistes" est posée.
Au-delà des déclarations politiques, facilitées par l’adhésion totale du public, le week-end de mobilisation contre le projet de Notre-Dame-des-Landes – et autres "grands projets inutiles", tels que le Center Parc de Roybon (Isère), le barrage de Sivens (Tarn, où les agriculteurs souffrent actuellement de sécheresse)… sans oublier "l’usine" des mille vaches a été l’occasion d’un intense travail sur les argumentaires.
Les rendez-vous judiciaires
Tous les intervenants des dizaines de forums organisés sous les six chapiteaux du site ont exprimé leur opposition aux projets en cours. Le lien avec la lutte contre le réchauffement climatique, à cinq mois de la COP21, est permanent, souligné par la présence des responsables de la Coalition Climat 21 et des militants d’Alternatiba qui sont en train de réaliser, à vélo, leur tour de France militant.
"Un Airbus A 320 engloutira autant d’énergie en une heure à son décollage que moi en vingt ans dans mon exploitation agricole, résumait Daniel Durand, de la Confédération paysanne, très marquée à gauche. Pour rejoindre New York, il lui faudrait 150 ha de colza, 300 si on veut qu’il revienne. Alors, inutile de penser aux biocarburants pour le transport aérien."
Et puis il y a l’actualité du dossier de Notre-Dame-des-Landes. Vendredi 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes doit rendre sa décision sur les dix-sept derniers recours déposés par les opposants au projet d’aéroport. La veille, c’est le tribunal administratif de Grenoble, qui jugera des recours des opposants au Center Parc de Roybon.
Des compromis politiques
"Si l’avis nous est défavorable, comme le rapporteur public l’a suggéré, alors nous ferons appel. Et selon l’accord politique scellé avec le président de la République et les premiers ministres qui se sont succédés, aucun chantier ne pourra démarrer avant l’épuisement de toutes les démarches juridiques", rappelle, serein mais déterminé, Julien Durand, agriculteur et figure emblématique de l’ACIPA.
Autour des vastes prairies de La Pâquelais, où les opposants ont installé le rassemblement, des dizaines d’occupants de la zone à défendre (ZAD), répartis entre les fermes et les nombreuses cabanes disséminées dans le bocage, attendent eux aussi la suite, avec la ferme intention de ne pas laisser la place, un jour, aux engins de chantier.
En mars 2014, Royal suggéra un "référendum local"
"Pourquoi pas là aussi un référendum local au niveau départemental ?", avait lancé la ministre de l'Ecologie sur BFMTV. "Dans le cadre de la réforme des procédures que je suis en train de réaliser, il y aura la possibilité d'ouverture pour les maîtres d'ouvrage de recourir à un référendum. (...) Pourquoi pas (sur Notre-Dame-des-Landes), comme sur les autres sujets ?"
Où est passé son ballon d'essai ?
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