La France, terre d'asile du monde entier
Un habitant de l’île de Mayotte sur trois est un étranger en situation irrégulière. |
"En un an, la situation s’est terriblement dégradée", explique Michel Rami, un gynécologue obstétricien à la retraite qui assure ponctuellement des remplacements dans l’unique hôpital de Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, où il a passé un mois en mission. Il décrit une situation de catastrophe sanitaire : "On voit des patients débarquer à Mayotte avec des urgences très graves, des péritonites en choc septique, des grands brûlés surinfectés après une traversée en pirogue de plusieurs heures dans des conditions extrêmement précaires."
Pour franchir les 70 km qui séparent Mayotte d’Anjouan, l’une des trois îles de l’Union des Comores, les passeurs font payer entre 300 et 500 euros pour une traversée en kwasa, une pirogue à moteur, dont les détours visant à éviter les gardes-côtes rallongent d’autant le temps de trajet. "Nous avons eu le cas d’une fille de 11 ans qui est arrivée avec une fracture ouverte depuis plus de trois jours, raconte le médecin. On se retrouve à soigner des pathologies que l’on ne voit plus en Europe dans des délais qui sont inacceptables."
De même que débarquent en Europe des pathologies oubliées: une polémique s'est développée dans la région de Nice sur de prétendus cas de gale, imputées à l'immigration clandestine depuis l'Italie, la Lybie et au-delà en Afrique sub-saharienne, mais on signale aussi une poussée de maladies oubliées, telles la syphilis et la tuberculose.
En France, le nombre de nouveaux cas de tuberculose étaient de 4.934 en 2013. Les taux de déclaration de la maladie restant plus élevés en Ile-de-France, en Guyane, à Mayotte et chez les personnes sans domicile fixe et celles nées à l’étranger.
En Seine-Saint-Denis, département dont la population, précaire et migrante de fraîche date, est la plus cosmopolite et pauvre de France, le nombre de nouveaux cas de tuberculose avait nettement diminué en France entre 2000 et 2010. Désormais, "la proportion de résistance à au moins un antituberculeux de première ligne parmi les nouveaux cas en 2013 était de 10,3% en France", précisent les rédacteurs du BEH. La proportion de multi-résistance, de 1,7%.
"Exode sanitaire", alors que Valls était en voyage à Mayotte à la mi-juin dernier
"Exode sanitaire", alors que Valls était en voyage à Mayotte à la mi-juin dernier
Valls en visite de travail à Mayotte, le 13 juin 2015:
à bord de son kwasa ?
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"Un terrible exode sanitaire s’est rajouté ['ajouté' ou 'surajouté' et non pas 'rajouté') à l’habituel exode économique", résume Michel Rami. La pression migratoire ces derniers mois se fait plus intense, alors que les chiffres de la préfecture, dévoilés en avril, montrent une augmentation de 25 % du nombre de reconduites à la frontière en 2014 par rapport à l’année précédente. Près de 600 kwasas (nom comorien des petits canots de pêche rapides de 7 mètres, à fond plat et nantis de deux moteurs, souvent utilisés par des passeurs pour l'immigration clandestine vers Mayotte) ont ainsi été interceptés en 2014, et autant de passeurs interpellés. Beaucoup d’immigrants ont perdu la vie sur ces embarcations de fortune, comme en Méditerranée.
Aux Comores, les expatriés et les plus fortunés se font évacuer par avion vers Mayotte ou La Réunion en cas d’urgence. Les autres -dont les clandestins bénéficiaires de la CMU- n’ont à leur disposition qu’un système de santé défaillant.
L’Hôpital El-Maarouf, la principale structure hospitalière située à Moroni, la capitale, est régulièrement paralysé et subit la fronde du personnel médical, sous-payé. "Le paiement des heures de garde ne constitue pas le seul problème. Nous sommes aussi préoccupés par le manque d’eau, d’électricité, le manque d’outils de travail élémentaires comme l’oxymétrie, les thermomètres", confiait la semaine dernière un gynécologue au journal local Al-Watwan, jusque-là en grève.
L’Hôpital El-Maarouf, la principale structure hospitalière située à Moroni, la capitale, est régulièrement paralysé et subit la fronde du personnel médical, sous-payé. "Le paiement des heures de garde ne constitue pas le seul problème. Nous sommes aussi préoccupés par le manque d’eau, d’électricité, le manque d’outils de travail élémentaires comme l’oxymétrie, les thermomètres", confiait la semaine dernière un gynécologue au journal local Al-Watwan, jusque-là en grève.
83 médecins pour 100.000 habitants
A Mayotte, si l’hôpital suit les normes françaises, il est dimensionné pour une population de 200.000 habitants. Or, en dépit de l’absence de statistiques fiables, on estime le nombre de personnes en situation irrégulière entre 100.000 et 150.000, ce qui conduit à la saturation de l’hôpital. "Tous les matins, nous sommes obligés de prioriser les urgences, et certains doivent attendre plus de 48 heures pour être opérés. Il faudrait doubler le nombre de blocs opératoires pour répondre aux besoins", estime Michel Rami.
A cela s’ajoute un boom dans le nombre de naissances
Mayotte, qui est le département français où le taux de fécondité est le plus élevé, est déjà et depuis plusieurs années la première maternité de France. "70 % des naissances sont le fait de femmes sans-papiers", souligne le médecin. Elles cherchent à faire bénéficier à leurs enfants de la nationalité française, à moins que le système français de protection sociale ait un pouvoir plus attractif que l'amour de la France et des Français, soit un phénomène qui pose la question de la soutenabilité financière de l’établissement, puisque à l’échelle de l’hôpital, 40 % des soins sont prodigués à des non-assurés sociaux.
Or, l'islam (version sunnite) est pratiqué par 95 % de la population mahoraise. Dès l'âge de six ans, les enfants fréquentent en parallèle l'école coranique et l'école primaire de la République.
L’Agence régionale de santé (ARS) tire aussi la sonnette d’alarme : "Il est clair que la situation est complexe", explique Chantal de Singly, la directrice générale. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a été alertée de la gravité de la situation et "nous sommes en relation permanente pour mobiliser des ressources."
Pour la responsable, le grand défi est d’attirer du personnel soignant, alors que l’insécurité et la faiblesse du système éducatif ont fait de Mayotte un désert médical, avec 83 médecins pour 100.000 habitants en 2013, contre 285 pour La Réunion. "Il nous est surtout compliqué de mobiliser des équipes dans la durée, et c’est pesant pour les permanents qui doivent gérer les allers et venues constantes de remplaçants", ajoute-t-elle.
En visite sur l’île en juin, le premier ministre Manuel Valls a posé la première pierre d’un nouvel hôpital dont l’achèvement est prévu pour 2018. "Ce n’est pas l’argent qui manque à Mayotte, ce sont des bras", analyse la directrice. Par leur travail, les bras français sont néanmoins heureux de produire de la richesse et de participer à la solidarité universelle depuis la métropole.
A Mayotte, si l’hôpital suit les normes françaises, il est dimensionné pour une population de 200.000 habitants. Or, en dépit de l’absence de statistiques fiables, on estime le nombre de personnes en situation irrégulière entre 100.000 et 150.000, ce qui conduit à la saturation de l’hôpital. "Tous les matins, nous sommes obligés de prioriser les urgences, et certains doivent attendre plus de 48 heures pour être opérés. Il faudrait doubler le nombre de blocs opératoires pour répondre aux besoins", estime Michel Rami.
A cela s’ajoute un boom dans le nombre de naissances
Mayotte, qui est le département français où le taux de fécondité est le plus élevé, est déjà et depuis plusieurs années la première maternité de France. "70 % des naissances sont le fait de femmes sans-papiers", souligne le médecin. Elles cherchent à faire bénéficier à leurs enfants de la nationalité française, à moins que le système français de protection sociale ait un pouvoir plus attractif que l'amour de la France et des Français, soit un phénomène qui pose la question de la soutenabilité financière de l’établissement, puisque à l’échelle de l’hôpital, 40 % des soins sont prodigués à des non-assurés sociaux.
Or, l'islam (version sunnite) est pratiqué par 95 % de la population mahoraise. Dès l'âge de six ans, les enfants fréquentent en parallèle l'école coranique et l'école primaire de la République.
L’Agence régionale de santé (ARS) tire aussi la sonnette d’alarme : "Il est clair que la situation est complexe", explique Chantal de Singly, la directrice générale. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a été alertée de la gravité de la situation et "nous sommes en relation permanente pour mobiliser des ressources."
Pour la responsable, le grand défi est d’attirer du personnel soignant, alors que l’insécurité et la faiblesse du système éducatif ont fait de Mayotte un désert médical, avec 83 médecins pour 100.000 habitants en 2013, contre 285 pour La Réunion. "Il nous est surtout compliqué de mobiliser des équipes dans la durée, et c’est pesant pour les permanents qui doivent gérer les allers et venues constantes de remplaçants", ajoute-t-elle.
En visite sur l’île en juin, le premier ministre Manuel Valls a posé la première pierre d’un nouvel hôpital dont l’achèvement est prévu pour 2018. "Ce n’est pas l’argent qui manque à Mayotte, ce sont des bras", analyse la directrice. Par leur travail, les bras français sont néanmoins heureux de produire de la richesse et de participer à la solidarité universelle depuis la métropole.
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