L’Eurogroupe est contraint de passer au 'plan B'
Les négociations ont été rompues entre la Grèce et les ministres des finances de la zone euro
Tsipras appelle à voter 'non' au référendum qu'il a lancé sans crier gare: la crainte d’un 'Grexit' grandit |
Hollande et Moscovici avaient promis une issue positive...
Or, l’Eurogroupe de la dernière chance, qui se déroulait samedi 27 juin à Bruxelles, a décidé une suspension de séance en fin d’après midi. Il était censé valider un accord " réformes contre argent frais", absolument nécessaire pour éviter le défaut de l’Etat grec. Son président, le ministre des Finances des Pays-Bas, Jeroen Dijsselbloem, a dû annoncer gravement que les négociations avec le gouvernement grec avaient été rompues, malgré l’offre "complète" et la volonté des créanciers de la Grèce.
L’Eurogroupe refusant de prolonger le plan d’aide à la Grèce, son président a également annoncé que les ministres des finances vont reprendre leur conversation, pour parler du 'plan B'... Mais sans leur collègue grec, Yanis Varoufakis: avec l’annonce surprise du référendum de par Tsipras, en quelques instants, la Grèce avait signé la veille sa sortie de la zone euro.
Préserver le systême bancaire grec de la faillite
L’heure est grave: les 18 ministres des Finances de la zone euro doivent décider des mesures à prendre pour "assurer la stabilité de la zone euro", a précisé J. Dijsselbloem. Il faut d’abord préserver le système bancaire grec de la faillite, alors que la fuite des capitaux, déjà considérables ces derniers jours, a atteint 600 millions d’euros dans la seule matinée de samedi.
Pour se faire, il faudrait introduire un contrôle des capitaux, peut-être dès lundi 29 juin, à Athènes. Mais cette décision relève en dernier ressort du gouvernement grec d'extrême gauche qui s'est fait élire sur des promesses d'opposition farouche à l'austérité. Or, en cette fin de semaine, des membres du gouvernement grec étaient persuadés qu’un contrôle des capitaux serait une bonne chose pour la popularité de Tsipras, renforçant le sentiment qu’il est victime de l’acharnement des créanciers, du FMI, de la BCE, du reste de l’Eurozone.
Inévitable à court terme, cette décision de limiter les sorties de capitaux n’est pas envisagée de gaîté de cœur à Bruxelles, où on craint qu’elle ne fonctionne pas suffisamment bien pour éviter une sortie de la Grèce, progressive, de la zone euro. "Cela a marché pour Chypre, qui est une île, qui est plus petite, mais la Grèce a des frontières et ce sera plus difficile de contenir les liquidités" s’alarmait une source européenne ces derniers jours.
Risque d'interruption de l'assistance respiratoire aux banques
La BCE devait réunir sa conférence des gouverneurs, dimanche 28 juin, pour décider, ou pas, de prendre des mesures d’urgence concernant les liquidités aux banques grecques, ces désormais fameux ELA, le seul mode de financement qui reste au système bancaire grec.
Ces dix derniers jours, l’institut de Francfort avait décidé par trois fois de relever le plafond de ces ELA. Mais, à sa tête, les Allemands et les Finlandais faisaient de plus en plus pression pour que ces liquidités soient supprimées. En l’absence d’accord avec Athènes, et le deuxième plan d’aide à la Grèce "s’éteignant" le 30 juin, la BCE sera définitivement contrainte, peut-être dès dimanche soir, de prendre cette décision d’asphyxie du système bancaire grec.
Certains à Bruxelles n’excluaient pas, samedi, que le SSM (le superviseur bancaire européen), sous l’égide de la BCE, réunisse aussi sa "direction" dans les heures ou les jours qui viennent, pour évaluer la solvabilité des banques grecques. Si elle estime qu’elles sont en risque, elle pourrait prendre - à la place du gouvernement grec - une décision de fermeture des établissements financiers.
Eviter la contagion au reste de l’Eurozone ?
Les ministres des Finances en format "19 moins 1" en ont discuté samedi soir. Les banques européennes sont très peu exposées aux obligations grecques, contrairement à 2009-2012. Mais d’autres, en Bulgarie, en Roumanie, à Chypre, ont des banques plus vulnérables, et qu’il faudrait pouvoir protéger. Il y a aussi tous les instruments dont se sont dotés les Européens suite à la crise de 2008 : l’Union bancaire, le Mecanisme européen de stabilité, etc.
La commission européenne est prête à prendre les dispositions administratives pour éviter des effets collatéraux dans ces pays. Les dirigeants européens pourraient aussi, dans les jours qui viennent, communiquer d’une manière forte, pour dire que l’Eurozone, même sans la Grèce, sera préservée, et ne va pas vers l’implosion.
C’est d’ailleurs en prévision de ce scénario catastrophe que le président de la commission, Jean-Claude Juncker, le président du Conseil, Donald Tusk, J. Dijsselbloem et Mario Draghi pour la BCE avaient publié, en début de semaine, leur 'plan' pour une plus grande intégration de l’Eurozone. "Aujourd’hui, il faut prendre des mesures fortes pour rassurer, et pour prévenir une nouvelle crise financière en Europe. On pourrait par exemple accélerer le principe d’une garantie des dépôts européenne ", selon une source européenne.
Tsipras a pris tout le monde par surprise
Les différents dirigeants de l’Eurozone ont pris soin, samedi, de dire à quel point ils avaient tout fait pour aider la Grèce, et que personne, autour de la table de l’Eurogroupe, ne souhaitait la sortie de la Grèce de la zone euro. "Ce qui s’est passé aujourd’hui, ce n’est pas la sortie de la Grèce de la zone euro", a assuré Michel Sapin, le ministre français des Finances, alors que Hollande a voulu croire jusqu’au bout à son influence comme "trait d’union" entre l’Eurogroupe et le gouvernement Tsipras. "Nous avions fait une offre avec des flexibilités et des compromis. C’est le gouvernement Tsipras qui a décidé de la refuser et a envoyé un message négatif aux Grecs à propos de cette offre [en appelant à un référendum sur un accord qu’il estime inacceptable]3, a pour sa part dénoncé le Néerlandais, J. Dijsselbloem.
La Commission européenne a de fait travaillé jusqu’au vendredi soir 26 juin, pour parvenir à un accord avec Athènes. Les différences entre les parties étaient très faibles, selon l'Elysée. L’un collaborateur raconte : " Le pire, c’est que les négociateurs grecs qui étaient enfermés au Charlemagne [un des bâtiments de la Commission] , vendredi soir, ont appris la décision du référendum en même temps que les négociateurs côté créanciers."
Bien qu'il ait passé des heures avec Alexis Tsipras durant la semaine pour tenter de trouver une solution, Jean-Claude Juncker lui-même n’a découvert la décision du référendum qu’à son réveil.
L'irresponsabilité des nouveaux venus à Athènes
En off à Bruxelles samedi, on ne se cachait pas pour dénoncer l’"irresponsabilité" de cet appel au référendum. "Quelle question va t-on poser aux Grecs ? S’ils acceptent le plan des créanciers ? Mais lequel va-t-on leur soumettre ? Aucun n’avait été validé par l’Eurogroupe, c’était encore un texte en chantier, sur lequel des compromis étaient négociés", explique, médusée une "source proche des négociations". "En plus, personne, à moins d’être spécialiste du sujet, ne peut vraiment y comprendre quoi que ce soit, ce sont des documents très techniques".
Tel autre s’indignait du fait que "vendredi, il y avait un conseil des chefs d’Etat et de gouvernement européens, et Tsipras n’a dit à personne ce qu’il avait l’intention de faire. Même pas à Merkel". De fait, Michel Sapin l’a confirmé, lors d’un point presse, samedi : le président Hollande n'a pas été avisé du référendum avant vendredi en soirée, assure son entourage. A moins que ce ne soit, à vrai dire, que samedi matin, comme tout le monde !...
"La seule chose qu’on puisse espérer, pour éviter le pire, c’est que le Parlement grec décide d’empêcher le référendum ou que le gouvernement grec revienne sur sa décision et, d’ici mardi prochain, nous fasse une nouvelle proposition d’accord acceptable", lâchaient des proches de créanciers.
Pour Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaire économiques, " si les ministres des Finances n'ont pas accordé d'extension du plan d'aide à l'Eurogroupe, c'est parce que le gouvernement grec a accompagné l'annonce du référendum d'un appel à voter non. Mais la zone euro compte toujours 19 membres et pas 18;la Grèce en fait partie. La commission se battra jusqu'au bout pour qu'elle reste."
Contre sa volonté ? samedi soir, Personne n’était capable de garantir qu’on serait capable de maîtriser la situation politique, économique, voire géopolitique dans les jours et les semaines qui viennent.
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