Des élèves de Terminale ont pétitionné en ligne contre une question de l'épreuve d'anglais
Après les sueurs froides occasionnées aux candidats de première S et ES du bac de français par le 'Tigre bleu' de papier de la pièce de théâtre de Laurent Gaudé, leurs aînés de Terminales se sont trouvés une nouvelle bête noire en la personne de Robbie Turner, personnage de fiction (l'un des "100 meilleurs romans de tous les temps") et non pas footballeur.
Le sujet d'anglais fait délirer les cancres prétentieux candidats au baccalauréat: des formulations de questions de compréhension sur un extrait d'"Atonement" ("Expiation" en français), roman de l'écrivain Ian McEwan, ont dérouté certains qui, sur la page Facebook "Baccalauréat 2015 en France" qui compte 125.000 inscrits, ont étalé leur incompétence. Et ils seraient 10.000 à étaler leur crasse, ce lundi matin.
La 'Question M' portant sur les états d'âme de Robbie Turner, soldat de la Seconde Guerre mondiale, a désarçonné les plaignants. Les candidats devaient identifier trois des préoccupations ("three of his concerns") du héros et expliquer comment il gère ("is coping with") la situation. Mission impossible, protestent en choeur des milliers de lycéens sur Facebook, affirmant que ces deux mots étaient inconnus au bataillon et les questions mal formulées.
Les plaintes ne sont pas justifiées
Le vocabulaire utilisé par le concepteur du sujet est parfaitement adapté à l'épreuve, à son niveau d'exigence et au référentiel lexical officiel. Il est en outre exclu que leurs professeurs aient pu les contourner au fils de trois années de formation en lycée. Ce qui est plus vraisemblable tient au désintérêt des classes scientifiques pour les matières à faible coefficient, notoirement méprisées lorsque littéraires.
Hollande s'était déjà signalé pour la maîtrise de son anglais écrit courant, pour impressionner Obama, tentant de copiner... (novembre 2012) |
L'état d'esprit des râleurs transparaît dans leurs jérémiades
Et d'accommoder Turner à toutes les sauces. "Je suis Turner", clame un potache. "Ceux qui ont répondu ont gagné une journée avec Turner", promet un autre rigolard. En mangas, BD, faux tests et photos détournées, d'autres imaginent comment des profs d'anglais forcément sadiques -mais peut-être plutôt maso- ont concocté les questions les plus tordues sur Turner.
Les enjeux de la maîtrise d'une langue étrangère universelle qui tend à supplanter leur langue maternelle ne semble pas émouvoir ces jeunes adultes. Ils ont négligé son apprentissage, bien que débuté dès l'école primaire pour leur ouvrir l'esprit et faciliter leurs acquisitions, mais ils ont suivi l'exemple du président, sorti de Science Po et de l'ENA sans savoir ni lire ni écrire dignement trois mots d'anglais. L'anglais de Hollande provoque l'hilarité de la planète et la jeunesse dont il a fait sa priorité suscite maintenant l'effarement de l'Europe.
Et les candidats doivent, de surcroît, répondre en anglais... Si ce n'est pas du sadisme, en effet ! Le bac est devenu mission impossible.
Un phénomène de masse insensé
Tombé de son arbre, Arthur, 17 ans, lycéen parisien, a lancé vendredi soir une pétition demandant au ministère de l'Education l'"annulation de la Question M au bac d'anglais !" Buzz immédiat puisque, samedi soir, ils étaient déjà près de 9.000 signataires dont l'implication n'est d'ailleurs pas avérée.
"A la sortie de l'épreuve", a-t-il raconté, "j'ai parlé à un ami dans un autre lycée et j'ai découvert qu'il avait eu exactement le même problème que moi avec la question M. Alors j'ai lancé une pétition pour savoir si beaucoup d'autres l'avaient eu aussi, et c'est devenu viral. Plein de personnes n'ont pas compris le mot "coping", c'est un mot peu courant", affirme-t-il. Mais c'est faux: le verbe "affronter" n'est inconnu que des candidats absentéistes, distraits ou arrivés en terminales par extraordinaire.
Le contestataire serait crédible s'il était sérieux
Arthur n'a visiblement jamais tenté d'atteindre le niveau très accessible de Hollande. Quelque huit années ne lui ont pas permis d'apprendre le vocabulaire requis de cette langue de pub, de video et de musique, que ce soit par osmose ou par volonté et, a fortiori, ne lui ont évidemment pas suffi à l'approcher et à en cerner l'intelligence.
Le bien-fondé de la pétition du fantaisiste serait reconnu s'il ne polémiquait pas ("il est important de formuler des questions avec rigueur et clarté, selon le jeune impertinent"), avec l'intention de gagner des points après s'être laissé vivre pendant ses années-lycée.Il est injuste -ou malveillant- de juger ces "questions incompréhensibles et impossibleS à traiter". Et réclamer un "changement de notation sur la question M avec des points bonus" est révélateur...
L'individu se révèle en affirmant que "cette pétition n'a pas un but de remettre en question le bac mais seulement de l'améliorer." Le garçon est-il téléguidé lorsqu'il porte la contestation devant la ministre? "De plus, nous demandons donc à rencontrer la ministre afin de discuter au sujet de l'épreuve d'anglais au baccalauréat," demande-t-il, dès la fin de l'épreuve."Il argumente: "Nous avons pu noter que certains élèves avaiENt perdu du temps dans la réflexion sur la question. Cela a donc créer (CREE) des externalités négatives sur l'ensemble de la copie car ils n'ont pas eu le temps de finir à temps." Nul doute qu'il a cartonné à l'épreuve de français...
La pétition d'Arthur ne fait d'ailleurs pas l'unanimité parmi ses condisciples
D'autres lycéens trouvent l'initiative de très mauvais goût et injustifiée. Ils craignent qu'elle fasse "passer leur génération pour des demeurés". "En 2015, tu trouves une question dure et tu fais une pétition. Bourrée de fautes. Non, juste non", tweete Hugo Travers, 18 ans, fondateur du site Radio-Londres.fr.
En 2015 tu trouves une question un peu dure, tu fais une pétition. Bourrée de fautes. Non, juste non. #BacAnglais pic.twitter.com/cE7OYImBqI
— Hugo Travers (@HugoTravers) 19 Juin 2015
Deux contre-pétitions ont même été lancées.
Ce délire potache soulève la question des plate-formes de pétitions en ligne.
Elles donnent à tous les moyens de créer -"et gagner des campagnes" qui font changer les choses: la démagogie fait une fois encore reculer la démocratie.
Une pétition contre le point G introuvable pourrait buzzer aussi !
Le nombre de signataires, on le voit, ne fait rien à l'affaire: les phénomènes de masse sont rarement intelligents...
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