Kanner veut la place
Ils pourraient se blesser... |
"Il ne faudrait pas que le Nord pollue tout le congrès", redoutait un proche de Manuel Valls, alors que l’unique enjeu de ce weekend est d’afficher l’unité retrouvée de la famille socialiste. "Il y a quelque chose d’étonnant à mettre en relation la situation à l’intérieur d’une fédération et une menace d’expression susceptible de nuire à la cohérence et à l’unité des socialistes", avait mis en garde le Vallsiste Jean-Marie Le Guen, chef de file du Pôle des Réformateurs.
Or, concurrencée sur ses terres par ses rivaux au sein du Parti socialiste, la maire de Lille n'a pas donné de la voix à Poitiers samedi après-midi, juste après Manuel Valls, sa "tête de turc favorite". Le Catalan s'est donc envolé pour Berlin, en jet privé gouvernemental... Sans Kanner qui, jusqu'à plus ample informé, est pourtant son ministre de la Ville, de la Jeunesse et des... Sports. Le prétexte d'une rencontre avec Platini, le patron de l'UEFA, à l'occasion du caprice du premier ministre de soutenir son équipe en finale de Ligue des champions à Berlin, le Barça, est donc très faible.
Commencé vendredi dans l'appréhension, le 77e congrès socialiste a fini dans le calme et l'hypocrisie des baisers sur la bouche. Le vote des militants, qui ont opté à 60% pour la motion de Jean-Christophe Cambadélis soutenue par l'exécutif, a en effet tué le match annoncé. Le Nord a donc logiquement apporté son écot: la fédération a voté à plus de 70% pour la motion 'Camba', reléguant les frondeurs au rôle de figurants. "Cela a surtout évité à la maire de Lille d’avoir à se compter dans sa fédé", décrypta un hollandien.
Reste toutefois un part de suspense : Martine Aubry devra-t-elle rendre les clés de la fédération ? Seul est clair le motif du ralliement de la Ch'tite de Lille à la motion Cambadélis: sauver une peau dont on ne donne déjà plus cher. N'avait-elle pas assuré le service minimum, s’affichant aux côtés de Claude Bartolone en Seine-Saint-Denis, et sur ses terres nordistes?
Dans le Nord, pro et anti-Aubry s'affrontent. La spécialiste du complot a enregistré des retours de boomerang en nombres. Pour comprendre les raisons de la possibilité de sa mise à l'écart, il faut observer les remous en eaux troubles de la fédération PS du Nord. Jeudi, les adhérents ont élu le premier secrétaire de cette fédération, l'une des plus importantes du parti. Le candidat sortant au poste est l'eurodéputé aubryste Gilles Pargneaux. Or, comme le rapportent L'Opinion et Libération, les adversaires locaux de Martine Aubry poussent une autre candidate, Martine Filleul (ci-dessus à droite), la candidate poussée par le ministre de la Ville et tout ce que le département compte d’anti-aubrystes, du ministre Patrick Kanner au député Bernard Roman en passant par l’ancien maire de Dunkerque et sénateur, Michel Delebarre (préfet hors-cadre, sans avoir jamais été préfet).
Le duel Aubry vs Kanner
Ce bras de fer aurait pu enflammer ce congrès. Car à la tête des anti-aubrystes, on trouve Patrick Kanner, ci-contre, nommé ministre de la Ville lors du remaniement d'août dernier, non sans arrière-pensée, puisque cet président du Conseil général du Nord depuis 2011 avait pourtant adressé de vives critiques au gouvernement sur la réforme territoriale annoncée. Depuis, Martine Aubry n’a pas pardonné à son ancien adjoint de s’être passé de sa bénédiction pour entrer dans le gouvernement Valls, en août 2014, à 57 ans. Elle refuse d'ailleurs qu'on le présente comme l'un de ses proches. Depuis, les relations entre ces deux barons du Nord sont glaciales. En décembre dernier, Patrick Kanner s'était d'ailleurs ému dans un entretien que sa nomination ait été passée sous silence par le journal municipal de Lille...
La fédération compte un peu plus de 5.000 encartés, là où ils étaient plus de 11.000 à jour de cotisation en 2007. En novembre, les élus socialistes du Nord, Patrick Kanner compris, ont appris par la presse, stupéfaits, l’arrivée de François Lamy, député de l’Essonne, fidèle lieutenant de Martine Aubry, dans le département, chargé d’une improbable mission à la mairie.
A Poitiers, Martine Aubry a adopter un profil bas. S'exprimera, s'exprimera pas à la tribune ? Le député PS François Lamy, l'un des fidèles de Martine Aubry, affirmait qu'elle ne parlerait pas. "Il n'en a jamais été question", avait-il assuré à La Voix du Nord. Elle a joué la grande muette et plusieurs représentants de l'aile gauche du PS lui en tiennent rigueur. Le Congrès de Poitiers, dans la capitale de... Poitou-Charentes, était verrouillé.
Martine Aubry sera-t-elle renversée dans sa propre fédération ? La réponse doit tomber jeudi 11 juin, lors de l’élection par les militants locaux des premiers secrétaires fédéraux. A OK Corral, l'ex-concubine présidentielle battue en 2007 sera-t-elle vengée de la magouille qui l'a ensuite également privée de la direction du parti lors du congrès de Reims en 2008: Martine Aubry avait été élue premier secrétaire avec 50,04 % des voix.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):