Les islamistes manifestent au grand jour pour l’application de la charia en Algérie
Jusqu'ici très patients et discrets au début de la révolte populaire, ils sont désormais de plus en plus visibles
Des islamistes manifestent à découvert en Algérie |
Le 29 mars, un groupe d’islamistes radicaux a en effet, organisé une première marche à Bourouba dans la périphérie d’Alger. Hostiles à la démocratie, ils ont scandé des slogans favorables à l’instauration d’un Etat islamique. Ils étaient des dizaines à rappeler la période où le Front islamique du salut (FIS) régnait en maître absolu de la vie algéroise. Actuellement, la Constitution algérienne définit "l'islam, l’arabité et l’amazighité" (berbère) comme "composantes fondamentales" de l'identité du peuple algérien et le pays comme "terre d’Islam, partie intégrante du Maghreb, pays arabe, méditerranéen et africain". L'islam est la religion de 98 à 99 % des Algériens.
Le Front islamique du salut (FIS) est en revanche une formation politique algérienne militant pour la création d'un Etat islamique. Fondé en février 1989, il fut dissout en mars 1992 par le tribunal administratif d'Alger. Il conduit une stratégie de conquête du pouvoir pour l'instauration d'un Etat théocratique et totalitaire semblable à celui des mollahs en Iran ou des talibans en Afghanistan. Pour parvenir à ses fins, il a partout recours à des actions populistes de bienfaisance et de lutte contre la pauvreté pour gagner la sympathie et la confiance des masses populaires.Une premier coup de semonce date de décembre 1991 quand, au premier tour des élections législatives, le FIS obtint 188 sièges sur 231, soit près de 82 %. Différentes tendances s'opposent dans ce regroupement de courants islamistes, mais les salafistes, regroupés autour d'Ali Belhadj, forment le courant le plus important du parti.Ali Belhadj, 63 ans, est le cofondateur, avec Abbassi Madani, du Front islamique du salut. est considéré comme l'un des "prêcheurs de mort" qui ont fait glisser le pays dans une décennie d'hécatombes, lors de la guerre civile algérienne (décennie noire, décennie du terrorisme, années de plomb, années de braise, du conflit opposant le gouvernement algérien, disposant de l’Armée nationale populaire (ANP), aux divers groupes islamistes à partir de 1991. Durant les révolutions du Printemps arabe, Ali Belhadj fut arrêté, puis inculpé d'"atteinte à la sécurité de l'Etat" et d'"incitation à la rébellion armée," le 19 janvier 2011.La participation de Belhadj à la propagande d'enrôlement de la population dans des mouvances armées reste active dans les GIA (organisation terroriste islamiste d'idéologie salafiste djihadiste créé lors de la guerre civile algérienne) et dans l'AIS (Armée islamique du salut, branche armée du FIS opposée au gouvernement de 1993 à 2000).
Les islamistes refusent les lois de la République : "ni charte ni constitution, il n’y a que le coran et la sounna (règles de Dieu)"
Ils crient haut et fort qu’ils vont "se battre jusqu’à la mort pour l’instauration d’un Etat islamique qui ne reconnaît pas la volonté populaire, et où seule la volonté de dieu va gouverner".
Pour l’instant, les actions de ces islamistes se limitent à la périphérie d’Alger, Kouba, El Harrach et Bourouba, ne s’aventurant pas dans les grandes places d’où ils sont rejetés.
Ces anti-démocrates, qui ont toujours tenté de détourner les révolutions populaires pour confisquer le pouvoir au peuple et le remettre aux fanatiques religieux, travaillent dans l'ombre à leur main-mise sur la république, avec des stratégies différentes, tout en restant unis sur leur objectif commun.
Leurs incursions sporadiques dans la révolte actuelle révèlent leur volonté de récupérer le terrain perdu, ainsi que leur positionnement pour les échéances à venir.
Bien que le gouvernement algérien au pouvoir soit généralement connu pour sa politique de lutte déterminée contre le terrorisme islamiste, le journal Le Monde souligne que "les représentants des courants islamistes les plus radicaux ne manquent pas de tribunes médiatiques" et rapporte qu'un islamiste, Abdelfatah Hamadache, chef du 'Front de la Sahwa [renaissance: c'est aussi l'appellation de la liste de Macron aux Européennes...] islamique salafiste', un parti non agréé, ancien militant du Front islamique du salut, et qui souhaite imposer la charia en Algérie, a pu appeler publiquement au meurtre d'un intellectuel (l’auteur Kamel Daoud, dont le roman « Meursault, contre-enquête » a été finaliste du Prix Goncourt) sans avoir été inquiété par la justice.
En 2015 déjà, "ce journal satanique français" (selon Abdelfatah Hamadache) mettait en garde : "les autorités algériennes se montrent de plus en plus permissives à l’égard des islamistes". Sont en cause, d’abord les réseaux sociaux, mais aussi, dans un contexte d’ouverture de l’audiovisuel, des chaînes de télévision privées tolérées, sans êtres agréées, et qui émettent depuis l’étranger. C’est notamment le cas des extensions TV des quotidiens arabophones réputés populistes Ennahar et Echourouk (deux organes de presse privés algériens, avec chaînes de télévision d'information nationale en continu). Ainsi, après son appel au meurtre, Hamadache a pu confirmer ses propos sur Ennahar TV, avant d’y débattre sur le caractère "pêché" de la bûche de Noël et de la célébration du Nouvel an. Il avait déjà exposé son projet d’Etat islamique en octobre sur Echourouk TV.
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