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lundi 21 janvier 2019

La loi "anti-casseurs" arrive à l'Assemblée, plongeant la majorité dans l'embarras

La proposition de loi anti-casseurs voulue par Edouard Philippe sera à l'ordre du jour de la commission des lois de l'Assemblée, mercredi

Certains dans la majorité craignent une atteinte à la liberté et réclament des modifications

Après deux mois de mobilisation des Gilets jaunes et de manifestations que des éléments radicaux incontrôlés ont pu faire dégénérer en décembre, le gouvernement a sauté sur l'opportunité pour légiférer contre la violence de rues. Le 7 janvier, Edouard Philippe avait appelé de ses voeux et défendu la création d'un nouveau texte censé venir muscler l'arsenal répressif contre les casseurs

Prévue pour début février, cette loi permettrait en particulier de durcir les sanctions contre les casseurs venant cagoulés ou les organisateurs ne respectant pas l’obligation de déclarer des manifestations. Un fichier de recensement de ces individus avait alors été mis sur la table. Un de plus, sachant que les 'fichés S' courent les rues.

Dès mardi 22 janvier, cette promesse du premier ministre sera bien examinée en commission de l'Assemblée. Elle passera ensuite par l'Hémicyle dès le mardi 29. Or, seulement une partie des députés LREM semble approuver ce texte en l'état. Ces mesures voulues par le gouvernement, en vérité déjà existantes contre le hooliganisme dans le sport, sont aujourd'hui attribuées - pour certains axes - au Républicain Bruno Retailleau. 
Celui-ci avait en effet proposé une loi sur la question, votée au Sénat le 23 octobre dernier. Dans les grandes lignes, le texte prévoyait des fouilles à l'entrée des cortèges de manifestants, ce qui a déjà été mis en application, notamment sur les Champs-Elysées, un fichier national de personnes interdites de manifestations ou encore de faire du port de la cagoule un délit passible de prison. 
Des supporters se battent en tribune lors du match Angleterre-Russie au stade Vélodrome de Marseille, en phase de pools de l\'Euro de foot de 2016.
En fait, depuis, Edouard Philippe l'a ardemment désirée, répétant trois fois en dix minutes, lundi 7 janvier, au 20h de TF1 : les casseurs "n'auront pas le dernier mot", dans la crise des "gilets jaunes". Et pour cela, il voulait déjà une loi dédiée qui permettrait, notamment, la création d'un fichier national recensant les auteurs de violences pendant les manifestations. Un document dont le chef du gouvernement a précisé qu'il se ferait sur le modèle de ce qui existe déjà contre les ...hooligans.

Nul n'a oublié que, lorsqu'ils étaient aux affaires, les socialistes et la gauche radicale dans son ensemble refusaient de faire un délit du port de capuches et de cagoules. 
En février 2015, des hommes cagoulés et armés ont ouvert le feu sur la police, dans les minutes précédent le passage du premier ministre socialiste, Manuel Valls, en pleine rue dans une cité sensible des quartiers Nord de Marseille, la cité de la Castellane, en quasi-état de siège. Sept kalachnikovs et plusieurs kilos de drogue ont été retrouvés, a annoncé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, en fin d'après-midi. 
En octobre 2016, une dizaine d'activistes d'extrême-gauches encagoulés a pourtant détruit le local de la permanence du PS à Saint-Etienne.

Avant le phénomène Gilets jaunes, le 23 octobre dernier, les sénateurs socialistes et communistes s'étaient alors opposés au projet de loi, arguant qu'une telle loi ne pouvait qu'être une atteinte à la liberté de manifester, certains faisant même le rapprochement avec la loi anti-casseurs de 1970 supprimée par François Mitterrand.

Du côté de la majorité, on se montre donc plus qu'incertain, écrit le JDD, comme le résume le responsable du texte pour la majorité Jean-François Eliaou, député LREM de l'Hérault, candidat de l'Union de la droite aux Élections départementales de 2015 et pédiatre, qui proposa à François de Rugy, alors président de l'Assemblée, une feuille de route pour la création d'une agence d’évaluation parlementaire permanente.
"Il y a un équilibre à trouver entre les outils à mettre à la disposition de nos forces de l'ordre et la tentative de liberticide qui limiterait le droit constitutionnel de manifester".

Car c'est bien ce qui effraie les députés: comment appliquer un système initialement mis en place dans le cadre d'interdictions de stade lié à l'anti-hooliganisme, à des manifestations?

Des amendements déposés par les élus LREM

Plusieurs députés  majorité présidentielle ont donc déposé des amendements dont l'un propose par exemple de supprimer deux des mesures principales du texte. En outre, celle qui autorise des fouilles lors de filtrages et celle qui permet aux maires ou préfets d'interdire de manifestations certains individus. Parmi la douzaine à l'étude, celui porté par Sacha Houlié, 31 ans, ex-militant du Parti socialiste, qui propose de renforcer le contrôle par le Parlement de ces dispositions, avec le soutien d'une cinquantaine d'élus.

Si la doxa socialiste entraîne une réticence du côté des députés LREM qui sont issus du PS, certains renégats concèdent tout de même que sur le principe, une telle loi permettrait "de répondre à une demande d'ordre public qui émane de la population", nuance Sacha Houlié dans le JDD. Les macroniens se préparent à trouver  un consensus, de gré ou de force, toute idéologie passée bue.

Après la réponse économique, la réponse sécuritaire. 
La loi dite "anti-casseurs" est examinée en commission des lois à partir de mercredi matin, et débattue la semaine suivante dans l'Hémicycle. Le texte, qui comporte huit articles, vise à sanctionner plus durement les auteurs de violences lors des manifestations et à identifier les "casseurs", notamment par la création d'un fichier dédié. 

"Reprendre un texte proposé pendant notre semaine de niche parlementaire, au départ, on n'était pas vraiment contents", reconnaît un député macronien. D'autant que les récents questionnements sur l'utilisation du Flash-Ball par les forces de l'ordre risquent d'agiter un peu plus les débats. "Je pense que ce texte ne pose aucune difficulté, rassure la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, une ex-socialiste et avaleuse de couleuvres...

Le temps des faux-culs et des faux-semblants


Le dialogue se tend entre le gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale autour de la proposition de loi anticasseurs. Désireux d’accentuer la répression, le gouvernement s’est appuyé sur une proposition de loi (PPL) déjà votée en octobre au Sénat à l’initiative de Bruno Retailleau (Les Républicains).Les députés doivent commencer à en débattre mercredi 23 janvier en commission, après l’audition la veille du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. 
Mais, dégainé début janvier par le premier ministre, Edouard Philippe s'expose à  la fronde de députés de La République en marche (LRM) qui redoutent des dispositions "liberticides". Dimanche soir, ces derniers envisageaient la suppression de trois des dispositions phares de la PPL. Les velléitaires tiendront-ils tête jusqu'au vote ?

Premier élément de crispation, l’article 1 qui instaure un périmètre de sécurité autour des lieux de manifestation. Lors d’une première rencontre avec Christophe Castaner, mardi 15 janvier, les députés l’ont interrogé sur l’intérêt d’une telle mesure. "Je n’ai toujours pas compris", lâche le blanc-bec Sacha Houlié, avocat par protection. 

Autre mesure clivante : la création d’un fichier de "casseurs". La députée LRM Paula Forteza, élue d'Amérique latine et Caraïbes et partisane de la participation citoyenne, a déposé un amendement pour supprimer cette disposition. Dimanche soir, l’élue était soutenue par une vingtaine de ses collègues.

"Risque arbitraire" ?
Mais la principale pierre d’achoppement reste l’article 2 de la proposition de loi. Celle-ci prévoit un dispositif-clé : l’interdiction administrative de manifester. Lors de la première rencontre avec Christophe Castaner, plusieurs députés LREM et MoDem s’en sont inquiétés. Tel qu’il est actuellement rédigé, le texte permet aux préfets d’interdire de manifester à toute personne déjà condamnée pour violences, appartenant à des groupes "incitant, facilitant ou participant" à de tels faits, mais aussi "à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public".  
C’est ce dernier point qui suscite la frilosité de la majorité. "Nous avons une réserve majeure sur ces interdictions administratives qui ne sont pas fondées sur une condamnation", estime la députée MoDem Laurence Vichnievsky, ancienne magistrate. "Le risque d’arbitraire existe !", insiste une députée LREM anonymée, face au manque de "critères" précis permettant d’encadrer ces interdictions. On sait pourtant que la précision est un obstacle à toute application. 
Si plusieurs élus demandent la suppression de cet article, ils pourraient se heurter à l’opposition du gouvernement. "Le ministre a l’air de vouloir le préserver", observe ainsi L. Vichnievsky. Et elle ne convoque pas encore le Conseil constitutionnel en appui à ses réserves...

Les cagoules des casseurs sont interdites par décret depuis ...2009
Les cagoules, foulards et lunettes de piscine étaient tolérés
par les socialistes et leurs alliés d'extrême gauche
Sarkozy avait dû défendre Nice de nouvelles mesures pour endiguer la violence des bandes. Le président de la République y défendit son plan contre les bandes qui pourrissent la vie des quartiers de la Seine-Saint-Denis à Marseille, en passant par la périphérie de Strasbourg.
Alors que les images de Black Bloc saccageant la capitale alsacienne lors du Sommet de l'OTAN étaient pourtant encore fraîches à la mémoire, Nicolas Sarkozy a déjà fait savoir qu'à sa demande, son ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, avait transmis un projet de décret à Matignon pour faire interdire le port d'une cagoule ou d'une capuche servant à dissimuler les traits du visage lors des manifestations de rue. L'objectif était de permettre à la police d'identifier les casseurs, en les distinguant des manifestants paisibles. "C'est pour séparer le bon grain de l'ivraie que nous sommes contraints d'adopter ces mesures que d'autres pays européens, comme l'Allemagne, ont mises en application depuis longtemps", soulignait-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
La capitale des Alpes-Maritimes s'était imposée pour ce déplacement, puisque son député-maire, Christian Estrosi, devait être le rapporteur de la proposition de loi contenant l'arsenal anticasseur voulu par le chef de l'Etat. Un texte dont le Parlement doit se saisir avant la fin du mois. 
Dans sa mouture initiale, il devait permettre de punir de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende quiconque fait partie "en connaissance de cause", d'un groupement, "même formé de façon temporaire", dès lors que cette bande "poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires contre les personnes ou des destructions ou dégradations de biens".

"Sanctuariser" l'école
Ses rédacteurs avaient même voulu rendre ces sanctions "également applicables à la personne qui, sans être elle-même porteuse d'une arme, participe volontairement à un attroupement dont une ou plusieurs personnes portent des armes apparentes". Mais cette rédaction fit débat dans la majorité. "D'autant que le Code pénal contient déjà une définition des bandes dans son article L 132-71", assurait-on à la commission des lois de l'Assemblée nationale. Le chef de l'Etat dut lever les éventuelles ambiguïtés sur ce point. 

A Nice, il entendait surtout réaffirmer les axes forts de son plan qui visait aussi à "sanctuariser" l'école, en augmentant les peines en cas d'intrusion en bande dans les établissements scolaires. Elles pouvaient aller jusqu'à sept ans de prison et 100.000 euros si le groupe de voyous concerné comprenait ne serait-ce qu'un membre porteur d'une arme. Même le fait d'agresser les proches d'un professeur ou d'un agent de vie scolaire deviendrait, selon les nouvelles dispositions, une cir­­constance aggravante.

Sarkozy en profita aussi pour "rétablir certaines vérités"
, renvoyant les adeptes de la "police de proximité" à leur bilan, en quelques chiffres : depuis 2002 et Jospin, la délinquance avait baissé de 15 %, faisant 600.000 victimes de moins, quand, durant les cinq années de gestion socialiste, juin 1997-mai 2002, elle avait fait 600.000 victimes de plus.

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