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mercredi 2 janvier 2019

Pour 'Le Monde' en Une, Macron, c'est le retour aux "années 30"...

"Le Monde" évoque-t-il intentionnellement l'"iconographie nazie" pour sa Une sur Macron ?

La couverture de l'hebdomadaire M, le magazine du Monde, paru vendredi 28 décembre, suscite une indignation générale


Portrait de Macron sur un fond rouge et blanc,
couleurs du drapeau nazi 
Le journal a repris "les codes de l'iconographie nazie" en Une pour un portrait d'Emmanuel Macron, visage fermé et regard sombre, sur fond rouge et blanc, sous le "M" noir gothique et historique du magazine. 
Sottise ordinaire ou geste intentionnel ? La Une du supplément week-end du "Monde" paru le 29 décembre au soir a atteint son objectif, à la veille de la présentation des voeux du président.

Preuve que l'insulte est avérée, cette Une outrageante a poussé le directeur des rédactions du journal, 44 ans, venu du Monde de l'Education, Luc Bronner, à présenter des excuses "à ceux qui ont été choqués par des intentions graphiques qui ne correspondent évidemment en rien aux reproches qui nous sont adressés". Dans ce court texte, le journaliste assure que la couverture signée par le directeur artistique, Jean-Baptiste Talbourdet, fait référence "au graphisme des constructivistes russes au début du XXe siècle", mais emprunte aussi aux travaux de l'artiste canadien Lincoln Agnew.

Après avoir essuyé de vives critiques, le directeur des rédactions du journal a présenté des excuses,  point final de l'affaire


Voici quelques éléments qui expliquent la polémique soulevée par cette couverture.

Pourquoi peut-on y voir une référence au nazisme ?

Capture d\'écran du compte Twitter de Richard Ferrand, président de l\'Assemblée nationale, dénonçant la une du magazine du \"Monde\" paru vendredi 28 décembre 2018.
Capture d'écran du compte Twitter de Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, dénonçant la Une du magazine du "Monde" paru vendredi 28 décembre 2018
Le fond beige évoque un papier vieilli comme celui d'une affiche d'époque. Celle-ci est barrée de rouge, couleur souvent associée aux extrêmes en politique (du rouge du drapeau nazi au rouge maoïste en passant par le rouge soviétique). Le contraste du portrait en noir et blanc a été accentué, assombrissant le regard bleu clair du président de la République. Et en haut à gauche, se détache le "M" imposant du nom du magazine, dans la police de caractères historique du journal Le Monde, une typographie de style gothique, apparue en Allemagne au XVIe siècle, mais remise à l'honneur dans la période hitlérienne. N'oublions pas, incrustée dans le costume d'Emmanuel Macron, une photographie prise sur les Champs-Elysées (le sujet de l'article mis en avant sur cette couverture), qui montre la foule célébrant la victoire de l'équipe de France à la Coupe du monde, un cliché datant du 16 juillet 2018, selon les uns (!), mais pouvant évoquer la descente des Champs par Hitler et des troupes nazies, le 28 juin 1940 et établir une filiation, pour les autres. En fait, cette foule est celle des Gilets jaunes et Le Monde évoquerait plutôt une révolution contre une dictature.

Tout cela correspond manifestement aux "codes de l'iconographie nazie". 
Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, évite d'expliciter l'amalgame, mais juxtapose cette Une à une photo d'Adolf Hitler, assurant qu'il "ne peut s'agir d'un hasard".

Que n'aurait-on dit d'une telle ignominie si elle était le fait d'un internaute ? 
S'en serait-il tiré sans aucune poursuite judiciaire ? Accusé de malveillance dans le choix des codes de l'iconographie nazie pour la Une de son magazine "M", Le Monde s'est à nouveau excusé lundi 31 décembre. "Nous avons manqué de discernement dans la validation de cette couverture qui ne correspondait pas au fond du récit consacré à Emmanuel Macron dans ce numéro", assure le directeur dans ce papier intitulé "Notre erreur et notre responsabilité". 

C'est grave mais ça reste pourtant impuni


Or, les tentatives pleuvent pour démontrer que les gens ne comprennent rien.

Le journaliste Julien Joly tente, sur Twitter, une explication par l'effet Koulechov. "En gros, montrez au spectateur la tête d'un type (air neutre). Puis l'image d'un plat. Le spectateur se dira que le type en question a l'air affamé. Ou triste si l'image suivante est celle d'un cercueil", résume-t-il. Cet effet tient au besoin qu'à le cerveau de trouver un sens, une cohérence, aux images que les yeux lui envoient. "C'est comme la bande dessinée : votre cerveau fait le lien entre les cases pour créer une histoire cohérente", reprend-il.

Historien des cultures visuelles, André Gunthert analyse le photomontage comme une "caricature photographique". Anodine ? Pour lui, les couleurs et le style de la couverture de M "suffisent à aiguiller nombre de lecteurs vers une interprétation de l’image comme une critique sévère [de qui? de quoi?] et une allusion à peine voilée à la référence nazie", écrit-il dans un billet de blog publié dimanche

L'historien Michel Goya estime que Le Monde a commis "la grande erreur" de "ne pas avoir imaginé une seule seconde que beaucoup prendraient cela pour de l'esthétique nazie". Les lecteurs du Monde sont des ânes...

On tombe dans le négationnisme : "y a-t-il vraiment une référence au nazisme"?
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Seule l'équipe qui a participé à l'élaboration de cette couverture peut répondre à cette question et le directeur des rédactions du Monde s'en défend dans son texte d'excuses. Sur son blog hébergé par Mediapart, Olivier Beuvelet, chargé de cours en histoire de la photographie, en esthétique de l’image et en cinéma à l'université Paris 3, y voit au moins une "référence à l'iconographie totalitaire des années 1930"

Et sur Twitter, un graphiste confirme que "tous les codes des affiches de propagande de dictatures" sont là, mais pas seulement Adolf Hitler. Il cite "Mao, Lénine, Hitler… tous !" Et que je banalise l'insulte !
Pour ce graphiste, "c'est fait exprès", mais il ne faut pas pour autant en déduire que Le Monde considère Emmanuel Macron comme un dictateur. Alors que la mobilisation des "gilets jaunes" dure depuis un mois et demi, et que les Champs-Elysées ont été le théâtre de violents affrontements, il estime que le journal "peut aussi vouloir illustrer le sentiment d'une partie du peuple". Pour lui, ce visuel, où la foule tourne le dos au chef de l'Etat qui regarde dans une autre direction, signifie surtout que "la foule ici descend dans la rue contre lui, pas pour l'aduler". Et je décrypte, donc je nie l'évidence...

Pour Julien Joly, utiliser le rouge, le blanc et le noir est simplement "efficace visuellement". Ces couleurs et cette mise en page existent partout. Il exprime un sentiment qui ressort davantage d'un courant de pensée que de l'analyse : "Je suis à peu près certain que Le Monde n'a jamais voulu assimiler Macron à Godzilla, et pourtant...", cite-t-il en exemple, affiche du monstre de cinéma à l'appui. Le style gothique du graphisme, intégré au montage, n'interpelle pas un instant notre exégète...

Qu'est-ce que le "constructivisme russe" ?

On peut se poser la question, mais elle n'arrange pas les affaires du Monde. Dans sa note d'excuses, le quotidien du soir fait référence aux "constructivistes russes" des années 1920 et donc à la révolution bolchévique d'octobre 1917Le paravent du 'constructivisme' mentionné ici est un courant artistique et architectural défini dans le 'Manifeste réaliste' dû à Naum Gabo (frère d'Antoine Pevsner), en 1920 et qui se veut fonctionnel. 
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Ce terme a d'abord été employé par le peintre 'suprématiste' Kasimir Malevitch - député au Soviet de Moscou, dès 1917, il tombera en disgrâce dans les années 30 - pour tourner en dérision un concurrent (Alexandre Rodtchenko). Mais des artistes russes se sont appropriés le mot, dans les années 1920, pour nommer leur style avant-gardiste, avec ses formes géométriques (le cercle, la ligne droite, le triangle) et ses superpositions et collages de photos. L'œuvre constructiviste la plus célèbre reste 'Battez les blancs avec le coin rouge' (1919), affiche (ci-dessus) de propagande communiste signée El Lissitzky, pour qui l'art, loin d'être une activité individuelle destinée à la production d'objets, est une activité sociale et collective au service de la révolution.

Il est ainsi devenu l'art "officiel" de la révolution russe, avant d'être remplacé par le "réalisme socialiste" dans les années 1930.

Par quelque bout qu'on le prenne, ce montage haineux du Monde renvoie à la période des dictatures nazie et bolchévique. Par le biais des partis communistes européens, ces artistes trouvent leurs amateurs et le style imprègne le XXe siècle, aussi bien les architectes et les designers, que les publicitaires et les propagandistes. 

Qui est Lincoln Agnew ?
Un décor croquignolesqueOn a eu un aperçu des goûts croquignolesque de Macron, dont "Liberté, égalité, fraternité" (ci-contre) de Shepard Fairey, 48 ans, qu'il est fier d'exhiber sur un mur à l'Elysée (entretien télévisé sur TF1, le 15 octobre 2017), mais on peut comprendre jusque là que le quadra ait une forte demande quotidienne de fraîcheur... 
Résultat de recherche d'images pour "shepard fairey Trump"On notera toutefois qu'avec lui et le mouvement social des 'Gilets jaunes' qu'il a provoqué, cette Marianne de fraternité n'est plus aussi crédible depuis quelques semaines.
Cet artiste américain engagé a produit plusieurs lithographies anti-Trump (une, à droite).

Le nom du graphiste Lincoln Agnew, cité par le directeur des rédactions du Monde,  est un artiste canadien, qui s'est justement beaucoup inspiré des constructivistes russes, mais aussi de l'esthétique punk des années 1970 et 1980. Il est l'illustrateur de livres pour enfants de la série des Aventures de Harry et Horsie... Macron vu hélitreuillé ou en 'battle dress' dans la propagande stalinienne de l'Elysée ne s'identifie donc pas à Tom Cruise ! 
D'un rapide coup d'œil à l'œuvre d'Agnew, Le Monde constate qu'il utilise lui-même beaucoup de rouge, de noir et de blanc (mais aussi de bleu ou de vert et de violet...), ainsi que de photos découpées et collées, après bien d'autres artistes, quant à eux confirmés. C'est probablement ce qui l'a rendu "très populaire auprès des directeurs de magazine", souligne le site spécialisé Create (en anglais), parmi lesquels M le magazine du Monde, pour lequel il a par exemple réalisé un portrait de John F. Kennedy, mais aussi bien Ronald Reagan...

Un décor croquignolesque
FIAC présidentielle : bric-à-brac bordélique
révélateur d'un esprit confus
Les détracteurs de la dernière couverture de l'hebdo n'ont pas manqué de remarquer, dans son portfolio, un portrait d'Adolf Hitler à la construction similaire à la Une du magazine, avec une différence notable : la foule y salue le Führer, alors qu'elle tourne le dos à Emmanuel Macron. Ce portrait du leader nazi avait été publié dans le Harper's Magazine en 2017. Le même style se retrouve aussi dans un portrait du conservateur américain Mitt Romney ou encore une illustration pour l'œuvre du cinéaste David Lynch. Un procédé de masse qui n'atténue en rien la faute de l'organe de presse, mais un sujet qui offense les consciences plus gravement et durablement que la représentation d'un joueur de base-ball des Boston Red Sox.  

Bilan : au mieux, Le Monde est un suiveur de tendances et sa Une n'apporte rien d'innovant. Pour André Gunthert, d'ailleurs, la couverture de M "semble bien être une imitation servile". "Il est vraisemblable que le graphiste du Monde avait pensé son emprunt suffisamment camouflé pour rester dans un registre d’évocation floue", analyse-t-il encore, sur son blog.

Au pire, le journal des bobo-intello parisiens est susceptible de plaintes en justice pour insulte, diffamation et incitation à la haine
Les "agitateurs qui veulent l'insurrection", selon Griveaux, sont-ils les Gilets jaunes contre lesquels Castaner promet des sanctions exemplaires?
Le Monde encourt-il la même sévérité judiciaire ?

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