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mardi 8 janvier 2019

Le grand débat national cale au démarrage avec le départ de Chantal Jouanno

La présidente de la Commission nationale du débat public descend en marche

Chantal Jouanno a expliqué ce retrait, mardi, par la polémique portant sur sa rémunération




Chantal Jouanno a décidé de se lâcher le manche à balai du coucou télécommandé par Emmanuel Macron : son 'grand débat national' décollera le 15 janvier, comme si de rien n'était, pour l'heure sans pilote à bord, et devra répondre à la crise sociale portée par les 'gilets jaunes'.  La présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) l’a annoncé mardi 8 janvier au 20h00 de France 2, expliquant ce retrait par la polémique portant sur sa rémunération. Vérité partielle...
 
Son salaire s’élève à 14.666 euros brut mensuels, soit un revenu quasi équivalent à celui du président de la République ou du premier ministre, qui touchent chacun 15.140 euros brut par mois. "J’ai décidé de me retirer du pilotage de ce débat", a déclaré l’ancienne ministre des Sports (2010-2011) de Nicolas Sarkozy à France 2, estimant que les débats provoqués par son niveau de salaire sont "légitimes", mais que les "conditions de sérénité nécessaires pour ce débat" ne sont plus assurées, depuis cette révélation. "C’est une décision que j’ai prise parce que je crois en ce débat (...) plus que nécessaire", a-t-elle poursuivi.

Mais si elle cède la direction du grand débat,
la fine mouche conserve la présidence de la Commission nationale du débat public, avec son salaires et les avantages attachés à la fonction.
La Commission nationale du débat public (CNDP) a été créée en 1995 par la loi Barnier relative au renforcement de la protection de l'environnement. La CNDP est devenue une autorité administrative indépendante (AAI) en 2002,à qui la loi confie la mission de "veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées, relevant de catégories d'opérations dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs. Mais elle n'a pas à se prononcer "sur le fond des projets qui lui sont soumis".
Le grand débat national qui se profile n'est pas encadré seulement par Macron. 
Promis par Macron le 10 décembre dernier, ce que certains gilets jaunes dénoncent déjà comme une "mascarade" a pour mission de redonner la parole à tous les Français pour faire naître une "réflexion profonde et partagée", "partout sur le terrain", selon les mots du président, et "bâtir le socle de notre nouveau contrat pour la Nation".

Or, cette consultation comporte un cadre et des règles qui ne sont pas aussi floues qu'on le dit: même si les maires, censés être les garants des discussions, commencent à s'impatienter, voire à s'inquiéter, elle est contrainte. "Outil de la réconciliation" pour Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat au Numérique, "auberge espagnole où tout le monde apportera sa contribution", pour Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, le grand débat est le remède miracle pour ramener la sérénité sur tout le territoire national, ronds-points compris.

Même si la démission de Jouanno est un mauvais signal de départ, le grand débat ne sera pas improvisé. Il doit se dérouler en deux phases
La première est en cours : elle consiste à mettre à disposition des citoyens des "cahiers de doléances" dans les mairies dans lesquels ils peuvent inscrire leurs préoccupations. Et la seconde, qui doit démarrer à la mi-janvier et s'achever à la mi-mars, doit être celle des échanges sur tout le territoire national. 
Ils auront lieu à l'occasion d'une "multitude de réunions d'initiative locale", comme le détailla Chantal Jouanno, dans les colonnes du Journal du Dimanche, ce 6 janvier, avant de tirer sa révérence, le 8, et organisées "à l’échelle d’une famille, d’un quartier, d’un village, d’une association ou d’un syndicat".
Sur le site du gouvernement, on découvre que les "citoyens, associations, collectifs, élus, entreprises, syndicats, etc. souhaitant organiser des réunions locales" pourront demander à la CNDP un... "kit d'accompagnement des réunions" et son enregistrement, mais aussi des "stands mobiles" pour recueillir les avis ainsi qu'un "accompagnement" pour l'organisation d'un "atelier". 

L'expression sera-t-elle donc libre ? 
Elle est d'ores et déjà pour le moins encadrée.
Depuis 2016, une Charte de la participation du public liste les bonnes pratiques en matière de participation du public, rappelant les valeurs et principes qui définissent le socle d’un processus participatif vertueux. L'adhésion à la charte est volontaire, tout comme son application.

Ces discussions ne pourront porter que sur quatre thèmes fixés par le gouvernement : "la transition écologique", "la fiscalité et les dépenses publiques", "la démocratie et la citoyenneté" et "l'organisation de l’Etat et des services publics". Exit donc les questions sur l'immigrationle mariage pour tous et la PMA ou la GPA pour s'éviter de craquer de nouvelles allumettes... Et qu'importe si Emmanuel Macron insistait, dans son allocution du 10 décembre, pour que cette question soit "affrontée" par les Français. Pour éviter que les échanges ne "partent dans tous les sens", comme le redoute Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement.

Des couacs autour du 'grand débat', comme autour de la taxe d'habitation

Le cadrage de la consultation populaire est déjà fragilisé. Ce lundi 7 janvier sur Europe 1, Chantal Jouanno a annoncé, en contradiction totale avec les règles émises par le gouvernement, qu'"aucun thème ne sera interdit". Cela veut-il dire que l'abrogation du mariage pour tous pourra être discutée ?  "Si des personnes veulent organiser une réunion pour rouvrir ce débat, elles sont parfaitement libres de le faire", a-t-elle répondu. 
Pourtant, quelques minutes plus tôt sur France Inter, le porte-parole du gouvernement, l'illustre spécialiste de la montée du nazisme, Benjamin Griveaux, assurait le contraire… Un désordre qui dessine une improvisation totale : si, dans la forme, les maires vont disposer d'un 'kit', rien ne semble arrêté sur le fond, au grand désarroi de ces maires qui auront la charge d'animer ces débats dans la sérénité requise, mais qui devront faire face aux conséquences de ce micmac sur le terrain, en plus de faire remonter le contenu des doléances et des discussions au CNDP, par mail. 
Depuis, Chantal Jouanno a "clarifié" ses propos dans un tweet. "J’indiquais que chacun est libre d’organiser un débat sur le sujet qu’il souhaite. Il n’est pas dans mon pouvoir de censurer les sujets", a-t-elle précisé. Ce qui ajoute à la confusion en ne réglant rien.

L’ancienne ministre UDI a précisé qu’elle reste toutefois présidente de la CNDP.
"Le gouvernement prend acte de la décision de Chantal Jouanno et proposera à l’issue du séminaire gouvernemental (mercredi) une organisation et un mode de pilotage du grand débat national qui présenteront des garanties équivalentes en termes d’indépendance et de neutralité", a réagi Matignon. 

"Ceci dit, je remets dans les mains du président de la République et du gouvernement en général, le niveau de rémunération de la présidente de la CNDP qu’il leur appartiendra d’arbitrer, comme les autres rémunérations des autorités indépendantes et des hauts fonctionnaires," a ajouté l'ex-championne de France de karaté, nommée par Macron, en mars 2018. En même temps, le "boxeur de CRS", Christophe Dettinger, est champion de France poids lourds-légers (2007 et 2008).

Empêtré depuis bientôt plus de deux mois dans la crise sociale sans précédent des Gilets jaunes, Emmanuel Macron semble subir les événements. Et les démissions se multiplient autour de lui, avec Sylvain Fort, outre Jouanno, avant d'autres dans les tuyaux...
Après avoir parrainé Nathalie Kosciusko-Morizet pour la primaire présidentielle des Républicains de 2016, celle qui servit Nicolas Sarkozy soutint finalement Alain Juppé... En raison de l'affaire visant Fillon, LR, elle lâcha le candidat de sa famille politique, durant la campagne présidentielle.


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