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dimanche 20 janvier 2019

Gilets jaunes à Bordeaux : sans Juppé, la mobilisation serait-elle toujours aussi vive ?

Président de Bordeaux-Métropole et soutien de Macron, Juppé cristallise la colère des révolutionnaires  

Commencée dans le calme, la manifestation s’est tendue aux abords de l’hôtel de ville de Bordeaux, avant d’être dispersée par les CRS dans des nuages de gaz lacrymogènes.


Comme tous les week-ends depuis novembre à Bordeaux, les gilets jaunes se sont donné rendez-vous dès 13 heures place de la Bourse, sur les bords de la Garonne. Réunis sur le miroir d’eau, les manifestants profitèrent du soleil et entonnèrent une Marseillaise, avant que le cortège ne s’élance vers le quai Richelieu, en direction du centre-ville et de ses rues commerçantes. Aux rythmes des tambours battants, la foule convergea doucement vers la place de l’Hôtel de Ville. Les plus démonstratifs se trémoussaient dans une ambiance aux apparences bon-enfant. Pourtant, dans le ciel, un hélicoptère de la gendarmerie observait la manifestation.
L’affiche représentant Christophe Castaner est composée de photos de blessés 
durant les manifestations pour la défense du pouvoir d'achat

Ce chauffeur routier arbore une large pancarte sur laquelle on peut lire "Olivier, marié, 3 enfants et pompier volontaire". Le nom de cette victime des consignes sécuritaires de l'exécutif et du tir de LBD et de la grenade assourdissante est inscrit sur de nombreux panneaux. "Lorsque Castaner nous dit qu’il n’y a pas de violence policière, excusez-moi, mais ça me fait bien rire", affirme Daniel. 
En effet, les déclarations du ministre de l’Intérieur sont encore fraîches à la mémoire de nombreux mécontents. Au fil du cortège, on retrouve de nombreux slogans et affiches contre la BAC, la brigade anticriminalité, soupçonnée d’être responsable du tir de LBD contre le pompier volontaire lors du rassemblement du 12 janvier.

On n'est visiblement pas dans les "années 30"... 

Rue Sainte-Catherine, hyper-centre commerçant et piétonnier de la ville, les garçons de cafés rangent le mobilier de leur terrasse, pendant que des touristes profitent de la montée d'adrénaline. Badauds et habitants aux balcons sortent leur smartphone et immortalisent le défilé. "Ne nous regardez pas, rejoignez-nous !"leur crient en retour les Gilets jaunes. 
Arrivé place Pey-Berland, le défilé s’arrête. Le gros de la foule reste bloqué par les forces de police. Masqués et cagoulés, de nombreux 'Black Bloc' sortent alors des rangs et se dirigent vers la mairie, gardée par les CRS. Rompus aux techniques de 'guerre urbaine', les petits groupes mobiles allument des feux de poubelles, avant de se fondre dans la foule à nouveau, tandis que d’autres s’attaquent aux palissades de chantier qui protègent la tour Pey-Berland, et disparaissent.
La peste brune était rouge
Les faits démontrent que Macron a instrumentalisé l’Histoire de manière hasardeuse et inconsistante.
Par trois fois, l'exécutif a convoqué le passé pour établir des comparaisons aussi douteuses politiquement qu’erronées historiquement. Ce sera en outre Edouard
Philippe à Hanoï qui s'y est d'ailleurs livré à cet exercice de l’autoflagellation qui consiste à ériger en héros d’anciens adversaires de la France, tel aussi le FLN algérien. 


L'élément de langage suggéré par le président inspirera  d'autres lumières de son entourage.
 Ainsi, agitant à leurs tours la peur des "années 30", ce seront, le dernier week-end de novembre, l'improbable demi-ministre de l'Intérieur, Castaner qui a notamment dénoncé "une mobilisation de l'ultradroite" parmi les manifestants présents sur la célèbre avenue des Champs-Elysées, ou son garde-fou Nunez qui déraillera en assurant qu' "on a affaire à des séditieux, des factieux, qui sont des casseurs extrêmement violents". 

Il faut citer enfin le comble du crétinisme partisan en la personne du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, qui a quant à lui jugé dans un tweet que les violences et débordements survenus en marge des manifestations reflétaient "un seul visage, lâche, raciste, antisémite, putschiste" :


Autre exemple de grand corps malade au pouvoir, et non des moindres, le ministre des Comptes publics, l'immense Darmanin, qui a voulu opposer gilets jaunes et casseurs des Champs-Elysées et a évoqué ...la "peste brune"


Ces expressions se voulaient en effet une référence à la montée du nazisme dans les années 30 et à la présence de membres de l'ultra-droite dans les rangs les plus violents des manifestants. Les violences de Bordeaux signent en vérité la présence de groupes de Black bloc qui sont au contraire à l'extrême gauche, comme du NPA, parti révolutionnaire trotskiste. 

"Castaner est un irresponsable ! Il invente et en rajoute contre un 'péril jaune fluo' d'extrême droite pour seulement insulter le peuple en colère. Les vrais séditieux sont au gouvernement", a renchéri le député LFI de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière.

Quelques gilets jaunes sont montés sur le toit de l’entrée du parking souterrain et guettent l’avancée des CRS.
 
"On est complètement pris en étau", constate, désespéré, un retraité venu de Dax. Malgré la cohue, Hélène, militante révolutionnaire à Lutte ouvrière continue de distribuer ses tracts. Imperturbable. "On viendra tous les week-ends, jusqu’à ce que Macron daigne nous entendre, promet-elle. On s’appelle "Lutte ouvrière", pas "causerie ouvrière". Alors il va falloir se battre." 

Plusieurs fronts se forment, l’un près de la mairie, l’autre dans les rues piétonnes du centre : jets de pavés contre LBD, les affrontements de la fin d’après-midi sont violents.

Sous un déluge de grenades lacrymogènes, la place Pey-Berland se vida très rapidement de plusieurs milliers de personnes : face aux canons à eau, le cortège fut contraint de reculer. 
Mais, sous les applaudissements, Philippe Poutou s’écart des échauffourées pour rejoindre un petit groupe d’ouvriers de l’usine Ford de Blanquefort. Un des leurs tient dans sa main une balle de LBD. "Les gaz lacrymos ça va encore. C’est quand ils tirent au "Flash-Ball" que ça devient dangereux", déclare l’ouvrier syndicaliste et ancien candidat à la présidentielle. 

Sur la place, les CRS procèdent à des interpellations sous les lazzis des gilets jaunes obligés de fuir. Ce samedi, 49 personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre.
Le jeudi 7 juin 2018, à l’occasion d’une réunion extraordinaire de son comité d’entreprise (CE), la direction de Ford (US) confirmait l’ouverture "d’une information consultation sur un projet de fermeture" de son site girondin, à Blanquefort, dès la fin juin 2018, précisant l’hypothèse du plan social. 
Débrayage à l'usine Ford de Blanquefort, le 5 mars 2018.
En décembre 2018, la brillante politique économique et sociale du  président n'éloigne pas la perspective d'une fermeture de Ford à Blanquefort: "Avec les millions que l’Etat a injecté, elle est déjà presque publique cette usine," commente le délégué syndical CGT...
L’idée serait de racheter provisoirement cette usine, afin de la revendre au repreneur qui s’est positionné, le groupe franco-belge Punch Powerglide. Ce dernier a présenté une offre qui reprendrait environ 400 salariés, sur les 850 que compte l’usine actuellement.
Alors que la nuit tombait, le gros de la manifestation se dispersa. Cours Pasteur et cours Victor-Hugo, des feux sporadiques furent allumés. Devant les voies du tramway, des casseurs, armés de marteaux et de pieds de biche, s’en prirent aux vitrines des banques non protégées. Face à cela, de nombreux gilets jaunes aidèrent les garçons de café à ranger leur terrasse pendant que les commerçants se dépêchaient de baisser leur rideau de fer. Les petits groupes restants se dirigèrent vers la place de la Bourse. Une centaine de gilets jaunes et de jeunes se rassemblèrent sur le miroir d’eau, là où la journée avait commencé. 
De leur enceinte portative jaillit la voix de Bob Marley : "Get up, stand up, stand up for your rights", 1980, (Lève-toi, dresse-toi, bats-toi pour tes droits, une chanson contre le racisme et l'oppression exercée sur les diverses ethnies issues d'Afrique ou en Afrique même; album 'Burnin' ', En flammes, qui inclut 'I shot the Sheriff') reprennent en chœur les manifestants. 
'I shot the Sheriff' de Jamaïcain Bob Marley est au coeur d'une polémique suscitée par BFMTV qui, le 13 décembre 2018, en diffusa un extrait en musique de fond, lors de son émission spéciale consacrée à la mort du terroriste islamiste Chérif Chekatt, auteur de l’attaque du 11 décembre 2018 à Strasbourg...
Le maire de Bordeaux a appelé Macron à plus de fermeté

Début décembre, Alain Juppé faisait déjà la leçon à Emmanuel Macron


"Le Président doit répondre concrètement à certaines attentes légitimes" a estimé l'ancien Premier ministre, le 9 décembre 2018. Au lendemain du quatrième weekend de mobilisation au cours duquel la ville de Bordeaux avait fait l'objet de nombreuses dégradations, le septuagénaire avait pris la parole lors d'un point presse organisé en compagnie du préfet du département, représentant du gouvernement en Gironde. Si, dans sa déclaration bien construite de pro, il a tenu à "rendre hommage aux forces de l'ordre qui ont été à la hauteur", l'ancien premier ministre des années 90 avait également déploré les scènes de "guérilla urbaine" par "200 à 300 casseurs en fin de défilé", affichant émotion et indignation.
Juppé revivait le douloureux souvenir de 1995
L'allocution du maire de la 5e ville de France (par l'aire urbaine, mais 9e par la commune) a rapidement pris une tournure politique, lorsqu'Alain Juppé a appelé Emmanuel Macron à s'adresser rapidement aux Français. "le Président doit répondre concrètement à certaines attentes légitimes", "mais les gilets jaunes responsables doivent cesser d'appeler à manifester, au risque de convoquer les casseurs à casser" a-t-il estimé.

"Les gilets jaunes et leurs revendications méritent la considération et il doit y avoir des mesures fortes. La surtaxation des carburants est réglée, mais le pouvoir d'achat doit également être abordé, tout comme la situation des salariés aux faibles revenus, la hausse de la CSG,...

Juppé revivait un précédent conflit social qui l'a durablement meurtri
L'acte 6 des Gilets jaunes, un retour aux «années 1930» ? C'est l'avis du gouvernement

La réaction de l'ancien premier ministre de Jacques Chirac est d'autant plus forte qu'en 1995, au moment du plan Juppé sur les retraites et la Sécurité sociale, le locataire de Matigon avait du faire face à une série de manifestations et de grèves d'une grande ampleur qui avait conduit à l'abandon du plan contesté.
Devenu très impopulaire, du fait aussi de l'affaire de son appartement et de celui de son fils Laurent (né en 1967, il est aujourd'hui producteur dans l'audiovisuel), un mois après son entrée en fonction, il dut quitter la tête du gouvernement après la défaite de la droite aux élections législatives de 1997, après avoir prononcé les mots qui caractérisent sa rigidité psychologique "Je suis droit dans mes bottes et je crois en la France". Il ne parvint jamais plus à revenir au pouvoir, ce qui le rendit vindicatif et le remplit de rancoeur. 

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