La gauche l'a voulu; elle n'en veut plus...
Le gouvernement aurait décidé de supprimer l'obligation de recruter sur CV anonymes.
La gauche socialiste charge de son revirement un groupe de travail sur "la lutte contre les discriminations dans l'accès à l'emploi et au travail", plutôt que de reconnaître son erreur. Après neuf ans de tergiversations, le CV anonyme - sans nom et ni photo - devrait finir aux oubliettes.
Saisi en janvier 2014 par l'association 'Maison des potes' (dont la première fut créé par Fadela Amara 1989, proche de SOS Racisme et spécialisée dans la lutte contre les discriminations), mais aussi par le MoDem, Sciences Po et David van der Vlist, ce dernier estimant que son nom l'expose à une discrimination à l'embauche, le Conseil d'Etat avait sommé le gouvernement en juillet 2014 de publier dans les six mois le décret nécessaire pour valider définitivement la mise en route du CV anonyme. Cette mesure avait été rendue obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, il y a huit ans, en 2006, mais le décret d'application n'avait jamais été publié, par aucun des quatre gouvernements successifs.
Une fausse bonne idée
La généralisation du CV anonyme, censé lutter contre les discriminations à l'embauche, était née après les émeutes en banlieue de 2005. La loi sur l'égalité des chances, votée en 2006, la reprenait à son compte. Une expérimentation lancée dans cent entreprises en 2008 a été évaluée à la fin 2009.
Selon ses défenseurs, le CV anonyme devait permettre aux personnes victimes de préjugés supposés, relatifs à la couleur de peau, au nom, au lieu de résidence, à l'âge ou à l'apparence physique, de décrocher un premier entretien d'embauche.
Mais, selon une étude d'avril 2011, un candidat avec un CV anonyme n'aurait qu'une chance sur 22 de décrocher un entretien, contre une chance sur dix avec un CV nominatif. "Les entreprises ayant participé à l'étude appliquent probablement déjà une 'discrimination positive' ", estima Thomas Le Barbanchon, l'un des auteurs. Ces résultats sont "contredits par tous les testings faits en France et en Europe", affirme le directeur de l'Observatoire des discriminations, Jean-François Amadieu, fervent défenseur du CV anonyme: on peut être professeur à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne et se laisser égarer par son idéologie...
Autre objection au dispositif : sa mise en application. "Ça va coûter cher aux entreprises d'anonymiser efficacement tous les CV et ça va être difficile pour l'administration de vérifier". Une crainte partagée par une partie du patronat.
Lors d'une conférence sociale, Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de la Jeunesse et de la ville (avril-août 2014), avait affirmé avoir discuté de la lutte contre les discriminations avec les partenaires sociaux et l'actuel ministre de l'Education avait prévu de les réunir à nouveau à la rentrée... 2014 pour... avancer concrètement ! Elle avait considéré que d'autres méthodes de recrutement non discriminantes (CV vidéo, recrutement par simulation…) pourraient être plus efficaces.
Les résultats finaux d'une expérimentation révéla que le CV anonyme peut avoir des effets contre-productifs. Avec un CV classique, un candidat issu de l'immigration et/ou résidant en zone urbaine sensible (ZUS) a 1 chance sur 10 de décrocher un entretien, contre 1 sur 22 quand le CV est anonymisé.
Il est apparu que les recruteurs auraient tendance à "relativiser" les carences des CV des candidats issus de l'immigration quand ils sont nominatifs. Indulgence qui disparaîtrait dans le cas contraire, ce qui au passage met en évidence la rigueur qui frappe les autres candidats, contrairement aux allégations des associations anti-racistes. L'Observatoire des discriminations avait sorti une enquête qui prétendait que les candidats portant un nom à consonance étrangère avaient en moyenne trois fois moins de chances que les Dupont ou Durand d'être convoqués à un entretien d'embauche.
A la vérité, les recruteurs "pardonnent plus des 'trous' dans le CV ou des fautes d'orthographe quand ils connaissent les origines sociales", explique le Centre de recherche en économie et statistiques (Crest).
C'est le dernier recul en date dans les errements à rebondissements de la gauche.
Un groupe de travail, composé de représentants syndicaux, patronaux et associatifs, avait été créé. Résultat, le président de ce cercle de réflexion, Jean-Christophe Sciberras (ex-patron de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines), a confirmé que "le groupe de dialogue s'est majoritairement prononcé contre le caractère obligatoire de l'anonymisation des CV". Selon le quotidien Les Echos, cette conclusion arrange le gouvernement de Manuel Valls qui -dans délai- a déposé un amendement au projet de loi de réforme du dialogue social défendu par le ministre du travail, François Rebsamen, va supprimer cette obligation.
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