Le pouvoir d'achat des ménages français va-t-il véritablement augmenter de 850 € et pour tous ?
L’OFCE n'a pas attendu le 27 mai pour envisager une augmentation moyenne du pouvoir d’achat des ménages français de 850 € en 2019
Ce serait même la plus forte hausse depuis 2007 et la crise économique internationale de 2008. Difficile d'y croire, car on sait déjà que les ménages ne la ressentiront pas forcément.
Créé par l'Etat en février 1981, à l'initiative du premier ministre Raymond Barre, et pourtant classé à gauche, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) avait prévu en février 2017 une baisse importante du chômage pour les années suivantes, atteignant 8,7 % pour 2019-2020 puis 7,7 % en 2022. Cette prévision est contredite par les faits, mais aussi, déjà à l'époque, par une étude de l'Unédic de fin 2016, qui prévoyait au contraire une légère hausse du chômage jusqu'en 2019 à 9,6 %.
Après avoir assuré dès février dernier que le pouvoir d’achat des Français en 2019 "devrait être un bon cru avec environ 2 % de hausse par habitant", en moyenne, et qu’il a "augmenté de 20 %", mais sur ...vingt ans, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, affirme que cela "tient notamment à la très bonne maîtrise de la hausse des prix, du coût de la vie. C’est un des apports de l’euro pour le pouvoir d’achat des Français."
Un sondage paru en 2018 indique néanmoins que 66 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat a baissé en 2018, et 57 % des sondés pensent qu’il va continuer de baisser. D'ailleurs, selon l’économiste François Bourguignon, "pour la première fois depuis la guerre, le pouvoir d’achat des Français a décliné ou stagné sur une très longue période, notamment pour les revenus bas et moyens".
Alors, comment expliquer cette différence de perception ?
Le 17 avril, une étude présentée par l'OFCE un mois avant les Européennes, assurait que les ménages français devraient gagner 850 euros de pouvoir d’achat en 2019, en moyenne. Il s’agirait de la plus forte hausse du pouvoir d’achat depuis 2007.
Le mouvement des Gilets jaunes, dont la hausse des prix du carburant a été le déclencheur, a cristallisé cette différence de ressenti. Et l’augmentation des dépenses contraintes, notamment, le confirme. Qualifiées par l’Insee de "dépenses préengagées", ces dépenses sont liées au logement (loyer, électricité, gaz, eau), aux abonnements (assurances, téléphonie, télévision, Internet), aux frais de cantine, etc. Celles-ci ont beaucoup augmenté durant ces derniers temps.
Selon l’Insee, le poids de ces dépenses pré-engagées est passé de 13 % environ du revenu disponible (revenu à disposition des ménages après retranchement des impôts et cotisations) dans les années 1960, à près de 30 % en 2016. Ce qui ne laisse aujourd’hui que 70 % de dépenses à disposition des Français, auxquelles il faut ajouter les dépenses liées à l’alimentation et aux transports, notamment l’essence, des dépenses qui fluctuent d’un mois à l’autre et qui pèsent beaucoup sur le porte-monnaie des Français.
Parmi les Français les plus touchés par cette augmentation des dépenses préengagées, on retrouve les ménages les plus modestes. "La part des dépenses pré-engagées dans le revenu disponible des ménages est d’autant plus forte que leur niveau de vie est faible : elle passe de 61 % pour les ménages pauvres à 23 % pour les ménages aisés", indique une étude publiée en 2018 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) du ministère des Solidarités et de la Santé.
L’étude précise que les 10 % des ménages les plus modestes, après avoir payé les factures, ne disposent que de 180 euros en poche, alors que les plus riches disposent de 1.890 euros par mois.
Un alignement des planètes de facteurs
Sur cette somme, 440 euros proviendraient des décisions récentes du gouvernement prises sous la pression du mouvement des Gilets jaunes.
Parmi celles-ci : la revalorisation de la prime d’activité (+ 90 €/mois au Smic), l’annulation de la hausse de la CSG sur les pensions de retraite (jusqu’à 2.000 euros), l’annulation des hausses de fiscalité écologique et l’exonération de charges et d’impôts sur les heures supplémentaires.
Annoncée lundi 10 décembre 2018 par le Président de la République, la défiscalisation des heures supplémentaires est inscrite dans la loi sur les mesures d'urgences économiques et sociales votée le 24 décembre dernier. Pour les salariés concernés, la mesure se traduira par un gain de salaire minimum d'environ 20 % par heure supplémentaire, soit le taux des cotisations et contributions salariales supprimées. Les cadres y gagneront un peu plus dans la mesure où ils payent davantage de cotisations. Rappelons que ce dispositif avait été mis en place par Nicolas Sarkozy en 2007, avant d'être supprimé par François Hollande en août 2012, lorsque Macron était secrétaire général adjoint de son cabinet (jusqu'en 2014).
Selon les projections foireuses de l'OFCE, alliée à un ralentissement de l'inflation, cette augmentation conduira à une hausse "significative" du salaire réel (+1,5%) cette année, après une hausse de 0,3% l'an passé.
Une hausse couplée à celle du salaire moyen par tête, qui devrait augmenter de 2,6 % en 2019 (contre 2 % en 2018). Si tout se passe comme prévu...
Un écart entre les mesures et le ressenti
Cependant, même dans l'hypothèse la plus volontariste à l'approche du scrutin des Européen
nes, certains ménages gagneront donc beaucoup moins que les autres. il ne faut pas oublier d'ailleurs que cette hausse annoncée est une moyenne.
nes, certains ménages gagneront donc beaucoup moins que les autres. il ne faut pas oublier d'ailleurs que cette hausse annoncée est une moyenne.
De plus, l’écart entre les mesures officielles et le ressenti des ménages est à prendre en compte.
Selon un sondage, paru en 2018, 66 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat a baissé en 2018. Et 57 % pensent qu’il va même continuer de baisser.
Selon une autre enquête, celle de l’Obsoco (Observatoire société et consommation), réalisée en janvier 2019, seulement un quart des Français estime que leur pouvoir d’achat a progressé.
Pourtant, si l’on en croit les chiffres de l’Insee, service de Bercy, le pouvoir d’achat est en croissance continue depuis 2013. En 2018, il a cru de 0,4 %, après 0,7 % en 2017. Sur cinq ans, il a progressé de plus de 3 %.
L'économiste Philippe Moati explique les raisons de cet écart, dans une tribune publiée dans Le Monde,.
Il écrit : "Les causes de l’écart entre la mesure et le ressenti sont multiples. Il y a bien sûr des facteurs psychologiques et des "biais de perception" qui affectent le ressenti. Mais il y a également un important travers dans la mesure : le calcul de la croissance du pouvoir d’achat ne tient pas compte de l’évolution de normes de consommation et mesure bien mal l’évolution du "coût de la vie"."
Pour l’expliquer, il prend l’exemple du téléphone portable. Selon l’Insee, "un téléphone vendu 100 € en 2007 ne coûterait plus que moins de 20 € en 2017 ! Le problème est qu’il serait bien difficile de trouver en 2017 sur le marché un téléphone aux caractéristiques identiques à celles des téléphones vendus en 2007, de surcroît 80 % moins cher !" De ce fait, "s’équiper d’un téléphone portable aujourd’hui pèse plus lourdement sur le budget des ménages et donc affecte négativement leur niveau de vie."
L’économiste en tire une interrogation qui devrait alimenter les questions de pouvoir d’achat pour de nombreuses années encore : "Comment faire en sorte que le revenu des ménages progresse, au moins aussi vite que les standards de consommation, dans un contexte de croissance économique structurellement molle ? Ce que révèle le mouvement des Gilets jaunes, ce sont les limites d’une société d’hyper-consommation devenue experte dans la capacité à stimuler le désir de consommer… mais qui n’en donne plus les moyens."
Macron avait affirmé qu'il ne serait pas le "président du pouvoir d'achat", mais celui de la fiche de paie et du mérite"...
Macron avait affirmé qu'il ne serait pas le "président du pouvoir d'achat", mais celui de la fiche de paie et du mérite"...
VOIR et ENTENDRE Nicolas Doze souligner que "les Gilets jaunes ont obtenu un plan de relance absolument historique" et que jamais aucun président de la République avant Macron n'aura autant investi d'argent public dans la demande et la consommation:
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