Le chef de l'Etat s'ingère inutilement dans la campagne par le biais d'un entretien avec la presse régionale
Ses propos n'apportent rien : ils sont nuls et non-avenus
Le président est nu : est-ce de l'exhib ?
La peur de l'Elysée grandissant alors que l'échéance approche, Macron a imposé à la presse quotidienne régionale un entretien à huis-clos et non désiré: deux journaux lui ont posé un lapin, crime de lèse-majesté...
Son interventionnisme a en effet scandalisé les démocrates et les comparaisons anciennes de l'Elysée avec tel ou tel prédécesseur n'ont fait qu'abattre de nouvelles pierres du "monde nouveau" qu'il annonce depuis plus de deux années. Il n'a en effet réussi qu'à détruire ses efforts de construction d'un "référendum pro-Macron" : des heures durant, sur les chaînes d'information plus que jamais en continu, on a vu le maçon au pied du mur pendant toutes ces semaines de "grand" débat national, en réplique au mouvement historique des Gilets jaunes contre sa politique sociale autoritaire - depuis la réforme imposée du Code du Travail en passant par la réforme du statut des cheminots et le blocage des pensions de retraite de ses aînés -, pour un bilan annoncé de "référendum anti-Macron" à l'occasion rêvée de ces élections européennes.
Dans la semaine du scrutin, le chef de l'Etat a craqué, imposant, lundi après-midi, un entretien à la presse quotidienne régionale. Il a ainsi cherché à peser sur les consciences politiques de pas moins de 41 millions de lecteurs mensuels, sur 51 . En 2012, 37 % des Français , essentiellement des adultes en âge de voter, lisaient au moins un titre de presse quotidienne régionale. Et en 2000, une étude de l’INSEE montrait que plus de la moitié des 70 ans (et plus) lisaient au moins deux fois par semaine un quotidien régional, contre moins d’un quart chez les moins de trente ans. Ainsi a-t-il cyniquement tenté de récupérer le vote de ceux et celles dont il a gelé le point d'indice de calcul de leurs retraites, lesquelles ne leur assurent plus le pouvoir d'achat auquel ils ont travaillé à construire toute leur vie de salariés.
Parce qu'un journal peut prendre parti pour un candidat, ce que ne peut pas faire une télévision nationale (la presse écrite n’est pas tenue par les règles imposées aux radios et chaînes télé, notamment le décompte du temps de parole), le président sans limites a fait violence à certains organes de presse et à peu de frais. Transformer un lectorat en électorat n'est donné à aucun des rivaux de LREM. c'est en quoi la démarche du président est une atteinte à la démocratie.
Ils sont venus; ils étaient presque tous là, "libres et indépendants"! Sont coupables de soumission au pouvoir macronien : le groupe SIPA - Ouest-France, propriété de l'Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste (ASPDH), ça ne s'invente pas !, le groupe EBRA (Les Dernières Nouvelles d'Alsace, DNA, ou Le Dauphiné libéré dont l'éditorial annonce : "Le libre journal des hommes libres"..., ce qu'il ne démontre pas, à la différence de l'Est républicain, du même groupe, pourtant), de même que dans la famille Rossel, la Voix du Nord fait de la résistance, tandis que Le Courrier picard ou La Montagne se couche), le groupe La Dépêche du Midi, propriété de la famille Baylet, des radicaux de gauche, qui possède Le Midi libre, sans compter le Groupe Sud Ouest (famille Lemoîne, de Charente libre à La République des Pyrénées, en passant par Bordeaux). Cerises sur le gâteau, La Provence de Bernard Tapie s'est déplacé, tandis que le groupe Macron-compatible Nice-Matin ne s'est pas fait prier et que le journal communiste La Marseillaise a accouru quand l'Elysée l'a sifflé).
L'entretien a été relu par l'Elysée, seuls les quotidiens La Voix du Nord et Le Télégramme ont refusé cette humiliation. De fait, les réponses de Macron sentent le lissage postérieur par les "spin doctors", les réponses sont argumentées, mais convenues. On ne retrouve pas la créativité lexicale dont le président est coutumier ni son talent pour la joute. À vouloir trop polir les aspérités de son discours, l'interview en devient un peu ennuyeuse...
Macron n'hésite pas à fausser cette élection
"Le président français n'est pas un chef de parti", admet-il, tendant les verges pour se faire battre, ajoutant "en même temps" estimer "normal qu'il s'implique dans des choix fondamentaux"! Une fois de plus, bien que le scrutin ne mobilise toujours pas les Français, il le dramatise en enjeu vital pour la construction européenne, comme si le 26 mai au soir, l'Union européenne allait s'arrêter du jour au lendemain, submergée par la vague populiste que le cynique a lui-même propulsée.
Ce débat réducteur qu'il a monté en duel "progressistes versus nationalistes" ne reflète pas la réalité de la carte politique européenne. Il en est une composante - nouvelle et isolée, faute d'alliés établis, et donc fragile - car les eurosceptiques peuvent atteindre 25 % des sièges du Parlement européen, mais la matrice du débat européen repose tout de même sur bien d'autres ressorts, dont le clivage traditionnel centre droit/centre gauche qui a disparu en France, mais survit ailleurs en Europe et dans bien des pays.
"Moi ou le chaos en Europe" :
une stratégie aussi éculée peut-elle encore faire recette ?
Pour sauver sa mise, Macron se présente en boxeur groggy et velléitaire à qui il tarderait, avec ses petits bras trop courts, de rendre les coups reçus des 'populistes', non pas dans un face-à-face viril, mais dans un meeting organisé par lui, avec une presse subventionnée souvent endettée. Maître dans l'art du double-jeu, il feint de constater que "toutes les autres listes en font un référendum contre le président de la République et le gouvernement. Il ne s'agirait pas que je sois le seul à ne pas pouvoir prendre la parole", a gémi Jupiter. En fait, refaisant les combats douteux de Mitterrand, puis Hollande, il n'a jamais cessé de doper le Rassemblement national pour mieux apparaître en recours et faire obstacle au "serpent qu'il a réchauffé dans son sein" en défendant des idées qu'il partage pourtant avec bien d'autres en France.
Personne n'a oublié qu'il a rédigé une lettre aux Européens (diffusée dans tous les pays de l'UE) avant l'ouverture officielle de la campagne (dès mars) et qui a indiqué à (très) grands traits ce que serait le programme des candidats de la liste "Renaissance". Les membres de sa liste - et les Français - n'ont pas pu avoir connaissance de son programme réel avant le lundi 20 mai, il y a trois jours, moins d'une semaine avant le scrutin du 26 : combattre à armes égales lui pose problème !
La semaine dernière encore, il méprisait tout ce qui n'est pas RN, caricaturant le bilan du Rassemblement national - jusqu'à aujourd'hui isolé et diabolisé - au Parlement européen. "Sur tout un tas de sujets, leur bilan est une catastrophe pour le pays et pour l'Europe, lançait ce parvenu du monde politique, vendredi 17 mai. (...) On a plus parlé de lui pour des affaires d'assistants que pour des réussites politiques," a polémiqué celui dont on attend qu'il soit le président de tous les Français. Marine Le Pen répondit à l'agression, réclamant que l'engagement personnel du chef de l'Etat dans la campagne des européennes s'accompagne de son départ en cas de défaite... Elle omettait de demander la déduction de ses prestations du temps de parole de son mouvement dans les débats télévisés à venir...
Pendant qu'on mélange tout, le référendum, le plébiscite, les européennes, on ne parle ni de bilan des macroniens au pouvoir, ni de programmes. Macron a plongé ses rivaux dans le chaos démocratique qu'il prétend éviter.
Une certaine presse diffuse son message de connivence entre les nationalistes et des intérêts étrangers.
Pour redynamiser sa liste avec les moyens de la présidence, le chef de parti tente de reprendre la direction des opérations en déclarant à la presse régionale : "La question de ces élections européennes est simple : voulons-nous la division face aux Etats-Unis et à la Chine ou préférons-nous l'unité pour bâtir notre avenir européen ?" La "pensée complexe" du quadragénaire se révèle binaire et manichéenne : est-elle susceptible de renverser les tables et ré-enchanter l'Europe? "Je vois pour la première fois une connivence entre les nationalistes et des intérêts étrangers, dont l'objectif est le démantèlement de l'Europe, martèle Macron. Est-il meilleur en diseur de mauvaise aventure que Loiseau en "romanichelle" ?
Macron profite de cet entretien forcé digne des années 20 pour adresser un message aux nombreux abstentionnistes. Il ne les menace pas du goulag, rassurons-nous. Comme en 2014, les sondeurs indiquent en effet que la participation sera aussi faible (aux alentours de 40 %). "Quand il y a de l'abstention, c'est un échec pour la démocratie, souligne le président par défaut. Il y a un paradoxe : on a passé des mois à dire qu'il fallait redonner de la vigueur à notre démocratie [qui est "on"? Macron n'en est manifestement pas pas, lui qui a fait passer en force sa Loi Travail en court-circuitant la représentation nationale] et l'on considérerait qu'il n'est pas important d'aller voter ? [Quel parti rival a dit ça ?] Décider de ne pas aller voter, c'est décider de donner sa voix à ceux qui ne veulent que détruire," estime le Macron subjectif et caricatural.
Macron arrive au bout du non-raisonnement
Pour le reste du programme de sa liste, rien de neuf qui rachèterait le début: l'espoir de Renaissance s'arrête là. Nathalie Loiseau et ses colistiers, mais plutôt les proches de l'Elysée, développent leurs attaques dans tous les media et aucun ne contribue mieux que l'autre à l'éclairage des "illettrés", "mafieux" et alcooliques" ou autres porteurs de la "peste brune".
Même quand l'agitateur du spectre des années 1930 affirme qu'Edouard Philippe ne sera pas démis de ses fonctions en cas de mauvais résultat dimanche, éventualité qu'il n'exclut pas, Macron oublie ce qu'a déclaré Manu. Une part du Dr Jekyll et Mr Hyde avait dit, notamment au Point, que le premier ministre serait à Matignon "pour cinq ans", mais ça, c'était en août 2018. Or, pendant la campagne présidentielle, le candidat assurait que le gouvernement, donc l'Edouard, serait renouvelé à mi-mandat. Le praticien du "en même temps" se considérait comme le "maître des horloges", le seul responsable. Au four et au moulin, toujours au travail, du matin au soir, quand il n'est pas aux sports d'hiver pour oxygéner la sexagénaire, alors que les LBD 40 éclatent des yeux de manifestants en colère... Les 80 kilomètres-heure, c'est lui (et non Philippe). Le grand débat, c'est lui. Les européennes, c'est lui. L'Etat, c'est lui.
Dimanche, le grand remplacement, c'est pour lui ?
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