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mercredi 15 mai 2019

Européennes : LREM a-t-elle accaparé du temps de parole de l'opposition ?

La France insoumise accuse le gouvernement d’avoir fait voter une réforme qui limite son "temps de parole" au profit de LREM et du RN 

Le texte favorise surtout la liste de Marine Le Pen et
dans une moindre mesure, celle de LR, 3e dans les sondages

Européennes 2019, Macron s'affiche :
il n'a pas de limites...
Précision: cette coupe vise les spots publicitaires diffusés sur les chaînes publiques. Par chance, le temps de parole des candidats durant la campagne n'est pas du ressort l'Elysée. Pas directement.
Le CSA a déterminé le temps de parole de chaque parti. Dans une décision publiée au Journal officiel le 10 mai, le CSA a annoncé la répartition des 309 minutes de temps d’antenne entre chacune des 34 listes enregistrées. Or, elles ne sont pas considérées à égalité. Si chaque liste a droit à une durée d’émission forfaitaire de trois minutes, la réglementation ajuste le temps d’audience en fonction de certains critères : le nombre de députés, de sénateurs et de députés français qui déclarent soutenir la liste au Parlement européen, les sondages d’opinion publiés entre le 24 avril et le 7 mai [on ne s'étonnera donc pas que Bernard Sananes (PDG d'Elabe, après avoir servi Bolloré à CSA) fasse progresser la Liste présidentielle, alors que du constat des observateurs qu'elle est plombée par Nathalie Loiseau, et fasse chuter de trois points la liste LR] ou encore les résultats obtenus par les partis les soutenant aux européennes de 2014.
On constate ainsi une domination écrasante de la liste Renaissance (LREM, Modem) avec 55 minutes 53 secondes de temps d’antenne, 48 minutes 11 secondes pour le Rassemblement national, 38 minutes 20 secondes pour la liste soutenue par Les Républicains ou 18 minutes 37 secondes pour La France insoumise. Le service public offre ainsi deux fois plus de temps à la liste présidentielle qu'à LFI. Parmi les "petites listes", 21 d’entre elles bénéficieront de 3 minutes 33 secondes de visibilité.
Toutes les dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle sont prises en charge par l’Etat.
Trois soirées de débats sont également programmées: le 20 mai sur LCI, le 22 mai sur France 2 et le 23 mai sur BFMTV.
Plusieurs partis s'insurgent contre ces disparités
La candidate Pascale Le Néouannic, conseillère régionale d'Ile-de-France, secrétaire nationale LFI à l’émancipation, ou la tête de liste LFI menée par Manon Aubry (porte-parole de de l'association Oxfam France, dont Cécile Duflot est la directrice générale) ont tweeté des valeurs exprimées en minutes.


Il s’agit de la durée de diffusion pour les spots officiels de campagne.
Ces clips pèsent peu dans les scrutins, selon certains, notamment le Conseil d’Etat qui ne préconise pourtant pas leur suppression...
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) s'appuie sur de nouvelles règles, un aménagement des pratiques rappelant le charcutage des circonscriptions à la veille d'autres scrutins. En janvier 2018, au moment de la discussion des modifications, la réforme avait déjà suscité la polémique, en raison du traitement préférentiel qu’elle accordait à LREM, au détriment d’autres partis, dont La France insoumise de Mélenchon.
Avant la réforme, deux heures d’antenne étaient attribuées de façon égale aux groupes constitués à l’Assemblée ou au Sénat. Ceux qui ne disposaient d’aucun groupe devaient en revanche se répartir une heure, "sans que chacun d’entre eux puisse disposer de plus de cinq minutes".
Résultat : aux dernières européennes, en 2014, les six partis qui possédaient des groupes parlementaires (Europe Ecologie, Front de gauche (LFI et PCF), Parti radical de gauche, Parti socialiste, UDI et UMP) disposaient de vingt minutes chacun. Tandis que les 21 autres partis et groupements (dont le FN et Debout la République) avaient droit à deux minutes et cinquante-deux secondes chacun...
Des clips inutiles, mais augmentés de 90 minutes...
Le nouveau texte, notamment motivé par une décision du Conseil constitutionnel, avait pour objectif de donner plus de poids aux partis ayant peu de poids parlementaire… La réforme a ainsi divisé en trois fractions le temps d’antenne accordé pour les campagnes audiovisuelles :
- Première fraction: tous les partis présentant des listes ont droit à trois minutes d’émission chacun.
- Deuxième fraction: deux heures sont réparties entre les listes au prorata "du nombre de députés, de sénateurs et de représentants français au Parlement européen ayant déclaré les soutenir", prime donc aux partis ayant le plus d’élus à Paris et à Strasbourg.
- Troisième fraction: pour ne pas léser les partis ayant une faible représentation parlementaire mais ayant du poids dans le débat démocratique, le CSA peut répartir une dernière heure et demie dite de "correction" entre toutes les listes enregistrées. Cette répartition tient compte de plusieurs critères comme les "résultats obtenus aux Européennes de 2014, à l’élection présidentielle et aux élections législatives de 2017, des indications de sondages […], du nombre de conseillers régionaux et départementaux, et la contribution de chacune des listes de candidats et des partis et groupements politiques qui les soutiennent à l’animation du débat électoral", précise le texte.

En janvier 2018, plusieurs media avaient sorti la calculette pour estimer qui seraient les grands gagnants et les grands perdants de cette réforme. À l’époque, les observateurs estimaient que le FN et LFI seraient les grands perdants. Problème: le texte présenté à l’époque n’était pas celui qui est depuis entré en vigueur. Surtout, en plus des règles liées au nombre d’élus au Parlement, il n’était pas possible à l’époque de savoir comment le CSA répartissait les 90 minutes de correction.

Un qui perd, gagne ?

On connaît désormais la répartition exacte du temps de spots de campagne pour chaque liste aux européennes. La comparaison est difficile pour deux raisons. La première est que la réforme augmente
le temps d’antenne global, qui passe de trois heures en 2014 (pour 27 listes) à presque 5 heures (pour 34 listes) en 2019
La deuxième est que les listes apparaissent, disparaissent ou se scindent d'un scrutin à un autre.

La liste portée par LREM n'existait pas en 2014, mais ses alliés (Modem, Agir) ne sont pas des nouveaux venus, puisqu'ils suivaient Bayrou ou Juppé. Grâce à ces renforts, LREM (qui comporte aussi de nombreux ex-socialistes) moissonne sur tous les terrains et disposera de cinquante-cinq minutes et cinquante-trois secondes de clips de campagne (trois minutes de "socle", auxquelles s’ajoutent cinquante-deux minutes compte tenu du nombre d’élus soutenant la liste et 33 secondes de correction) pour ces élections de 2019. Une observation qui n'est en rien une justification, car la réforme est faite pour avantager la liste présidentielle.

Tous les partis anciens sont censés profiter de la rallonge de temps

Parti de gauche et PCF
Pour LFI, même difficulté, puisqu'il ne fallait pas que cette rallonge de temps conduise à une baisse de temps d'antenne de chacun. En 2014, c’est le Front de gauche (réunissant PCF et Parti de gauche), qui porte la liste aux européennes en disposant de vingt minutes pour ses spots. Aujourd’hui, LFI et le PCF font liste à part.
La France insoumise dispose à elle seule de dix-huit minutes et trente-sept secondes cette année, selon la répartition décidée par le CSA. Le PCF, lui, dispose de sept minutes et quarante secondes. Au total, et en valeur absolue, les deux listes de la gauche de la gauche disposent donc d’un temps d’antenne plus important qu’en 2014. Le temps d’antenne officielle pour les deux partis (un peu plus de vingt-six minutes), représente environ la moitié de celui de la majorité. Une situation… pas si différente de celle de 2014, où le PS et ses alliés du Parti radical de gauche (qui portaient ensemble les listes «Choisir notre Europe») disposaient à eux deux de quarante minutes, soit le double du Front de gauche.

Plus de quarante-huit minutes pour le RN
Un parti peut toutefois se féliciter de nouveau de son score à la présidentielle comme du nouveau texte, le Rassemblement national. En 2014, le Front national, qui ne disposait pas d’un groupe parlementaire, n’avait évidemment, droit qu’à deux minutes et cinquante-deux secondes lors de la campagne européenne. Grâce à Hollande, le FN a pu constater un groupe aux législatives et, grâce à Macron, la liste soutenue par Marine Le Pen disposera maintenant d’un peu plus de quarante-huit minutes pour diffuser ses spots de campagne à la télé et la radio publique. Un temps multiplié par 16, et qui est surtout très proche de celui de la majorité, mais c'est bien le but de l'opération : renouveler le coup de 2002 et celui de 2012, avec une configuration du "tout sauf Le Pen".

Le CSA - dont le président est nommé par le président de la République - n'a pas hésité à lui accorder pas moins de quarante-deux minutes de la fameuse "heure et demie de correction", pas loin de la moitié, répartie notamment en fonction des résultats des dernières élections et des ...sondages d’opinion ! 

Le deuxième parti qui a le plus bénéficié de cette correction n'est autre que La France insoumise, certes dans une bien moindre mesure, avec douze minutes et quarante-trois secondes.

Tous les partis gagnent du temps d'exposition sur le service public.

Outre le RN, le parti Les Républicains a logiquement bénéficié de la réforme. Le CSA lui a accordé trente-huit minutes et vingt secondes de temps d’antenne pour sa campagne publicitaire, là où l’UMP ne disposait que de vingt minutes en 2014. Avec deux heures de plus accordées aux clips en 2019 et un gain de vingt minutes, le premier parti d'opposition ne disposera que d'un sixième du mieux. 

Un parti comme Debout la France, fondé en 2008 et 4,70 % des suffrages à la présidentielle de 2017, gagne aussi en visibilité. Le parti passe en effet de moins de trois minutes en 2014 à un peu plus de huit minutes cette année.

Le PS reste globalement stable (dix-neuf minutes et quarante-trois secondes en 2019, contre vingt minutes en 2014, même si ses listes disposaient de quarante minutes de temps d’antenne grâce au PRG), malgré ses 6,36% à la présidentielle... Idem pour une grande partie des listes, comme le Parti pirate ou la liste royaliste, qui passent de deux minutes cinquante-deux secondes à un peu plus de trois minutes.

Comme le temps d’antenne a globalement augmenté, les partis qui ont perdu du temps d’antenne sont plus rares. 
Parmi eux, on retrouve par exemple Europe Ecologie-les Verts, qui disposait de vingt minutes en 2014 contre moins de quinze minutes en 2019. Mais ils n'ont plus que 3 sénateurs et un seul député...


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