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dimanche 20 octobre 2019

SNCF : le droit de retrait, en faveur des usagers comme des personnels

Au delà de leur légitime colère, les passagers ne réalisent pas que leur sécurité est mise à mal par les décisions gouvernementales

La sûreté des installations, c'est la sécurité des usagers.


Le TER roulait entre Charleville et Reims lorsqu'il a percuté le convoi exceptionnel. / © Ali Benbournane / France 3La sécurité des passagers était-elle assurée au passage à niveau ?
Les agents qui font valoir leur droit de retrait s’inquiètent de la sécurité des passagers lorsque les trains circulent en "équipement agent seul" (EAS), c’est-à-dire sans autre agent à bord que le conducteur. 
Depuis trois jours, la circulation des trains en France est perturbée par un mouvement social à la SNCF, suite à un accident survenu mercredi 16 octobre dans les Ardennes, où on a d'abord dénombré onze blessés sur un passage à niveau

La direction dénonce une "grève surprise qui ne respecte pas la loi", puisqu'à la SNCF le préavis est obligatoire. Le premier ministre Edouard Philippe - à qui Macron délègue de plus en plus systématiquement le rôle du croque-mitaine -  a violemment dénoncé un "détournement du droit de retrait qui s’est transformé en grève sauvage" et a "demandé à la SNCF d’examiner toutes les suites qui pouvaient être données, et notamment judiciaires".

Pour les syndicats au contraire, il s’agit bien d’un droit de retrait,
une procédure exercée par un salarié lorsqu’il considère qu’il existe un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection. Ce qui semble bien être le cas sur ces deux points à la fois. 

A l’origine de l’arrêt du travail par les agents :
l'accident de mercredi  met en lumière l'exposition des usagers et des personnels à de gros dysfonctionnements d’organisation, déjà dénoncés par les cheminots dans le passé. La direction et le gouvernement "n’ont pas compris qu’il y a une colère des agents à propos de la sécurité. Ça n’a rien à voir avec le 5 décembre et les retraites", insiste Julien Troccaz, de SUD-Rail, syndicat révolutionnaire trotskiste.

Les agents qui font valoir leur droit de retrait ces jours-ci s’inquiètent à la fois de la sûreté du matériel et de la sécurité des passagers lorsque, comme le 16 octobre, les trains circulent en mode d’exploitation "équipement agent seul" (EAS), c’est-à-dire sans contrôleur, ni autre agent à bord, alors que chacun peut constater une montée vertigineuse du nombre des incivilités et des agressions  sur les lignes de chemin de fer et les lignes RATP de la SNCF.

Un sur-accident évité de justesse et des morts


Le soir de l’accident, le TER reliant Charleville-Mézières à Reims a percuté un convoi routier exceptionnel coincé sur un passage à niveau à Saint-Pierre-sur-Vence. 
Malgré son état de choc et ses blessures, le conducteur a dû venir seul en aide aux passagers blessés, 11, dont plusieurs hospitalisés, selon la préfecture. Le sur-accident a été évité de justesse grâce au sang-froid, au sens des responsabilités et à l'abnégation du conducteur.
Blessé à la jambe, le conducteur a notamment dû marcher 1,5 km pour sécuriser les voies, abandonnant à eux-mêmes les passagers, pour déposer lui-même des agrès de protection sur les voies, le système d’alarme destiné à alerter les autres trains étant par ailleurs défaillant. "On a évité un drame parce qu’il y a un conducteur consciencieux, attaché au service public ferroviaire, qui a bossé. Mais on ne peut pas continuer comme ça", a déploré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

Le syndicat FO-Cheminots interpelle le gouvernement.  
"L’accident de Reims démontre que ce danger est réel et qu’il est grave et imminent. Comment comprendre qu’un agent de conduite blessé se trouve contraint d’aller appliquer les procédures de sécurité alors même que la présence d’un agent d’accompagnement aurait évité cette prise de risque ?, interroge FO dans un communiqué.

Après cet épisode, les cheminots des Ardennes ont les premiers exercé leur droit de retrait et ont rapidement été rejoints partout en France. "Le droit de retrait, c’est un droit des travailleurs pour dire : attention il se passe quelque chose de grave", a défendu Philippe Martinez (CGT).

L’EAS, un dispositif contesté pour sa mise en danger des personnes

Sur Twitter, un cheminot détaille comment fonctionne le dispositif "équipement agent seul" (EAS), présent sur les trois quarts des TER dans toutes les régions et sur tous les trains en Île-de-France
Le conducteur a tout à faire : grâce à un système de caméras et un système de fermeture automatique des portes, le conducteur peut surveiller les montées et descentes des voyageurs, et ouvrir et refermer les portes à distance. Ce matin sur CNews, le journaliste Jean-Pierre Elkabbach et Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État chargé des Transports., s'accordaient néanmoins pour penser que la présence du chef de gare sur les quais pour assurer le départ des trains est archaïque à l'ère du digital...



Les syndicats contestent ce mode de fonctionnement, qui permet de faire circuler des trains sans contrôleur, évoquant des risques de sécurité. 
Ils pointent aussi des problèmes de sécurité particuliers à l’engin accidenté, un autorail grande capacité (AGC).
Comme le rappelle L’Express, l’objectif de ce dispositif était au départ (en 2002) de lutter contre la fraude, et de "concentrer la présence humaine dans les trains où fraudes et incivilités sont des phénomènes importants".

La direction a mis sur la table trois propositions qui ne les satisfont pas: modification de "certains équipements" de l’AGC ; des groupes de travail sur les procédures de sécurité "dans les jours qui viennent" et "accélération" des recrutements, a résumé samedi le patron de la SNCF Guillaume Pepy, lequel aura quitté la direction de la SNCF dans dix jours...

Mais compte tenu des risques soulevés en termes de sécurité pour les voyageurs, la fédération CGT des cheminots fait savoir qu’elle "exige le retour de contrôleurs sur l’ensemble des circulations afin de permettre aux agents de conduite de se concentrer uniquement sur la gestion de la sécurité ferroviaire"

Les syndicats dénoncent également la mise en place prochaine de nouvelles règles de départ des trains, qui autorisera dès le 15 décembre la suppression des agents sur les quais et laissera au conducteur la mission de s’assurer lui-même que le train peut repartir en toute sécurité.

"Grève surprise", comme l'accident sur la voie...
Le ton est peu à peu monté entre l’exécutif et la direction, d’une part, et les syndicats de l’autre. Les media envenimant le débat en prenant le parti du pouvoir et des passagers en colère, plutôt que d'informer les usagers de la convergence de leur demande de sécurité (contre les agressions et les accidents matériels) avec celle des cheminots. 

Le grand escogriffe de Matignon n'a pas hésité à dresser les uns contre les autres, en dépit de leurs intérêts joints. Edouard Philippe a dénoncé un "détournement du droit de retrait qui s’est transformé en grève sauvage" et a menacé de représailles du fait de sa "demande à la SNCF d’examiner toutes les suites qui pouvaient être données et notamment judiciaires". 
En partance, Guillaume Pepy a décoché le coup de sabot de l'âne, jugeant "pas admissible" ce mouvement qu’il a qualifié de "grève surprise".

Quant à Jean-Baptiste Djebbari, il a estimé samedi dans un autre entretien avec Le Parisien (LVMH) que la SNCF pourrait prononcer des sanctions individuelles envers les cheminots qui ont pris part à ce mouvement social.
Le secrétaire d’Etat aux Transports n'a d'ailleurs pas reculé devant l'accusation d'une action politique concertée : il  "semble organisé de façon collective par des syndicats, et notamment la CGT".

"Le niveau de violence des déclarations donne le ton de la suite, car c’est difficile de dire on se met autour de la table quand on parle de judiciaire et qu’on nous prend presque pour des criminels", s’insurge Julien Troccaz, de SUD-Rail. La direction et le gouvernement "n’ont pas compris qu’il y a une colère des agents à propos de la sécurité. Ça n’a rien à voir avec le 5 décembre et les retraites", insiste-t-il en référence à la prochaine journée d’action contre la réforme des retraites.
"Le droit de retrait aurait dû être réglé en quelques heures si le gouvernement ne s’en était pas mêlé, mais Edouard Philippe veut le pourrissement et use de provocations pour cela", a réagi la CGT cheminots qui elle, n’entend pas séparer les revendications. Elle lance un appel à participer "massivement" à la journée d’action du 5 décembre et en y joignant "les sujets d’entreprise, notamment la sécurité". "Vous évacuez la sécurité, vous aurez un conflit généralisé", avertit le syndicat.

Quant aux usagers, il faudrait qu'ils distinguent leurs désagréments ponctuels passagers des risques que les décisions de compression de personnels et de numérisation leur font courir actuellement et encore davantage à l'avenir.  

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