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lundi 14 octobre 2019

Kaïs Saïed, élu président en Tunisie, sans conteste

L'arrivée au pouvoir de ce traditionaliste  soulève des interrogations sur l'avenir du pays

Ce juriste prône une révolution institutionnelle, un conservatisme moral et religieux et un souverainisme diplomatique.
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Kaïs Saïed, surnommé 'Robocop', du fait de
son allure ascétique, son élocution monocorde et ses traits figés
 
La mobilisation massive de la jeunesse de Tunisie relance le chantier tunisien de la "révolution" qui s’était dilué ces dernières années. La leçon à retenir de l’élection présidentielle du dimanche 13 octobre c'est que la victoire écrasante de Kaïs Saïed est une réplique sismique du fameux 'printemps tunisien' de 2011. Selon des estimations encore provisoires, cet enseignant sexagénaire en droit constitutionnel, en faveur duquel une jeunesse en quête de changement s’est massivement mobilisée, recueillerait entre 72 % et 77 % des suffrages exprimés

La Tunisie moderne construite par le président Bourguiba est-elle menacée ?
Et donc aussi les avancées permises par son action politique (1957-1987), dont le développement de l'éducation, la réduction des inégalités entre hommes et femmes, le développement économique et une politique étrangère équilibrée. 

Plus de huit ans après la chute du régime fort de Zine El-Abidine Ben Ali, (sur)pris par la montée de l'islamisme dans la vague des "printemps arabes", la Tunisie porte à sa tête un chef d’Etat qui prétend réactiver le message de 2011, et son populisme : "pouvoir au peuple", justice sociale, moralisation de la vie publique,... Mais aussi renforcement de l'emprise de l'islam.

Dans cette accession au pouvoir, certains voit une victoire démocratique d'un pays arrivé à maturité. La séquence électorale que le pays vient de connaître – les élections législatives (6 octobre) s’ajoutant aux deux tours du scrutin présidentiel (15 septembre et 13 octobre) – s’est déroulée pacifiquement, sans trouble à l’ordre public ni fraude notable. Des débats télévisés ont opposé les candidats comme dans n’importe quelle vieille démocratie occidentale.

Mais d'autres n'occultent pas l’arrestation de Nabil Karoui pour des soupçons d'"évasion fiscale" et de "blanchiment d’argent" présumés, le 23 août, à la veille du premier tour de la présidentielle. Or, ce  magnat de la télévision était qualifié pour le second tour, et il a – de fait – été empêché de mener campagne jusqu’à sa libération, mercredi 9 septembre. Sa participation au dernier duel télévisé face à Kaïs Saïed n’a apparemment pas convaincu l’électorat, mais le candidat - encombré de ses casseroles - a-t-il eu le temps de s'y préparer ? L’écart final de 45 à 50 points entre les deux hommes peut s'expliquer par ses tracas judiciaires, et aussi surprendre, puisque Karoui apparaissait dès janvier en bonne place dans les sondages. 

L’installation de Kaïs Saïed au palais présidentiel à Carthage pourrait perturber le pays, jusqu'au-delà de ses frontières

Partisan du renversement de la pyramide des pouvoirs, au profit de "conseils locaux" et au détriment de l’échelon central, K. Saïed appelle à se "libérer" de " concepts classiques", parmi lesquels il range les partis politiques et la démocratie représentative. Un tel projet, s’il devait être mis à exécution, annonce bien des tensions. La crainte majeure serait qu'il instaure la primauté de la charia.

L'homme inquiète pour son conservatisme moral et religieux assumé et revendiqué. 
Invoquant l’opinion majoritaire, il ne cache pas son hostilité à la dépénalisation de l’homosexualité et son opposition à l’égalité homme-femme dans l’héritage

Ces convictions rétrogrades vont de pair avec
la présence centrale qu’occupera le parti islamo-conservateur Ennahda au Parlement, vont désormais placer la frange la plus progressiste – mais minoritaire – de la société civile tunisienne sur la touche. D'autant qu'avec 52 sièges, le parti islamo-conservateur présidé par Rached Ghannouchi devance la formation Qalb Tounès, du candidat à la présidentielle Nabil Karoui, qui récolte 38 sièges.

Enfin, le souverainisme de Kaïs Saïed, puisé aux sources du nationalisme arabe – il tient toute relation avec Israël pour un acte de "haute trahison" –, ne manquera pas de tendre les relations entre la Tunisie et ses partenaires occidentaux. 

L’Europe va devoir composer avec ce recul de la démocratie au Maghreb
qu’elle n'avait peut-être pas anticipé. Kaïs Saïed n’est assurément pas le meilleur président tunisien que l'Union européenne fantasmait. Les Européens n'avait pas davantage prévu que les Tunisiens pouvaient basculer dans la révolution institutionnelle et le rigorisme religieux ultra conservateur.

Ni la gauche française et ses think tanks aveuglés d'idéologie, ni Macron, plein de ses certitudes et son ministre à côté de la plaque, Le Drian, n'ont vu venir l'islamisme, bien que la mouvance des Frères musulmans ait été légalisée, il y a neuf ans (le 1er mars 2011) par le gouvernement d'union nationale de Mohamed Ghannouchi, instauré après la révolution.

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