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vendredi 11 octobre 2019

Procès Karachi : la présidente n'en peut plus du "menteur" invétéré Ziad Takieddine

"Vous mentez sans arrêt", lance la présidente à l'accusateur

La présidente craque après moins d'une heure de présence de 
Ziad Takieddine à la barre 

L'homme d'affaires Ziad Takieddine a livré le énième récit de sa "vérité" dans le procès du volet financier de la tentaculaire affaire Karachi commencé jeudi.
Tour à tour indigné, quand elle le place devant ses "contradictions", et "formidable", quand elle pointe un aspect qui l'intéresse,  l'intermédiaire irrite la présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, Christine Mée.

Personnage clé de ce dossier, le Franco-libanais est jugé aux côtés de trois hommes politiques, d'un industriel et d'un second intermédiaire absent pour des soupçons de commissions occultes en marge de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, il y a près de 25 ans.
L'accusation affirme que les pots-de-vin, alors légaux, versés à des intermédiaires lors de contrats d'armement avec l'Arabie saoudite (Sawari II) et le Pakistan (Agosta) auraient donné lieu à des rétro-commissions illégales qui auraient alimenté les comptes de campagne d'E. Balladur.

Ce second réseau d'intermédiaires, dit "réseau K" , dont faisaient partie Ziad Takieddine et son co-prévenu Abdul Rahman Al Assir, s'est vu promettre le versement de plus de 300 millions d'euros sur divers contrats, en a touché plus de 85, jusqu'à l'arrêt du versement des commissions, décidé par Jacques Chirac après son élection à la présidence.

Pour la première fois à la barre, Ziad Takieddine, 69 ans, s'attribue le rôle avantageux d'un homme de l'ombre presque désintéressé, un "facilitateur" des relations franco-saoudiennes. "Je ne suis pas dans un réseau qu'on a appelé K. [pour King, en référence au roi saoudien]. C'est une invention", commence-t-il. 
"L'utilité du réseau, on pourra en parler, mais on voit que quand les commissions sont versées, il y a une clé de répartition [entre Al Assir et Takieddine] et des sommes vous reviennent. Ce sont des faits", intervient, agacée, la présidente.

Avec un luxe de détails inutiles, le méditerranéen
 affirme que s'il perçoit de l'argent, c'est pour son travail de facilitateur, en aucun cas comme membre d'un réseau, et qu'il n'a d'ailleurs rien à voir avec les sociétés offshore sur les comptes desquelles arrivaient les commissions.
"Vous allez vous asseoir. On va tout reprendre. Les sociétés, les versements, on va y passer des heures. Vous mentez sans arrêt !", lance, excédée, la paisible Christine Mée, magistrate qui a déjà à son actif la présidence, en mars dernier, du procès visant Bernard Tapie sur l'arbitrage présumé truqué de 2008.

La défense s'emporte alors contre le manque d'"impartialité du tribunal". 
Ziad Takieddine, blessé dans son honneur, émet de vigoureuses protestations. La présidente se reprend: "Je rectifie: vous avez des déclarations très changeantes et évolutives"..

En effet, le sulfureux hommes d'affaires vient encore d'effectuer l'une de ses volte-faces, au regard de ses déclarations de juin 2013 aux juges d'instruction. Comme l'a rappelé la présidente, il avait admis à l'époque être négociateur dans le contrat Agosta avec le Pakistan et être partenaire d'Al Assir pour les contrats saoudiens. Surtout, il était le seul des prévenus à reconnaître avoir participé à un financement politique, pour avoir remis de fortes sommes d'argent en liquide à son ami Thierry Gaubert, engagé dans la campagne Balladur, à la demande de Nicolas Bazire, alors directeur de campagne - ce que les intéressés ont toujours réfuté.

Il est revenu jeudi à sa position antérieure, expliquant avoir fait profiter le gouvernement Balladur (1993-95) de ses lumières - car "la plupart des Français ne comprennent rien au monde arabe" - et avoir été payé pour ses conseils avisés par un prince saoudien, via l'entremise d'Al Assir.
Pour ce rôle de médiateur, faiseur de paix et de juteux contrats, il estime qu'il "mérite juste une légion d'honneur".

De guerre lasse, la présidente l'interroge sur l'arrêt des commissions. 
"Vous êtes formidable! Vous avez touché le point essentiel", s'exclame-t-il, avant de raconter comment il a convaincu l'ancien chef du gouvernement libanais Rafiq Hariri [mort assassiné en février 2005 à Beyrouth] de verser le reliquat des commissions saoudiennes pour éviter une grave crise diplomatique entre Paris et Ryad.
La présidente en a assez entendu. Elle suspend les débats, réservant la question du financement politique à l'audience de lundi.

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