A Malte, paradis fiscal, 0% sur les revenus de source internationale
Quelle est donc l'étrange mission à Malte de ce conseiller très spécial d'Edouard Philippe ?
Extrait du 'Faucon maltais', film de John Ford |
Souci vertueux de transparence mis en veille, Sandro Gozi aurait signé un mystérieux contrat de consultant avec le chef du gouvernement maltais, sans en avoir averti le premier ministre. Le grand escogriffe demande des explications.
Ancien secrétaire d'Etat italien chargé des Affaires européennes auprès du président socialiste du Conseil des ministres, Matteo Renzi, Sandro Gozi est un quinqua aussi indispensable qu'occupé, puisqu'il peut courir deux lièvres à la fois. Celui qui était devenu l'un des conseillers d'Edouard Philippe au mois de juillet dernier, aurait aussi travaillé pour le Premier ministre maltais Joseph Muscar et continuerait sans que l'Edouard n'en sache rien, si la presse ne l'avait pas informé. "M. Gozi a été invité hier (lundi) par le directeur du cabinet du Premier ministre à produire des explications sur les faits allégués par plusieurs organes de presse", a confirmé Matignon au lendemain des informations du Monde, mis sur le coup par le quotidien maltais centriste Times of Malta.
Sandro Gozi, comme Nathalie Loiseau, LREM, de l’extrême droite à Emmanuel Macron |
Proche de l'Edouard était même candidat LREM aux Européennes – élu en 22e position, il ne siégera que si le Royaume-Uni respecte un jour le vote populaire et quittera l'Union européenne -, Sandro Gozi est chargé de mission auprès d'Édouard Philippe pour le suivi de la mise en place des nouvelles institutions européennes et des relations avec le Parlement européen.
Ce conseiller est-il un infiltré ?
Pendant ses années universitaires, Sandro Gozi est proche du Mouvement social italien – Droite nationale (MSI), le parti postfasciste de Giorgio Almirante. |
Sandro Gozi était un militant du 'Front de la jeunesse'. Sa carte d'adhérent est publiée par le site internet du magazine 'Il primato nazionale', qui reproduit également une photo de lui avec d'autres jeunes, ci-dessus, accompagné du secrétaire du mouvement social italien Giorgio Almirante. Mais il se justifie: "J'avais seize ans, mon meilleur ami était le secrétaire local du Front de la jeunesse. Je venais d'une famille de centre-gauche et la mienne était un acte de rébellion. Il m'a fallu très peu de choses pour comprendre que ce n'était pas mon chemin", assure l'intrigant à Adnkronos", agence de presse italienne. Il est bien connu que mon premier vote, ajoute Gozi, était en fait pour le parti républicain italien.
D'autre part, il me semble que Salvini appartenait également à Leoncavallo ou que d'autres dirigeants très jeunes ont fait des choix qui ont changé au cours de sa vie".
Pour son rôle dans le gouvernement français, le collaborateur de l'Edouard a été pointé par le centre-droit et surtout par 'Frères d’Italie', courant national-conservateur, qui ont officiellement demandé la révocation de leur citoyenneté italienne.
Pressé d'éclairer la représentation nationale, mardi après-midi, lors des questions au gouvernement, sur l'opacité de son premier cercle, l'Edouard a fait une réponse de Normand, faisant valoir que "tous ceux qui ont l'honneur de servir la France en travaillant au sein d'un cabinet ministériel doivent être, lorsqu'ils font l'objet d'une attaque politique, défendus par le chef du gouvernement". Mais, a-t-il ajouté, "le chef du gouvernement [comme Alain Delon, il parle de lui-même à la 3e personne !] exige d'eux une parfaite probité et le respect de toutes les règles qui s'imposent à tous ceux qui ont l'honneur de servir la France". Voilà pour la théorie, en langue de bois.
Une chance qu'il n'ait pas envoyé paître ses interpellateurs comme il l'a fait avec une liseuse de questions de La France Insoumise à l'Assemblée. Visiblement tendu - chiffonné par cette affaire maltaise ? - il a en effet envoyé Mathilde Panot - qui l'interrogeait sur la pauvreté en France - se faire voir au Vénézuela... Machisme ou sexisme anti-jeunes ?
Présomption d'innocence
Sandro Gozi "a confirmé, comme il l'avait fait, par écrit, au moment de son embauche, en juillet 2019, que son emploi de cabinet à Matignon était exclusif de toute autre activité professionnelle, a fortiori pour un autre gouvernement", a assuré Matignon, attaché à la Loi de Réaffirmation des valeurs fondamentales des services publics, obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité et le respect de la laïcité, bref, à la déontologie et à la transparence de la vie publique...
"Le directeur de cabinet du Premier ministre en a pris acte et l'a invité à produire dans les plus brefs délais les pièces attestant de la fin de sa collaboration avec le gouvernement maltais au moment de son embauche afin de clore la polémique", ajoute Matignon, en déclarant que Sandro Gozi a également été prié de "justifier rapidement de l'accomplissement de ses obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique [HATVP, puisque Jean-Louis Nadal, l'ancien magistrat qui la préside, attend que les dénonciations arrivent sur son bureau], obligations sur lesquelles le Premier ministre est particulièrement vigilant". La preuve...
Sandro Gozi, contacté par l'Agence France-Presse, n'avait pas encore répondu en début d'après-midi. L'eurodéputé LR François-Xavier Bellamy a pour sa part réclamé que "les éléments évoqués par le Premier ministre soient communiqués."
Depuis la tuerie par un islamiste infiltré qui a fait quatre victimes au coeur du Renseignement français à la Préfecture de police de Paris, la Maison Poulaga, la vigilance de la "poule" de Castaner est prise en défaut tous les mois.
Epinglé pour son inconséquence, Matignon est-il une pétaudière ?
Homme de confiance de l'Edouard, Sandro Gozi a signé un contrat de consultant avec le chef du gouvernement de Malte, sans en avoir averti le grand chef.
Intrigant, dépeint en "conseiller sans frontières" par Sylvie Coignard, le socialiste italien aime vanter "son approche transnationale" de la politique, ce qui le conduit tout naturellement à travailler simultanément pour plusieurs gouvernements, si on sait lire entre les lignes... Sandro Gozi réussit ainsi à travailler au cabinet du premier ministre de Macron et pour Joseph Muscat, chef du gouvernement de Malte.
Le porte-parole de J. Muscat affirme que S. Gozi travaille pour son compte depuis juin 2018. Décoré de l’ordre national du Mérite maltais en 2016, il le " conseille sur toutes les institutions et priorités européennes dans un rôle similaire à celui qu’il a eu, ou a, avec des gouvernements et organisations européennes", selon le porte-parole, qui vante sa "vaste expérience dans le domaine". Or, Gozi a par ailleurs rejoint le cabinet d’Edouard Philippe, le 29 juillet, en tant que chargé de mission temporaire.
L'attribution entre potes de ce poste rémunéré visait à assurer aux frais de la princesse française la transition jusqu’à ce que le Royaume-Uni quitte effectivement l’Union européenne. Mais Gozi a changé plusieurs fois de version à ce sujet.
"Il n’y a pas de conflit d’intérêts," se défend-il. Difficile de savoir ce qu'en pense la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, censée surveiller les conflits d'intérêt de ce genre, et si elle était au courant : elle refuse de communiquer. A la HAPTV, la transparence, c'est aussi simple que ça...
"Ce ne sont pas les mêmes missions, pas les mêmes sujets, pas le même travail. Je comprends que le transnational ne passe pas, même dans la presse, mais c’est un travail absolument régulier", a d’abord maintenu celui qui se décrit à la startup macronienne comme un "autoentrepreneur, avec un numéro de TVA". "Avec le gouvernement maltais, c’est du consulting externe sur les questions d’institutions européennes, d’immigration. Je n’ai même pas d’adresse e-mail, a-t-il raconté. A Matignon, je suis à l’intérieur du cabinet."
Un emploi fictif à Matignon ?
Les macroniens n'ont-ils pas pourtant une haute idée de la valeur travail, toujours un dossier sur la table, jusqu'au bord de la piscine du Fort de Brégançon ? Sandro Gozi n'a averti personne de ce double-emploi, ni Edouard Philippe, ni l'Elysée, à moins que l'un des deux soit fictif.
Gozi avance désormais que son travail pour Malte a pris fin en juillet dernier, après son élection au parlement européen. Et Gozi n'occupera son troisième emploi qu'après le Brexit.
La question reste posée : de quoi vit-il ? Assure-t-il une mission réelle quelque part ?
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