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samedi 14 novembre 2015

L'amendement Ayrault sur la CSG est "une tromperie inacceptable", selon le député PS Dominique Lefebvre

"L'amendement Ayrault sur la CSG : une nouvelle régression française "(Cercle des économistes)

Les députés ont adopté le controversé amendement Ayrault

Ayrault (à droite), avec le coauteur de l’amendement 
Pierre-Alain Muet, a défendu la baisse de la CSG,
pour certains: à voir !
L'ancien premier ministre remercié par Hollande tient sa revanche. L'amendement sur la baisse de la CSG, en remplacement de la prime d'activité, a été adopté ce jeudi à l'Assemblée nationale, par 35 voix contre 21.
Après deux heures de débat intense dans un hémicycle inhabituellement garni pour un débat budgétaire, l'amendement Ayrault présenté dans le cadre du projet de budget de l'État pour 2016 a été soutenu par des frondeurs comme par des réformistes et voté par une majorité de députés - 190 soutiens  socialistes et écologistes, sur 287 - fédérant les députés de la majorité présidentielle contre le gouvernement Valls
Les députés ont néanmoins adopté une ultime retouche supprimant toute référence à la perspective d'un "impôt citoyen sur le revenu" fusionnant impôt sur le revenu et Contribution sociale généralisée (CSG). Une baisse de la CSG sur les petits revenus pourrait provoquer une hausse des prélèvements sur la classe moyenne, déjà principale cible des baisses d’impôts engagées par le gouvernement depuis Ayrault.

Porter atteinte à la CSG est donc un mauvais coup porté à nos finances publiques et à la citoyenneté

L’Assemblée nationale a voté l’amendement Ayrault qui vise à verser, à partir de 2017, une fraction de la prime d’activité. Cette dernière doit remplacer en janvier 2016 la prime pour l’emploi et le RSA activité, sous forme de CSG dégressive pour les revenus inférieurs à 1,3 SMIC. Le sujet, d’apparence technique, est ultra politique avec des conséquences potentielles considérables.

Jean-Marc Ayrault est le Premier ministre du choc fiscal de 2012-2013 qui a cassé la reprise, de la taxe à 75% sur les hauts revenus qui fut jugée en partie inconstitutionnelle, de l’hyper concentration de l’impôt sur le revenu sur les classes moyennes et moyennes supérieures qui a accéléré la fuite des cerveaux, de l’écrasement fiscal des familles et de la hausse de la fiscalité sur le capital qui fait fuir les entrepreneurs.

La CSG, inventée par Michel Rocard, est l’impôt le plus juste car tout le monde le paie en proportion de ses revenus. Celui qui gagne dix fois plus que l’autre paie dix fois plus de CSG, alors même qu’elle finance pour l’essentiel des dépenses qui bénéficient surtout aux classes populaires. De ce fait, c’est déjà un impôt très progressif. De plus, la CSG est un impôt citoyen que tout le monde paie, ce qui est un élément clé de l’égalité républicaine d’autant plus important que plus de la moitié des ménages ne paie pas l’impôt sur le revenu, et que 10% des ménages paient 70% de l’impôt sur le revenu.

Porter atteinte à la CSG est donc un mauvais coup porté à nos finances publiques et à la citoyenneté. Mais, si cela ne suffisait pas, on utilise une partie de la prime d’activité, qui a justement pour effet de récompenser l’activité, pour financer une ristourne de CSG. Et c’est là que cette mesure d’apparence technique prend un aspect très politique et contre-productif dans un pays dont l’activité stagne depuis trois ans.

Le député PS Dominique Lefebvre est vent debout contre l'amendement de l'ex-premier-ministre 

Amendement Ayrault sur la CSG : "C'est une tromperie inacceptable" 
Vice-président PS de la commission des Finances et spécialiste de la fiscalité des ménages, Dominique Lefebvre a vainement tenté jeudi de convaincre ses camarades de ne pas voter l'amendement Ayrault-Muet instaurant une ristourne automatique de CSG pour les salariés payés jusqu'à 1,34 fois le SMIC. Auteur d'un rapport sur la fiscalité des ménages pour Ayrault, l'ancien premier ministre, le député du Val-d'Oise dénonce une véritable usine à gaz, qui va poser plus de problèmes qu'elle n'en résout. 

Le Point.fr : Pourquoi vous êtes-vous élevé, en séance, contre l'amendement de Jean-Marc Ayrault sur la CSG ? 
Dominique Lefebvre : Pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il ne tient pas la route sur le plan constitutionnel et opérationnel. Il sera inévitablement censuré par le Conseil. C'est donc faire beaucoup de bruit pour rien. 

Vous avez l'air de tenir cela pour certain ! 
Dans l'hémicycle, personne n'est juge constitutionnel, mais l'analyse juridique que je fais de cet amendement, c'est qu'il contrevient au principe d'égalité devant l'impôt et au principe d'intelligibilité de la loi. 

Au-delà du problème de légalité, vous vous opposez aussi à cet amendement pour des raisons de fond... 
Relancer le débat fiscal en ce moment est inopportun. Mais surtout, l'amendement n'aura pas l'effet vanté par ses promoteurs ! Ceux-ci font croire qu'ils ont fait voter une baisse d'impôt alors qu'il ne s'agit que d'une modalité de versement d'une fraction de la Prime d'activité sous forme de baisse de CSG. Les bénéficiaires de l'amendement vont avoir 100 euros de plus sur leur fiche de paie sans avoir un euro de plus dans leur porte-monnaie, puisque ces 100 euros viendront en substitution de la future prime d'activité. Au 1er janvier 2017, les Français concernés ne toucheront pas un euro de plus. 

Pour certains contribuables,
cela va même se traduire par une hausse d'impôts puisque la CSG est en partie déductible de leur revenu imposable. Ceux-là vont donc voir leur revenu imposable augmenter de 5 %, au risque de perdre des avantages fiscaux et sociaux.

Entre le discours tenu et la réalité juridique et pratique, il y a un monde. Moi, je pense qu'il ne faut pas mentir aux Français en leur disant qu'on a voté une baisse d'impôts qui améliorera leur pouvoir d'achat. Ce qui va l'augmenter, c'est le vote en août de la prime d'activité qui entre en vigueur en janvier 2016. Comment expliquer l'enthousiasme des députés socialistes pour cet amendement alors ? 

Certains ont signé, pensant que c'était un amendement d'appel, d'autres sans comprendre ce que cela signifiait exactement. D'autres l'ont soutenu parce que cela leur avait été présenté comme le respect de l'engagement du président de la République d'aller vers la fusion IR/CSG. Mais les auteurs de l'amendement eux-mêmes ont détricoté leur première partie de texte pour signifier que ce n'était pas une première étape vers la fusion. 
On a l'impression d'être sur deux planètes différentes. Les uns parlent un langage politique, mais c'est une tromperie qui n'est pas inacceptable. Les autres sont sur la réalité concrète pour nos concitoyens. Moi, je ne veux pas être interpellé en 2017 par des gens qui nous diront : "Vous nous avez promis une baisse d'impôt et elle ne vient pas." 

Mais le versement de la prime d'activité ne sera-t-il pas automatisé, ce qui augmentera le taux de recours à cette allocation ? 
Cet argument est totalement faux. Prenons l'exemple d'un salarié qui travaille à mi-temps. Avec la prime d'activité, il va avoir droit à 246 euros par mois. Avec l'amendement, il ne touchera que 46 euros en réduction automatique de CSG. Donc, s'il ne fait pas la démarche de demander la prime d'activité, il ne touchera qu'une faible partie de ce à quoi il aurait droit ! Ceux qui sont proches de 1,3 smic ne toucheront que 11 euros automatiquement. En théorie, ils auraient droit à 4 euros supplémentaires de prime d'activité. Vous croyez qu'ils feront les démarches auprès de la CAF pour 4 euros ? 
Le vrai sujet qu'il faut traiter, c'est que tous ceux qui ont droit à la prime d'activité la demandent ! Cela nécessite un travail d'information que font les CAF, Pôle emploi, les employeurs, etc. Je rappelle qu'il suffira de demander la prime d'activité à la CAF. 

Bercy parle pourtant d'un surcoût de 4 à 4,5 milliards supplémentaires par rapport au budget prévu pour la prime d 'activité ! 
Le chiffre de Bercy fait l'hypothèse d'un recours à la prime d'activité de 100 %. Je viens de montrer que ce ne sera pas le cas du fait de cet amendement. Il fera simplement verser une prime par deux guichets différents alors qu'elle pourrait être versée par un seul. 
Il va, au contraire, y avoir des effets collatéraux négatifs : certains vont bénéficier de la réduction de CSG alors qu'ils n'y auront pas droit. Résultat, ils seront régularisés à la fin de l'année et devront rembourser. C'est le cas du smicard auquel l'employeur calculera automatiquement une réduction de CSG mais qui, parce qu'il est marié à quelqu'un qui se remet à travailler, dépassera ainsi le plafond de ressources. C'est une machine à créer des indus là où la prime d'activité était conçue pour qu'il n'y en ait pas. 

Le gouvernement n'aurait-il pas dû s'opposer à l'amendement plutôt que de s'en remettre au vote de l 'Assemblée ? 
Il n'y avait que 50 députés dans l'hémicycle. Nous n'avons pas cherché à surmobiliser pour faire repousser cet amendement de trois voix. Il faut assumer ses responsabilités. On verra bien comment le débat rebondit au Sénat, ensuite en deuxième lecture à l'Assemblée et le cas échéant devant le Conseil constitutionnel. L'histoire n'est pas finie ! 

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