"Les choix politiques ne sont pas figés", d'après Montebourg
Le ministre de l'Économie a tenu un discours offensif pour sa rentrée politique de dimanche
Après Cécile Duflot, il a "donné un coup de couteau par derrière" à Hollande, selon Mélenchon. En effet, à la différence de l'écologiste, il reste pourtant au gouvernement, prenant à contre-pied Manuel Valls et le président François Hollande, lequel a prononcé la semaine dernière un discours pour dire que la croissance reste la priorité. Quant à Valls à Matignon, le chef du gouvernement préfère assurer qu'il n'y voit "rien de choquant".
Arnaud Montebourg veut faire bouger les lignes.
Alors que le président est dans l'Océan indien, en déplacement dans les Comores pour présider le sommet de la Commission de l'Océan, le trublion de Bercy en a profité pour appeler "à faire évoluer nos choix politiques". "Nous devons apporter des solutions alternatives", affirme-t-il, comme d'habitude, dans un nouvel entretien au Monde. Une attaque qui l'oppose aux propos tenus il y a un peu moins de dix jours par le président de la République et le premier ministre Manuel Valls qui ont refusé de changer de cap politique.
Le chef de l'État n'a pas tardé à répliquer. "Je souhaite que nous puissions convaincre nos partenaires européens de donner une priorité à la croissance. Tous ceux qui portent cette idée sont les bienvenus et c'est la position de tout le gouvernement", a-t-il déclarer, invitant ainsi Montebourg à la solidarité.
De son côté, Matignon n'y voit apparemment "rien de nouveau" à l'Est du PS... "La donne européenne est en train de changer. Le président de la République et le premier ministre agissent dans ce sens et le premier ministre attend du ministre [Arnaud Montebourg] un engagement total sur la croissance et le pouvoir d'achat", précise-t-on.
Après le chef de l'État, trois jours plus tôt, Arnaud Montebourg rappelle à l'ordre les dirigeants européens contre la récession - voire la déflation, mot tabou, comme l'austérité voilà plus d'un an - qui menace le continent. Il dénonce "la réduction à marche forcée des déficits" qui, selon l'ex-redresseur (im)productif, est une "aberration économique, car elle aggrave le chômage, une absurdité financière, car elle rend impossible le rétablissement des comptes publics, et un sinistre politique, car elle jette les Européens dans les bras des partis extrémistes".
Des reproches non déguisés à l'Europe entière, singulièrement à la chancelière allemande, Angela Merkel, à la Commission européenne et à la Banque centrale européenne: alors que la France a fait le choix de rechercher la croissance, ils ont fait leur priorité de la réduction des déficits, là où la France échoue, sans pour autant réussir à retrouver le fil de la croissance. Arnaud Montebourg, lui, sait ce qu'il faut faire, après plus de deux années aux deux gouvernements successifs, ajoutant: "Il faut donner la priorité à la sortie de crise et faire passer au second plan la réduction dogmatique des déficits". Dogmatique, vous avez dit "dogmatique", Nono ?
Dans ce but, le ministre parle aussi d'une "intensification des baisses d'impôts des classes moyennes et populaires", trois jours après que le chef de l'État a annoncé mercredi deux coups de pouce en faveur des salariés les plus modestes... "On a aidé les entreprises; il est urgent d'aider les ménages", ajoute le dogmatique ministre. Mais, si elle ne s'accompagne pas de baisses des dépenses publiques, cette mesure démagogique pourrait laisser filer encore les déficits. De quoi désespérer toujours plus Angela Merkel et la Commission européenne qui n'ont de cesse de rappeler à la France ses objectifs de réduction des déficits et ont refusé d'offrir à Paris un nouveau délai de grâce.
Montebourg appelle à "hausser le ton" face à Angela Merkel
Mais là encore le hiatus entre François Hollande et Arnaud Montebourg est manifeste. Là où le chef de l'État avait déclaré ne pas vouloir de "face à face" avec Berlin, le ministre de l'Économie appelle à l'affrontement, appelant à "hausser le ton". "Si nous devions nous aligner sur l'orthodoxie la plus extrémiste de la droite allemande, cela signifierait que, même quand les Français votent pour la gauche française, en vérité ils voteraient pour l'application du programme de la droite allemande", grince-t-il, inconscient de la perte quasi-totale de confiance des Français en son exécutif.
L'ex-ministre improductif du redressement n'hésite pas non plus à faire la leçon au président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. "La BCE doit changer de braquet et se mettre à faire ce que font toutes les banques centrales du monde, notamment des pays qui ont sur faire repartir la croissance, à savoir racheter de la dette publique", affirme-t-il. A l'inversee, la veille de la publication de l'entretien, "Super Mario" s'est dit "confiant" quant à l'efficacité de son action appelant même les gouvernements à faire plus.
Ainsi, le bras de fer avec l'Allemagne, la BCE et Bruxelles s'annonce musclé. "La mi-temps est toujours le moment de la revue tactique et stratégique", conclut-il en forme de clin d'œil à l'égard de François Hollande.
La France ne risque-t-elle pas de se mettre l'Europe entière à dos à force de jouer l'exception économique, donnant à tous des leçons d'économie politique, en dépit de son incapacité à se tirer du marasme où l'idéologie de gauche l'a plongée?
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