Le droit aux soins de la population sera-t-il sacrifié au profit des libertés des médecins?
L’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) a publié au mois de mai un bilan des différentes mesures adoptées en France afin d’améliorer la répartition géographique des médecins sur le territoire. Si la densité médicale se trouve aujourd’hui à son plus haut niveau historique, la répartition géographique et disciplinaire reste inégale sur l’ensemble du territoire.
Face à ce constat, les déséquilibres ont été souvent compensés par la modulation régionale du nombre d’étudiants en 2ème année de médecine. Ce sont les régions ayant les plus faibles densités médicales où cette modulation a été relevée le plus fortement, comme dans les régions Centre et Picardie à l’inverse de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Plus récemment, de nouvelles mesures ont été prises pour inciter à l’exercice dans les zones rurales et urbaines en difficulté. Au niveau national, ces mesures s’appuient par exemple sur des aides financières à l’installation et au maintien en exercice. Au niveau régional, ces mesures portent sur la formation et sur le soutien à certaines initiatives concernant les formes d’organisation de soins innovantes (médecine de groupe, délégation des tâches, télémédecine).
Or, les médecins s’opposent à tout aménagement en faveur de la santé publique et toute proposition devient une "mesure coercitive".
L'Ordre des médecins et la CSMF, premier syndicat de praticiens libéraux, ont exprimé, jeudi 13 septembre 2007 leur opposition à toute "mesure coercitive" pour remédier à la mauvaise répartition des médecins sur le territoire.
Mais la Cour des comptes se prononce, dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, en faveur d'"incitations négatives", par exemple des pénalités financières, en direction des praticiens qui s'installent dans des zones déjà surdotées en médecins comme les grandes villes ou le sud de la France.
Le président du Conseil national de l'Ordre des médecins, Michel Legmann, a plutôt plaidé en faveur de "vraies mesures incitatives"."Il faut aider (les jeunes médecins) à l'installation, il faudra trouver des mesures fiscales, il faudra faire des franchises, il y a toute une panoplie de mesures à prendre plutôt que de contraindre les gens", a-t-il jugé. Voir les ‘bonifications’ déjà accordées aux cheminots… La collectivité paie !
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a de son côté "rappelé son attachement aux mesures d'incitations" et d'ores et déjà prévenu qu'il "s'opposerait à tout système de sanction".La CSMF "invite le gouvernement à ranger aux oubliettes ce énième rapport qui fustige inutilement les médecins et n'apporte aucune réponse sensée ou pragmatique à la situation de l'assurance maladie". Qu’en pensent les patients ? Ceux des quartiers défavorisés, bien qu’on sache que la violence justifierait des ‘mesures d’incitation’, s’il ne valait pas mieux privilégier une sensibilisation au comportement citoyen, et des casseurs, et des médecins. Les pompiers ne s’exposent-ils pas encore à des risques intolérables, tandis que les professions libérales se replient dans les zones favorables ?
Voyons cette analyse concernant la région PACA (janvier 2000)
L'Ordre des médecins et le premier syndicat de praticiens libéraux, la CSMF, ont exprimé, jeudi, 13 septembre leur opposition à toute "mesure coercitive" pour remédier à la mauvaise répartition des médecins sur le territoire.
La connaissance de la répartition des médecins suivant le sexe est utile pour comprendre l'évolution de la démographie médicale. Des études ont montré [Niel et al. 2001] qu'il existe une différence des temps de travail entre les hommes et les femmes. Celles-ci travaillent 6 heures hebdomadaires de moins en moyenne. La féminisation contribue donc à faire baisser le temps de travail moyen estimé à 51 heures par semaine en 2000, quelque soit le type d'activité (libéral ou salarié, temps complet ou partiel).
La féminisation du corps médicale est en augmentation partout en France, (+20% de femmes médecins en France depuis1993). Dans la région PACA, elle est du même ordre, soit +18% depuis 1993.
On compte 6 241 femmes médecins en PACA (tableau 2), soit 33,7% des médecins installés, ce qui est proche de la proportion de femmes parmi les médecins en France (69 675 soit 35,9%).
On retrouve cette proportion en Languedoc-Roussillon (33,9%), elle est un peu supérieure en Ile de France et en Rhône-Alpes, avec respectivement 42,6% de femmes pour 46 558 médecins installés et 37,7% pour 18 197 médecins. La plus faible proportion de femmes se trouve en Corse, avec 28,9% de femmes pour 872 médecins installés.
Régions | Hommes | Femmes | |
Nombre | % | Nombre | |
Alpes de Haute Provence | 323 | 30 | 139 |
Hautes Alpes | 352 | 31 | 161 |
Alpes Maritimes | 2961 | 33 | 1438 |
Bouches du Rhône | 5394 | 37 | 3104 |
Var | 2112 | 29 | 853 |
Vaucluse | 1161 | 32 | 547 |
PACA | 12303 | 33,7 | 6241 |
FRANCE | 124325 | 35,9 | 69675 |
Tableau 2
Répartition entre hommes et femmes par départements.
En PACA, cette féminisation naturelle de la profession médicale est globalement similaire au reste de la France. Elle doit être prise en compte pour évaluer l'offre de soin. Celle-ci dépend aussi du vieillissement des médecins, puisque le temps moyen de travail [Niel et al. 2001] est inférieur de 1h41 chez les médecins de 55 ans ou plus, par rapport aux médecins de 46-54 ans (inférieur de 30 minutes par rapport aux médecins d'âges inférieurs à 45 ans).
En France, la population médicale vieillit. En effet, en 1993 l'âge moyen des médecins en France était de 43,3 ans et il est actuellement de 46,1 ans (figure 6). Ce vieillissement est commun à toutes les régions. En particulier, la population médicale de la région Alsace a vieilli plus vite en prenant 3,4 ans depuis 1993. La région Franche-Comté est celle qui a vieilli le moins vite (+2,2 ans depuis 1993). L'évolution de l'âge moyen des médecins de la région PACA se trouve dans la moyenne française (+2,7 ans depuis 1993), comme l'Ile de France. Cette augmentation de l'âge moyen laisse supposer que le renouvellement des médecins n'est pas totalement assuré par les promotions plus jeunes.
Actuellement cet âge moyen dans la région est de 46,2 ans, plaçant la région PACA en 4ème position derrière l'Ile de France (47,3 ans), la Corse (46,5 ans), et Midi Pyrénées (46,3 ans).
La région la plus jeune en moyenne est le Nord Pas de Calais (44,8 ans), mais son âge moyen a augmenté de 3 ans depuis 1993.
Figure 6
Evolution de l'âge moyen des médecins depuis 1993.
Ile de France
PACA
France
Comme partout en France, les spécialistes sont plus vieux que les généralistes, avec 46,9 ans en moyenne pour les spécialistes et 45,4 ans pour les généralistes (respectivement 46,9 ans et 45,2 en France).
En France, si l'on compare les évolutions des classes d'âges (figure 7), le vieillissement de la population médicale est encore plus évident.
En effet, l'effectif de la classe de 50 à 59 ans a plus que doublé en 10 ans, passant de 23 717 médecins en 1990 (soit 13,7% des médecins français) à 50 749 (soit 26,2%) en 2000, soit une augmentation de 114%.
Par contre depuis 1990, l'effectif de la classe de 30 à 39 ans a diminué de moitié (-43% de 1990), passant de 77 010 (soit 45% des médecins) à 44 248 en 2000 (soit 22,8%).
La classe de 40 à 49 ans a aussi augmenté, de près de 50%, laissant présager une aggravation du vieillissement de la population médicale dans les années futures.
Figure 7
Evolution des classes d'âges des médecins en France, depuis 1984.
Dans la région PACA, 4 981 médecins (soit 26,9% des médecins de la région ) ont entre 50 et 59 ans. Cette proportion est proche de celle de la France (26,2%). Les médecins de moins de 40 ans représentent 22% des médecins de la région (4 085 médecins), ce qui est inférieur à la proportion française qui représente 23,4% des médecins (soit 45 533 médecins de moins de 40 ans).
La répartition en PACA des médecins selon leur âge (tableau en annexe 7.5) est donc similaire aux valeurs nationales pour les classes les plus âgées, mais plus grande pour les classes 50-59 ans et 40-49 ans (figure 8). Par contre, elle est inférieure pour les classes les plus jeunes, laissant encore présager un vieillissement de la population médicale plus important dans la région PACA qu'au niveau national dans les années à venir.
Figure 8
Comparaison des répartitions en France et en PACA des médecins par classes d'âges
au 1er janvier 2000 (pourcentages et valeurs).
Le département des Bouches du Rhône possède le plus grand nombre de médecins de 50 ans ou plus avec 2 897 médecins soit 34,1% des médecins inscrits dans ce département. Cette proportion est au-dessus de la valeur nationale (33,1%). Les Alpes Maritimes sont dans le même cas avec 1 503 médecins de plus de 50 ans (34,2% des médecins inscrits dans le 06).
Dans la plupart des départements, la proportion des médecins de moins de 40 ans est inférieure à celle de la France (23,4%), sauf pour les Bouches du Rhône qui est dans la moyenne avec 2 035 médecins de moins de 40 ans (23,9% des médecins inscrits dans le 13).
Les répartitions observées au niveau départemental sont un reflet du niveau régional, sans grandes différences de proportions entre les départements. Par contre, dans les Alpes de Haute Provence et le Var, qui ont une densité médicale faible (respectivement 328 et 327 pour 100 000 habitants), la proportion de médecins de plus de 50 ans (respectivement 31% soit 143 médecins, et 34,2% soit 1 503 médecins) a un retentissement peut être plus important sur l'offre de soins que dans les départements mieux dotés.
Dans la région, il y a quelques différences de répartitions des classes d'âges entre spécialistes et généralistes. Comme nous l'avons déjà écrit, les premiers sont en moyenne un peu plus vieux (36,8% des spécialistes ont 50 ans ou plus soit 3 677 spécialistes, contre 30% des généralistes soit 2 528 généralistes)
Au niveau départemental, c'est dans les Alpes de Haute Provence que la proportion des spécialistes de 50 ans ou plus est la plus importante (82 spécialistes de 50 ans ou plus soit 43% des spécialistes du 04) (figures 9a et 9b) et c'est dans les Alpes Maritimes que la proportion de généralistes de 50 ans ou plus est la plus importante (591 généralistes soit 32% des généralistes du 06).
Figure 9a
Répartition en classes d'âges de généralistes, par département.
Figure 9b
Répartition en classes d'âges de spécialistes, par département.
Dans certaines disciplines, on observe des différences de classes d'âges plus marquées.
En effet plus de 42% des psychiatres de PACA (soit 551) ont 50 ans ou plus alors qu'en biologie ils ne représentent que 28,2% (soit 79) (figure 10). De plus, la proportion de psychiatres de moins de 40 ans est faible dans la région, avec 15,8% (206 psychiatres de moins de 40 ans).
Le renouvellement des psychiatres ne semble pas assuré dans les années à venir puisque le nombre de psychiatres de moins de 40 ans (206) est notablement inférieur à celui des psychiatres de 50 ans ou plus (551). C'est aussi le cas pour les spécialités médicales (2 004 spécialistes de 50 ans ou plus, contre 1 059 de moins de 40 ans), chirurgicales (877 contre 445 de moins de 40 ans), de santé publique et médecine du travail (166 contre 73 de moins de 40 ans).
Les généralistes sont dans le même cas, avec 2 528 généralistes de 50 ans ou plus contre 2 158 de moins de 40 ans.
Par contre la biologie compte 79 médecins de 50 ans ou plus, pour 144 de moins de 40 ans, laissant supposer un renouvellement satisfaisant, voire une croissance de l'effectif.
Figure 10
Répartition en classes d'âges en fonction de la discipline, en région PACA
Au niveau régional, ce sont les psychiatres qui seront les plus touchés par le vieillissement de leur effectif, et plus spécialement dans Alpes de Haute Provence, car ils sont déjà peu nombreux dans ce département, près la moitié de leur effectif ayant 50 ans ou plus (14 psychiatres). |
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