L'affaire des assistants parlementaires, pompes à fric du MoDem, soulève des interrogations
L'image vertueuse du parti centriste en a pris un coup et, à la veille des élections législatives, le mouvement du président devrait trinquer.
Le ministre Bayrou a appelé le directeur de la cellule investigations
de Radio France, Jacques Monin, révèle franceinfo.fr
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Un ancien collaborateur du Mouvement démocrate (MoDem) a révélé le pot aux roses en effectuant un signalement auprès de la justice, mercredi 7 juin, affirmant qu'il a été rémunéré comme assistant parlementaire auprès de l'ancien eurodéputé Jean-Luc Bennahmias sans pour autant avoir travaillé pour le compte de l'eurodéputé.
Le système de fraudes organisé par le MoDem implique une dizaine d'assistants parlementaires d'eurodéputés du parti présidé par François Bayrou, le ministre actuel de la Justice nommé par Macron...
Ils sont soupçonnés d'avoir en réalité travaillé uniquement pour le parti.
La pratique évoquée par ce témoin était-elle généralisée dans ce parti ? Une enquête de franceinfo avance qu'une dizaine de salariés du MoDem ont été payés, au moins partiellement, par des eurodéputés, sur fonds publics du Parlement européen, sans pour autant travailler effectivement pour les activités parlementaires de ces élus.
L'affaire est connue depuis en 2014 et la publication d'un livre "Les mains propres", écrit par l'eurodéputée Corinne Lepage, dans lequel l’ex-ministre de l’Environnement dénonçait le recours à des emplois fictifs d’assistants parlementaires au MoDem. Mais le Parquet de Paris a fermé les yeux pendant trois années. Le procureur dépendant du ministre de la ...Justice s'est finalement résolu à se pencher sur ce livre et à l'ouverture vendredi d'une enquête préliminaire des chefs d'abus de confiance et de recel.
De quoi s'agit-il ? Quels sont les élus MoDem mis en cause ?
"Sur la période 2009-2014, une dizaine de salariés du siège du parti étaient parallèlement collaborateurs des députés européens du MoDem", selon l'enquête. Ils étaient six eurodéputés MoDem (ADLE) en 2009.
Or, la réalité de cette seconde activité est contestée par plusieurs témoignages. Entre autres, celui d'un ancien salarié du MoDem, qui a témoigné mercredi 8 juin 2017 devant la justice. Embauché par le parti de François Bayrou, il a ensuite été partiellement détaché auprès de l'eurodéputé Jean-Luc Bennahmias, qui a pris en charge une partie de son salaire entre janvier et décembre 2011.
Or, selon son témoignage, cet emploi d'assistant parlementaire était fictif : il n'a jamais travaillé pour le compte du député européen Bennahamias (juillet 2004-juillet 2014) et membre du Conseil économique et social (1999-2004), puis à nouveau depuis 2015.
Sous couvert d'anonymat, plusieurs témoins ont confirmé à franceinfo un usage au MoDem : les députés européens devaient mettre au moins un collaborateur à disposition du parti, notamment en 2009, à une époque où François Bayrou préparait l’élection présidentielle de 2012. La plupart de ces salariés étaient employés sur la base de contrats à temps partiel, le parti payant en général l’autre salaire.
L'ancienne eurodéputée MoDem, Corinne Lepage avait dénoncé ces pratiques dans un livre publié dès 2014. "Je me souviens très bien qu’on m’avait demandé un assistant, et j’avais refusé en disant que c'était irrégulier", a-t-elle confié à franceinfo. Et l'ancienne ministre conclut : "Je pense que mes cinq collègues députés MoDem ont probablement acquiescé à la demande qui a été faite. Je sais que ce n'était pas nouveau puisque Jean-Marie Cavada m'a dit qu'en 2004, la même demande lui avait été faite et il avait émis le même refus que moi. Et j'ai cru entendre que ça existait aussi après (...) en 2014."
Dans la foulée de ces révélations, le parquet de Paris a ouvert, vendredi 9 juin, une enquête préliminaire des chefs d’abus de confiance et recel de ce délit. La justice cherche à "déterminer si des irrégularités ont été commises et si elles sont susceptibles de recevoir une qualification pénale".
Qui est mis en cause ?
Plusieurs personnalités sont mises en cause et notamment :
• Jean-Luc Bennahmias, député européen MoDem de 2004 à 2015. Il a pris en charge une partie du salaire d'un employé travaillant au siège du MoDem. Celui-ci affirme aujourd'hui à la justice que son travail pour l'eurodéputé était fictif.
• L'eurodéputée Nathalie Griesbeck. Elle a employé à mi-temps pendant cinq ans la standardiste du parti comme assistante parlementaire. Contactée par franceinfo, Nathalie Griesbeck assure qu’elle "avait besoin de quelqu’un pour lui prendre des contacts et gérer ses rendez-vous lorsqu’elle venait à Paris".
• L'eurodéputé du Sud-Ouest Robert Rochefort . Il avait recruté deux salariés du service communication du parti sous un statut d’assistant "local". Ces assistants sont censés aider le député dans sa circonscription (dans le Sud-Ouest donc). Or, d'après les informations de franceinfo, ils travaillaient à Paris.
• La ministre des Armées, Sylvie Goulard. Elle a eu comme assistant parlementaire, lorsqu'elle était eurodéputée, le responsable de la formation des élus au sein du MoDem.
• La ministre des Affaires européennes, Marielle de Sarnez. La candidate aux législatives dans la 11e circonscription à Paris, était déjà visée depuis le 30 mai par une enquête préliminaire pour l'emploi d'une de ses assistantes parlementaires, Philippine Laniesse. Elle avait assuré que cette dernière a fourni un "travail assidu" "en circonscription" avec des "rapports d'activités consultables". Elle a aussi employé la cheffe de cabinet François Bayrou, le président du MoDem, sa secrétaire particulière et une attachée de presse.
Que répond le MoDem ?
Selon le parti centriste, les assistants parlementaires remplissaient des tâches bien réelles pour les eurodéputés. Le MoDem dit, dans un communiqué diffusé jeudi soir, avoir "respecté toutes les règles" et "toutes les obligations d'un employeur", que tout est "parfaitement transparent", "normal et légal".
Jean-Luc Bennahmias se dit convaincu d'être resté dans la légalité. Vendredi 9 juin, sur franceinfo, l'ancien candidat à la primaire de gauche (il avait alors quitté les écologistes pour le MoDem) a réagi aux accusations de son ancien assistant parlementaire parlant d'emploi fictif. "Je peux affirmer qu'on a travaillé ensemble, a assuré Jean-Luc Bennhamias, élu en 2004 sur une liste présentée par le MoDem. Il s'occupait du site web du MoDem et il est est assez facile de voir que pendant les onze mois où je l'ai payé, à temps très partiel, il répercutait toutes les actions européennes que je faisais en tant que député européen et membre de la commission travail et emploi." 
Cette affaire peut-elle avoir un impact politique ?
Interrogé sur franceinfo vendredi, Nicolas Sauger, chargé de recherche au CEVIPOF depuis février 2004, après une thèse consacrée aux Scissions de l'UDF, veut croire qu'il est "peu probable qu'il y ait un impact extrêmement important dans les urnes". "On sait [tout à coup] que les Français sont un peu moins sensibles aux questions de financement politique qu'à celles qui sont assimilées à l'enrichissement personnel, explique-t-il, en fonction des personnes prises le doigt dans le pot de confiture. On est à deux jours des élections législatives et l'actualité est chargée. La centralité du sujet n'est pas forcément extrêmement importante pour tous les Français. (...) L'impact électoral devrait être limité," tient-il à minimiser.
D'autant plus que le MoDem s'est allié au nouveau parti d'Emmanuel Macron, La République en marche !, donné largement gagnant aux législatives, à en croire les derniers sondages. Le taux d'abstention semble en revanche devoir être si élevé que la légitimité de ses élus, pour la plupart néophytes et programmés pour être des godillots, pourrait être facilement contestable et contestée.
En revanche, estime le professeur acquis au MoDem, le parti en souffrance de Bayrou, qui compte actuellement trois ministres au gouvernement (François Bayrou à la Justice, Sylvie Goulard aux Armées et Marielle de Sarnez aux Affaires européennes), mais aucun député sortant ni rentrées d'argent, pourrait ne pas remporter tous les sièges gelés par le président Macron pour son vassal béarnais, ni conserver dans le prochain gouvernement tous les portefeuilles ministériels arrachés dans le premier.
Le président Emmanuel Macron, décidera alors "de conserver ou non les ministres mis en cause, prévoit ce proche du MoDem Devra alors se poser aussi la nature de la coalition mise en place avec le MoDem".
Invité d'Europe 1 ce vendredi, avant le premier tour des législatives, le premier ministre, Edouard Philippe, un juppéiste, a refusé de commenter cette affaire, défendant simplement le travail de François Bayrou sur la ...moralisation de la vie publique. "Je ne crois que sa position soit fragilisée", avait-il déclaré, a priori, alors que son ministre d'Etat est sous la menace d'une mise en examen.
Mr Propre a tenté de faire pression sur Radio France
Jacques Monin fait savoir qu'il a reçu un coup de téléphone du garde des Sceaux mercredi 7 juin dans l'après-midi, soit quelques heures avant la diffusion de l'enquête sur les antennes de Radio France et de franceinfo : "Il s'est plaint auprès de moi en expliquant que des journalistes de la direction de l'investigation auraient des méthodes inquisitrices, qu'ils jetteraient le soupçon sur des salariés du MoDem en les interrogeant de manière abusive. Il explique qu'il voit passer dans son bureau des salariés qui pleurent, et qu'il se doit de les protéger..."
Le garde des Sceaux ajoute qu'il étudie, avec ses avocats, la possibilité d'une qualification de harcèlement. Je lui réponds que le harcèlement, c'est une qualification pénale, donc que je peux interpréter son coup de fil comme une pression sur moi.(Jacques Monin, directeur de la cellule investigations de Radio Franceà France Inter)
Face aux accusations du ministre, Jacques Monin répond au chef de parti que "la description qu'il fait du comportement des journalistes de la cellule investigations ne correspond pas" à ce qu'il sait "de leur manière de travailler, et qu'en tout état de cause, il est hors de question de leur demander d'arrêter leur enquête".
Une enquête préliminaire visant principalement le parti de François Bayrou a été ouverte par le parquet de Paris, vendredi 9 juin, pour abus de confiance et recel d'abus de confiance.
Bayrou, 66 ans, en est resté à l'ORTF et la moralisation de la vie publique, entre ses mains, est en marche sur une mauvaise voie.
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