Ferrand, ministre ou agent immobilier ?
Le ministre de la Cohésion des territoires se serait enrichi en revendant un bien appartenant au ...PS
Pendant ses opérations immobilières, le député n'est pas dans l'hémicycle : il doit être en commission... |
Moins d'un mois après sa nomination au gouvernement et deux semaines après l'ouverture d'une enquête préliminaire à propos d'un premier montage immobilier dont il aurait fait bénéficié sa compagne, Richard Ferrand se retrouve de nouveau au cœur d'une affaire, toujours sur fond d'enrichissement personnel.
Cette fois, les faits sont récents, puisqu'ils remontent à septembre 2016, quand il faisait déjà campagne sur la moralisation de la vie publique.
Richard Ferrand était alors secrétaire général du mouvement En marche !. Selon les informations de Mediapart, le député socialiste du Finistère et actuel ministre de la Cohésion des territoires (comprendre "aménagement du territoire) aurait décidé de la revente à profit d'une partie de sa permanence parlementaire à la fédération PS du département : 40.000 euros pour 43m2. Soit 930 euros/m2.
Richard Ferrand aurait acheté ces locaux en octobre 2012, quatre mois à peine après son arrivée à l’Assemblée nationale. Plutôt que de louer une permanence parlementaire, le député breton aurait préféré acquérir "un rez-de-chaussée à Châteaulin, deuxième ville de sa circonscription, au prix de 115.000 euros pour 130 m2 environ", écrit le site d'investigation.
De l'argent public pour rembourser un bien privé ?
Sachant que les locataires du Palais Bourbon bénéficient de taux d'emprunt défiant toute concurrence, Ferrand est un exploiteur insatiable de la collectivité : certains diraient qu'il serait capable de vendre sa mère sur Le Bon Coin. Certes, le Sénat a mis fin au système d'aide avantageux en cas d'achat immobilier, mais les salariés de l'Assemblée l'ont maintenu. Les 1.250 fonctionnaires de l'Assemblée nationale ont conservé l'un de leurs précieux privilèges, les prêts immobiliers à taux préférentiel. Finis les prêts à 2%, mais bienvenu aux "avances remboursables "… Depuis 2013, les fonctionnaires ont droit à une avance sur salaire d'un montant maximal de 90.000 €, à rembourser sur dix ans, mais… sans intérêts! Un tour de passe passe à 32 millions d'euros, il y a quatre ans, sachant que la rémunération moyenne des fonctionnaires de l'Assemblée , toutes catégories confondues, s'élève à 7.700 euros bruts mensuels.
L'association 'Pour une démocratie directe' dénonce "l’enrichissement personnel" de certains parlementaires, grâce à leur indemnité de frais de mandat (IRFM), qui fait polémique depuis plusieurs mois.Un emprunt de 150.000 euros lui est alors accordé, pour financer également les travaux. Et Mediapart de s'interroger ? "Pour régler ses mensualités, le député Ferrand a-t-il utilisé des fonds publics, en l'occurrence son IRFM [son indemnité parlementaire pour frais de mandat] ?" Si c'est le cas, le ministre "aurait ainsi réussi une sacrée culbute : acquérir un bien immobilier avec l'aide de fonds publics, en conserver une partie à la fin de son mandat, en revendre une autre à des concurrents politiques".
En plus de leur "indemnité parlementaire" (soit leur salaire, d'un montant de 7.100 euros brut) et de leur "crédit affecté à la rémunération de collaborateurs" (pour payer les assistants, conseillers…), les députés perçoivent une "indemnité représentative de frais de mandat" (IRFM), à hauteur de 5.770 euros brut mensuels. Des dizaines de députés se sont ainsi servis de leur IRFM pour devenir propriétaires de leur permanence parlementaire, voire d'une résidence secondaire dans leur circonscription : un quart des députés en fonction (24,4%) sont propriétaires de leur permanence et un sixième (17,3%) ont acheté une résidence secondaire en circonscription avec l’argent de l’Assemblée nationale.
Des prêts immobiliers ont été accordés à certains députés sur le budget de l'Assemblée jusqu'en 2012. Or, certains prêts, dont l'attribution n'est plus autorisée aujourd'hui (Ferrand était placé pour le savoir) "courent jusqu'en 2020" . Le montant avancé de ces prêts en cours en 2015 était "entre 80 et 90 millions d'euros".
Enfin, l'utilisation opaque des permanences est favorisée par les règles floues prévoyant une stricte séparation entre locaux parlementaires et locaux associatifs ou politiques, pour éviter tout détournement de fonds publics.
En janvier 2015, franceinfo avait enquêté sur ces députés qui deviennent propriétaires grâce à leur indemnité de frais de mandat. Bien que légale, cette pratique pose une question d'encadrement et un problème éthique : l'élu acquiert avec de l'argent public un bien immobilier privé.
"J'utilisais l'IRFM quand je louais, mais pas quand j'ai acheté en 2004, expliquait à franceinfo Maurice Leroy, député UDI du Loir-et-Cher. Je sépare toujours vie privée-vie publique. A partir du moment où il y avait l'appartement avec le local de la permanence, je n'ai pas voulu utiliser mon indemnité de frais de mandat."
Une pratique réglementée depuis 2015
De son côté, Jean Lassalle,député MoDem (à l'époque) des Pyrénées-Atlantiques, admettait sans problème avoir utilisé son IRFM pour l'acquisition de sa permanence : "Au moment où je l’ai fait, ce n’était pas une question sensible comme aujourd’hui, je n’ai jamais eu l’impression de commettre une mauvaise action. C'était répandu." Mais Lassalle, 62 ans, est député depuis 2002, à la différence de Ferrand, depuis 2012: le premier soutien du président-banquier a donc été réactif sur ce coup immobilier. Le ministre de Macron avait acheté ces locaux en octobre 2012, quatre mois après son arrivée à l'Assemblée nationale.
La pratique a finalement été réglementée en février 2015, comme le précise Mediapart. "Aujourd'hui, les députés n’ont plus le droit d’employer l’IRFM pour une 'dépense afférente à une nouvelle acquisition de biens immobiliers'", écrit le site. Les députés peuvent en revanche continuer à rembourser un emprunt contracté avant février 2015, "contrairement aux sénateurs", ajoute le journal.
Richard Ferrand, qui ne peut invoquer cette fois le caractère privé de la transaction, n'a pas souhaité commenter, ni faire la leçon aux journalistes, les yeux dans les yeux. Comportement d'autant plus piquant et étonnamment méprisant si on sait que Ferrand a commencé sa vie professionnelle comme ...journaliste en collaborant à La Dépêche du Midi et au quotidien Le Monde ! Ce type a vraiment l'étoffe d'un Cahuzac.
Mais le timing de sortie de ce nouveau scandale, le jour où le garde des Sceaux - lui-même impliqué dans une affaire présumée illégale d'emploi de sa secrétaire particulière - présente sa "loi pour la confiance dans la vie publique", ne manque pas d'a propos...
Dans le premier montage financier révélé - au détriment des adhérents mutualistes de Mutuelles de Bretagne et au bénéfice de sa compagne - la justice a ouvert une enquête préliminaire, mais elle tarde à le mettre en examen : la justice de Bayrou attend-elle qu'il bénéficie de l'immunité parlementaire et que Macron renonce, pour son ministre favori, à l'application de la règle d'obligation à la démission qu'il a lui-même posée ?
En revanche, l'affaire Grégory ressort à grand bruit... et étouffe d'un coup l'affaire Bayrou, l'affaire Sarnez et les trois affaires Ferrand. Celui-ci est même toujours candidat REM à la législative dans un département qui semble vouloir lui conserver sa confiance: les Bretons du Finistère estiment qu'il vaut mieux être représenté par un député qui connaît la vie !
Oubliées, donc, les destructions d'emploi dans le Finistère pendant le quinquennat de Hollande avec Macron comme conseiller à l'l'Elysée ou ministre de l'Economie à Bercy?
Oubliés le blocage en 2013 de l’aéroport de Brest (Finistère) par 300 salariés de plusieurs entreprises menacées (volailler Doux - basé à Châteaulin, où Ferrand a réalisé cette deuxième opération immobilière révélée ce jour) - Tilly-Sabco (Finistère), Marine Harvest, les abattoirs porcins de l'entreprise GAD, notamment à Lampaul-Guimiliau, dans ...le Finistère), et les manifestations à Brest, à Morlaix et Paris ?
Sans avoir jamais exercé dans le milieu agricole ou agro-alimentaire, Ferrand était co-président du groupe d'études Industries agroalimentaires et filière agricole à l'Assemblée nationale...
Au sujet des portiques électroniques autoroutiers, le député Ferrand s'alignait sur les forces régionales dominantes. Comment prétendre en effet conserver son siège si on ne prend pas le parti des manifestants, même violents, dont les six Bretons, poursuivis pour avoir détruit en août 2013 un portique écotaxe à Guiclan (Finistère) et condamnés avec sursis par la cour d'Appel de Rennes à verser solidairement plus de 520.000 euros à l'État qui réclamait 1,3 millions.
Selon les chiffres totalisés du Télégramme, ce sont plus de 11.000 personnes qui ont encore manifesté en Bretagne le 1er mai dernier.
De quel côté le ministre va-t-il pencher, celui de Macron ou des électeurs bretons ? Dans sa circonscriptions, ils semblent croire en sa parole et à son éthique politique et personnelle...
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