Le Conseil d'État veut brider Canal+, selon l'AFP
Le tribunal administratif a annulé l'autorisation de rachat de Direct 8 et Direct Star à Canal+ par l'Autorité de la concurrence
En 2011 et 2013, l'Autorité de la concurrence a remis en cause cette fusion: le groupe Canal+ n'a pas respecté ses engagements |
Les juges ont estimé lundi que le groupe acquiert trop de droits de rediffusion des films français récents en clair.
Cette décision ne prendra effet qu'au 1er juillet 2014 pour que, d'ici là, l'Autorité de concurrence puisse réexaminer l'opération et imposer à Canal+ des contraintes supplémentaires, a expliqué le Conseil.
Le Conseil d'Etat n'annule pas le rachat en 2012 des deux chaînes Direct 8 et Direct Star par Canal+ auprès du groupe Bolloré en 2012.
Saisie par les rivaux de Canal+, TF1 et M6, la plus haute juridiction administrative a aussi partiellement annulé l'agrément du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur cette opération. En 2011, Bolloré, qui détenait Direct 8 et Direct Star, avait en effet conclu un accord pour en apporter 60% à Vivendi, maison-mère de Canal+. En 2012, l'Autorité de la concurrence et le CSA avaient donné leur accord.
L'Autorité de la concurrence a commis "une erreur d'appréciation", estime le Conseil d'Etat.
Elle a en effet accepté que Canal+ s'engage à ne pas acheter les droits de diffusion de plus de 20 films français par an, à la fois pour la chaîne cryptée (payante) sur Canal+ et en clair, sur ses nouvelles chaînes gratuites de la TNT, rebaptisées D8 et D17.
Dénonciation d'un conflit d'intérêts
La manigance aurait pu passer inaperçue, avec la complicité des media, mais pour le Conseil, cet engagement sur 20 films maximum ne suffit pas à éviter un monopole de Canal+ sur les droits de rediffusion des films français récents en clair, sachant que la chaîne (co-)produit des films et négocie les droits en même temps, ce qui lui donne une emprise considérable, explique le Conseil.
A titre d'exemple de main mise du groupe sur l'industrie du cinéma, Canal+ est maîtresse d'oeuvre du Festival de Cannes. Sans pudeur, le JDD s'était esbaudi sur les scores d'audience de la cérémonie de clôture 2013, les meilleurs depuis 2006.
Une consolation pour la chaîne après le dérapage dimanche soir sur Twitter, à propos de la Palme d'Or attribuée aux deux rôles principaux de La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche qui remporte la Palme d’or, mais se fait recaler -hors des frontières- à la sélection aux Oscar...
Cette palme pourrait d'ailleurs interpeler également le Conseil d'Etat sur la position dominante de la société Pathé et la dynastie Seydoux...
Non seulement Canal+ peut remporter les droits exclusifs -en payant et en clair- pour 20 films, mais pour les autres, la chaîne, compte tenu de son rôle dans le financement de la plupart des films français, peut souvent remporter aussi les droits de diffusion en clair pour les 2ème et 3ème passages télé. Il ne reste aux chaînes rivales que les droits du 1er passage télé.
Ce point particulier des 2ème et 3ème fenêtres de diffusion n'avait pas été couvert par les demandes de l'Autorité de la concurrence en 2012.
Une autre question serait celle de l'exclusivité des droits de retransmissions accordée à France Télévisions: en soutien d'un service public pléthorique en déficit, plutôt que de faire la chasse au gaspi ?
Le Conseil d'Etat a aussi constaté un vice de forme
La décision de l'Autorité de concurrence aurait dû être adoptée par une formation collégiale et non par son seul président, Bruno Lasserre. Cet ex-président du groupe de travail du Commissariat général au Plan sur " l'Etat et les nouvelles technologies de l'information " (1999-2001) est ...conseiller d'Etat !
C'est encore ce Bruno, énarque et grand manitou du monde des media, de l'Internet et des télécoms, qui a rendu en mars dernier un avis sur les conditions d'entrée de Free sur le marché des mobiles. Le gouvernement socialo-écolo lui avait confié le soin de donner son accord avis sur l'accord d'itinérance qui a permis à Free d'utiliser le réseau d'Orange. Une décision (collective?) de l'Autorité de la concurrence prévoit que dès 2016, l'opérateur sera privé du réseau d'Orange dans les zones denses.
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