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mercredi 22 janvier 2020

Municipales: la circulaire scélérate de Castaner

Elle fait bondir les démocrates, de droite comme de gauche

La circulaire signée de l'ex-socialiste macronisé impose aux préfets d'attribuer une "nuance politique" aux listes des municipales

Résultat de recherche d'images pour "nuancier politique"Les représentants du gouvernement devront étiqueter les listes des communes de 9.000 habitants et plus et des chefs-lieux d’arrondissement aux prochaines municipales. Pour toutes les oppositions confondues, cette réglementation vise à favoriser la République en marche et à "maquiller" les résultats.

Les 11 pages de cette circulaire déclenchent un flot de protestations. Diffusée le 10 décembre et signée de la main du ministre de l'Intérieur, elle oblige les préfets à classer les candidats et leur liste par couleur politique et de manière discrétionnaire.
Pour la première fois, ce "nuancier politique" sera réservé aux communes de 9.000 habitants et plus, appelés à parrainer les prochains candidats à la présidentielle, ainsi qu'aux chefs-lieux d’arrondissement. 

Pour l'opposition, de la gauche à l'extrême droite, cette nouvelle règle fausse le jeu démocratique puisqu'elle encagoule les candidats des 33.869 communes de moins de 9.000 habitants, soit 96% des communes françaises et environ la moitié du corps électoral. Au point que LR comme RN ont décidé de déposer un recours devant le Conseil d'Etat, la formation d'extrême droite attaquant la circulaire pour excès de pouvoir. 

Quelle est l'intention cachée de ce "nuançage" imposé ?

Le cabinet de Christophe Castaner explique que ce classement a pour visée une analyse statistique. Ce "nuançage permet, d’une part, de présenter les résultats des élections de manière intelligible pour les citoyens, par grands blocs politiques, de l’extrême gauche à l'extrême droite, et d’autre part, de suivre l'évolution du paysage politique français sur de longues tendances." "Le travail d’attribution des nuances constitue une étape primordiale du travail de prévision et d’analyse électorale", raconte elle-même la circulaire, rendue publique.

La couleur politique des candidats et des listes est rendue publique seulement "au moment de la publication des résultats par le ministère de l’intérieur. Le nuançage n’a donc pas d’impact sur le vote des électeurs", assure le pouvoir. En somme, il ne s'agirait que d'un instrument d’analyse politique a posteriori pour le ministère de l’Intérieur, mais il permettrait également au grand public de visualiser la couleur politique du pays. 

La circulaire demande pourtant à chaque candidat aux municipales de déclarer son étiquette politique lorsqu'il s'enregistre. Il est également libre de ne pas en donner et de s'enregistrer comme "sans étiquette", comme par le passé. Et "l'administration est tenue de reprendre à l'identique l'étiquette choisie", précise le ministère de l'Intérieur.

Mais, en parallèle, les préfectures les classent par couleur politique. Cette "nuance" politique "doit procéder d’un faisceau d’indices objectifs : soutiens apportés à un candidat, déclarations officielles, appartenance politique, autres mandats électifs, etc.", détaille la circulaire envoyée aux préfets. Elle "est attribuée de manière discrétionnaire par vos services, à partir des grilles annexées à la présente circulaire. Il est tout à fait possible qu’elle soit différente de l’étiquette librement déclarée par le candidat."

Concrètement, Christophe Castaner propose 24 nuances numérisables "qui correspondent aux principales familles politiques", 1 pour l’extrême gauche, 7 pour la gauche - dont FI pour France Insoumise, VEC pour Europe Ecologie-les Verts ou encore GEN pour Génération.s -, 6 pour le centre – comme REM pour la République en Marche ou AGR pour Agir -, 2 nuances pour la droite et 3 pour l’extrême droite – qui intègrent dorénavant Debout le France (DLF). 
Enfin, 5 nuances sont réservées aux "courants politiques divers", tel que les animalistes (ANM), les régionalistes (REG) ou encore les Gilets Jaunes (GJ).

Il n'existe donc plus de catégorie "sans étiquette" ou "non inscrit", comme c'était déjà le cas auparavant, mais certains élus peuvent être classés dans la nuance DIV, pour divers, sans précision. Christophe Castaner martèle pour sa défense que cette option doit être limitée aux élus qui ne sont "rattachables à aucune sensibilité politique précise", autrement dit qui défendent des "opinions inclassables, catégorielles, apolitiques ou fantaisistes. Vous l’attribuerez avec discernement pour éviter qu’une multiplication de candidats classés DIV ne se traduise par une hausse inconsidérée des voix et des pourcentages de cette nuance qui serait susceptible d’altérer en partie le sens politique du scrutin en sous-estimant les principaux courants politiques."

En quoi ces règles du jeu clarifient-elles la situation ?
Les différentes nuances sont plus nombreuses que dans l'ancien système qui ne comptait "que" 17 catégories. Surtout, ces nuances ne concernent plus que les candidats des communes de plus de 9.000 habitants, ainsi que les chefs-lieux d’arrondissement. Les petites communes ne seront donc plus prises en compte dans les analyses statistiques, même lorsque les candidats y seront investis par un parti. Auparavant, ce nuançage était appliqué pour toutes les communes de plus de 1.000 habitants, seuil à partir duquel s'applique le scrutin de liste - en deçà, les candidats peuvent se présenter seuls.

Ce fichage a été mis en place par décret en 2001, selon la volonté de Jospin. 
A l'époque, les scrutins de liste n'existaient que dans les communes de plus de 3.500 habitants et les préfets enregistraient donc dans le fichier gouvernemental les "nuances" des candidats des communes françaises de plus de 3.500.

Résultat de recherche d'images pour "Vanik Berberian et Macron"
En 2013, de nombreuses voix se sont élevées pour s'opposer à l'extension de ce fichage, lorsque le seuil du scrutin de liste a été abaissé (de 3.500 à 1.000 habitants). Bien souvent, les candidats des petites communes sont en effet sans étiquette et ne souhaitent aucunement être affublé d'une quelconque couleur politique. L'Association des Maires Ruraux de France, présidée par Vanik Berberian, flatté ci-contre, rappelle qu'elle avait alerté le ministère de l'Intérieur sur "l’attribution et la divulgation d’étiquettes politiques imposées discrétionnairement par l’administration, ne correspondant aucunement à la réalité non partisane de listes 'sans étiquette' politique."

De nombreux élus ont tenté depuis de revenir à l'ancien système. Dès 2014, et la première application de cette nouvelle règle aux municipales, la question faisait débat au Parlement. "L’attribution par le préfet d’une nuance politique a été faite, dans certains cas, selon des critères discutables, voire subjectifs, se plaignait Yannick Vaugrenard, sénateur PS. La grille de nuances politiques de la préfecture compte dix-sept appellations. Elle dresse la liste des partis politiques qui définissent chaque nuance, mais ne comporte pas de catégorie 'sans étiquette' ou 'non inscrit', poursuivait l'élu de Loire Atlantique. Nous savons que, dans les petites communes rurales, les candidats ont parfois de grosses difficultés à constituer une liste ; c’est une réalité. Afficher une couleur politique peut, au bout du compte, les empêcher de mener à bien leur projet. Beaucoup mettent en avant des candidatures fondées sur une ambition locale, loin, il est vrai, des clivages traditionnels, et refusent de se voir classés à gauche, à droite ou au centre." 
La circulaire Castaner n'est donc pas faite non plus pour encourager les maires-sortants à se représenter, alors qu'on sait que 50% d'entre eux ne le souhaitent pas.

Plus récemment, en octobre dernier, lors de l’examen du projet de loi Engagement et proximité, les sénateurs ont adopté un amendement, pour interdire le nuançage d’office dans les communes de moins de 3.500 habitants. En novembre, c'était au tour du député LR des Ardennes, Jean-Luc Warsmann, de déposer une "proposition de loi visant à interdire le nuançage d’office pour les élus des communes de moins de 3.500 habitants".

C'est finalement le seuil de 9.000 habitants qui a été choisi par le gouvernement. "Lors des élections municipales de mars 2014, près de 82% des listes avaient été nuancées 'divers', 'divers gauche' ou 'divers droite' dans les communes de moins de 9 000 habitants, limitant l'utilité du nuançage au regard des objectifs précités", justifie le cabinet de Christophe Castaner, dont la ville de Forcalquier (04) comporte 5.000 individus.

Les élus des petites communes renâclent; les oppositions grondent.
Sans surprise, l'association des maires ruraux de France se frotte les mains. "Nous nous en félicitons s’agissant des villages et des communes rurales, dont la vie politique relève d’une pratique bien différente et peu comparable aux enjeux partisans des villes", a-t-elle déclaré, mais l'AMRF qui réunit les élus des communes de moins de 3.500 habitants souhaiterait aller plus loin : "l’AMRF poursuit sa démarche et propose que la case 'sans étiquette politique' figure sur le formulaire administratif, parmi les choix de 'nuançage' possible", indique-t-elle.

Un avis que les communes rurales ne partagent pas toutes. Pour beaucoup de représentants politiques de l'opposition, exclure la moitié du corps électoral de ce comptage fausse le jeu. 

Christian Jacob, le président des Républicains (LR), pointe une magouille. 
Il dénonce le fait que "le gouvernement tente de dissimuler l’absence totale d’ancrage local de LREM et leur défaite prochaine aux municipales", dénonce  au Figaro, où il qualifie la réforme de "scandale démocratique".
Et, dans les colonnes du Monde, le député LR Olivier Marleix renchérit de son côté : "le gouvernement présentera des résultats tronqués". "La France rurale va disparaître des radars, c’est totalement sidérant."

Au Parti socialiste, l'annonce ne satisfait personne.
"C’est une médiocre manœuvre politique, a réagi André Laignel, premier vice-président de l’Association des maires de France. C’est vrai que La République en marche risque d’avoir des résultats qui ne sont pas vraiment brillants aux élections municipales et ils essaient tout simplement de les masquer. Ce n’est pas très fair-play, ni très sérieux."

La République en marche devrait y gagner.
En ne prenant en compte que les grandes villes, l'objectif de LREM et ses alliés est de gonfler les scores de la République en Marche dans les données du ministère de l'Intérieur. Prenez le cas des Européennes. La chaîne de télévision publique France 2 - alors que les radios du service public sont aujourd'hui en grève depuis plusieurs mois - s'est laissé aller à comparer les résultats nationaux et ceux se limitant aux communes de plus de 9.000 habitants. En mai dernier, le Rassemblement National est arrivé en tête avec 23,3% des suffrages contre 22,4% pour le parti présidentiel. Mais, en occultant les résultats des petites villes et des villages, c'est le parti du gouvernement qui pointe en tête (24,2%), avec 5 points d'avance sur le parti de Marine Le Pen (19,4%).

L'opposition accuse également le parti présidentiel de vouloir s'arroger des candidats, sans leur accord. 
Que se passera-t-il par conséquent lorsqu'un élu sera soutenu par plusieurs partis ? "Lorsqu’un candidat, notamment tête de liste, bénéficie de l’investiture de plusieurs partis politiques, la nuance qui lui est attribuée est fonction de la nuance la plus proche de son étiquette déclarée (!), a prévu la circulaire. Par exemple, un candidat investi à la fois par le MoDem et la République en Marche et se déclarant MoDem se verra attribuer la nuance MDM", (soit Modem).

Mais les choses peuvent se compliquer. La nuance DVC, divers centre, sera attribuée à des listes d'union avec l’investiture conjointe de plusieurs partis dont LREM ou le Modem. Mais elle "a également vocation à être attribuée aux listes de candidats qui, sans être officiellement investies par LaREM ou le MoDem, ni par l’UDI, seront soutenues par ces mouvements".
Un cochon n'y retrouverait pas ses petits.


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