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mardi 14 janvier 2020

Travail des seniors, un paradoxe de la réforme Macron des retraites

Les bras cassés de la réformite n'arrivent pas à penser à tout

Avec l’allongement de l’espérance de vie et la réforme Macron des retraites, les Français vont devoir travailler - et cotiser - plus longtemps pour équilibrer le système sur la durée. 


Or, les fondamentaux de la réforme en cours viennent en contradiction du fait que les aînés sont souvent les premières victimes du chômage, notamment suite aux plans de restructuration ( comme actuellement à Auchan, après Carrefour) et ne se voient plus proposer d'emploi.

Jusqu’en 2008, un salarié de 49 ans occupait un poste de cadre supérieur dans une entreprise américaine des télécoms quand la crise financière internationale frappa la France. Et la filiale française supprimé 5 % de ses postes. "Je suis parti dans le cadre d’un plan de départ forcé, se souvient-il. Les anciens sont toujours ceux que l’on pousse en premier vers la sortie." Ils coûtent cher à l'entreprise et seraient moins dynamiques. A presque 50 ans et bien que la carrière idéale promise à chacun soit aujourd'hui faite de reconversions - jusqu'à trois ! - , pour la première fois de sa carrière, l’ingénieur informatique se retrouvait alors au chômage. Et à charge, c'est-à-dire qu'il coûtaît à la société, sans donc rapporter à sa caisse de retraite, ni pouvoir contribuer solidairement au financement des retraites de ses aînés. 
Qualifié, entreprenant, il pouvait faire valoir ses compétences acquises, mais les directeurs de ressources humaines et managers lui opposaient son âge, sans le dire : "Mon âge n’a jamais été frontalement abordé, explique-t-il. Pour moi, c’est la seule raison qui puisse expliquer que ma candidature n’était pas retenue."

Macron continue d'ignorer la situation paradoxale créée par sa réforme au regard de l’emploi des seniors 

En France, les seniors sont, par chance, moins au chômage que les autres groupes d'âge (4,4 %) et plus de neuf sur dix (93 %) actifs de leur catégorie sont en CDI, beaucoup plus que la moyenne de la population (84 %). Entre 2008 et 2018, la population active âgée de 50 à 64 ans a augmenté de près de 1,9 million de personnes. Cela représente une hausse de 11 points de leur taux d’activité.

Mais si les seniors n’ont jamais autant travaillé, lorsqu’ils se retrouvent au chômage, ils enchaînent les contrats courts, précaires et sont les premiers à être concernés par le chômage de longue durée. Selon l’Insee, en 2018, 58 % des chômeurs de 50 ans ou plus sont toujours à la recherche d’un emploi après un an d’inactivité, contre 24 % des jeunes actifs, première catégorie de la population au chômage.

Les seniors sont en difficulté de reprise d'un emploi bien avant 57 ans

La réforme Macron ne prend pas en compte la spécificité française.
"Avec l’allongement de l’espérance de vie et la réflexion autour de la refonte du système des retraites, nous avons tous conscience que nous allons devoir travailler plus longtemps", se convainc Gilles de Labarre, président de l’association 'Solidarités nouvelles face au chômage' (SNC), organisateur d'un colloque sur le sujet. "Mais encore faudrait-il que ce soit possible."

"C’est un problème très français, souligne-t-il. En Allemagne, dans les pays scandinaves et asiatiques, l’emploi des seniors est préservé, voire valorisé. Les employeurs considèrent qu’ils apportent de l’expérience, du recul. Contrairement à la France, personne ne s’étonne de collaborer avec des travailleurs même très âgés." Macron n'a retenu que ce dernier aspect !

D’après l’OCDE, le taux d’emploi des 55-64 ans s’établit à 53 % en France, contre près de 60 % en moyenne dans l’Union européenne, 72 % en Allemagne ou encore 78 % en Suède. A partir de 60 ans, le décrochage est encore plus net : en 2018, le taux d’emploi des 60-64 ans est de 30 % en France, contre plus de 42 % en moyenne dans l’UE.

Un tiers des salariés français estiment subir une forme de discrimination au travail liée à l’âge. Les seniors français se sentent plus souvent mis à l’écart et stigmatisés que les autres travailleurs. Selon l’étude ADP The Workforce View in Europe, plus d’un tiers des salariés français estiment avoir subi une forme de discrimination au travail liée à l’âge. Macron osera-t-il affirmer que sa réforme vise à lutter contre cette discrimination ?

Passé un certain âge, le salarié est vécu comme un coût, un poids… "Aux yeux des chefs d’entreprise, les plus de 50 ans sont plus souvent sujets aux soucis de santé, moins adaptables, moins investis", assure Bruno Ducoudré, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Tout expert qu'il puisse être, il n'envisage pas le gain pour l'entreprise à échanger un senior au top de sa rémunération par un débutant au bas de l'échelle salariale. "Les patrons sont donc plus frileux lorsqu’il s’agit d’investir sur ce type de profil. Ils n’ont pas vraiment de perspectives d’évolution," insiste l'économiste en adéquation avec les théories du moment.

La France prend le sujet à l'envers, pointant un manque d’accompagnement des seniors en recherche d’emploi, quand il faudrait adapter ses horaires.
Les seniors manquent moins d’accompagnement lorsqu'ils sont en recherche d’emploi que de valorisation de leurs compétences lorsqu'ils sont en activité. Si on prend le cas, d'une femme de 55 ans, ancienne directrice dynamique et hyperconnectée de la logistique et de la communication d’une école d’ingénieurs, au chômage depuis un an, qui souhaite utiliser son compte personnel de formation (CPF) dans le but d’améliorer son profil, déclare: "J’ai littéralement harcelé Pôle emploi pour connaître les démarches à suivre. Depuis le 9 mai, j’attends toujours que la personne chargée de mon dossier m’appelle". C'est un problème, mais qui occulte les raisons profondes qui ont fait qu'elle est au chômage en dépit de ses qualifications augmentées de compétences acquises sur le terrain. "Jusqu’à 30 ans vous n’avez pas assez d’expérience et à partir de 40 ans vous êtes trop âgé…", regrette-t-elle. Vous êtes d'abord sous-payé, avant de devenir vite trop cher. On peut baisser les bras face à cet état d'esprit entretenu par le pouvoir et sa presse assise, relais des éléments de langage officiels. Aujourd'hui, ils sont déclarés trop nombreux et d'autant plus coûteux. Solution, l'euthanasie ?

En décembre 2020, arrivés en fin de droits, nos quinquas percevront alors le revenu de solidarité active (RSA), sans pouvoir continuer à cotiser des points retraite. Avant le 1er janvier 2012, le chômeur aurait pu bénéficier d’une dispense de recherche d’emploi (DRE), dont bénéficient les demandeurs d’emploi âgés de 57 ans et plus. Mais ce dispositif, créé en 1984, a été supprimé le 1er janvier 2012 pour ne plus écarter les "seniors" du marché du travail. Il fallait à tout prix maintenir l’employabilité.

Pour améliorer l’employabilité des seniors, on proposa un "index des seniors"... L’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) calqua cet index sur le modèle de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. "Pour encourager l’évolution des pratiques au sein des entreprises, ne faut-il pas introduire une dose de discrimination positive en faveur des seniors ?" interroge Benoît Serre, le vice-président délégué de l’ANDRH. A cette époque la parité également faisait déjà rage...

La population vieillit, les salariés aussi

"A 55 ans, il n’est pas rare d’aider financièrement ses parents en fin de vie et ses enfants étudiants, souligne B. Serre. A nos yeux, il s’agit d’une cause nationale. Si l’on n’agit pas rapidement, des drames humains vont survenir". Aussi, l’ANDRH préconisa de doubler le CPF [compte personnel de formation] à partir de 55 ans, et de former les DRH à l’accompagnement des salariés de plus de 50 ans

Agés à 50 ans, mais croulants à 64 ans, âge pivot ?
Accompagner les salariés pendant 14 ans, d'un petit boulot à un autre, "en traversant la rue" ?
Tous s’accordent - et cet unanimisme fait peur - sur le fait (est-ce un "fait"?) que l’employeur - encore lui - doit avoir le souci d’accompagner les salariés en continuant à les former et en proposant d’aménager les postes pour ceux qui exercent des tâches pénibles ou (même seulement) physiques, tout en sauvegardant sa compétitivité et l'emploi. 
"La retraite progressive pourrait être une bonne solution", estima, à l'époque, Jean-Paul Domergue, responsable du plaidoyer au SNC. "Mais cette disposition, qui consiste à percevoir une partie de sa retraite tout en exerçant une activité à temps partiel, a très peu de succès parce que les procédures sont trop lourdes et longues." L'index des seniors ne règle pas tout ?

De son côté, alors encore haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, préconisa de rénover complètement le cumul emploi retraite afin de cotiser toujours plus pour acquérir des droits supplémentaires - qui n'étaient pas jusqu'ici nécessaires - à l’occasion d’une reprise d’activité d’un senior, même limitée. Ce qui suppose d'abord une reprise d'activité, quitte à multiplier les emplois précaires... 

On avait créé une mission sur l’emploi des seniors...
Conscient que l’amélioration du taux d’emploi des seniors est une pièce essentielle dans la réussite de réforme des retraites, le gouvernement a créé une mission sur "l’emploi des seniors et le passage de l’activité à la retraite": c'était en septembre dernier, il y a seulement trois mois, après deux ans et demi, dit-il, de discussions. Il l'a confiée à une mère de quatre enfants, membre du conseil d'administration du groupe L'Oréal, Sophie Bellon, 58 ans, mais à l'abri du chômage: elle est présidente du conseil d’administration du groupe de services Sodexo, entreprise fondée par son papa où elle milite en faveur d’une meilleure représentation des femmes, et à deux autres personnalités du privé.

"Même si la perception des seniors en entreprise ne va pas changer dans un claquement de doigts, il y a, ces derniers temps, une prise de conscience des chefs d’entreprise qu’il faudra bien faire avec, observe Benoît Serre, de l’ANDRH. La population française vieillit, autant prendre des dispositions dès à présent."

Près du tiers des retraités ne savent pas qu'il leur incombe de liquider l’intégralité de leur pension
Soit une petite partie de leur pension, voire rien du tout, ce que sait le service des statistiques des ministères sociaux (Drees). Cela entraîne pour ces personnes un manque à gagner d’environ 40 € brut par mois en moyenne. Mais un plus pour l'Etat républicains solidaire.
Depuis mi-2017, les salariés du privé, les salariés agricoles et les indépendants nés à partir de 1953 et ayant cotisé à plusieurs régimes (Cnav, MSA, RSI) bénéficient désormais d’un conseiller et d’une pension uniques lors de leur départ à la retraite, ce qui devrait permettre de réduire ce phénomène de non-recours.


La réforme prévoit de repousser à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite. Or, la moitié des Français ne travaille déjà plus arrivée à 62 ans. 

Seuls 56 % des 55-64 ans français occupent un emploi, selon les chiffres d’Eurostat. Et la situation se dégrade encore ensuite puisque les 60-64 ans ne sont que 33,5 % à continuer à travailler. Pourtant, le projet de réforme du gouvernement (désormais qualifié d'avant-projet) prévoit de repousser l’âge de départ à la retraite en instaurant un âge pivot à 64 ans, requalifié en "âge d'équilibre". 

Un paradoxe qui semble avoir finalement émergé dans les esprits ténébreux des ministres du Travail et de la Santé, Muriel Pénicaud et Agnès Buzyn, affublée de l'emploi fictif de secrétaire d'Etat aux retraites, Laurent Pietraszewski, potiche posée auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et des partenaires sociaux, mardi 7 janvier, lors d’un nouveau round de concertations sur le projet controversé que Macron et Philippe se disent déterminés à faire passer en force, fusse par ordonnances. Jusqu’ici, le gouvernement d’Edouard Philippe s'entêtait en effet dans la fermeté sur la mise en place d’un âge pivot à 64 ans : l’âge de départ légal à la retraite serait toujours fixé à 62 ans, mais les Français seraient pénalisés d'un malus en cas de départ précoce et donc incités à partir plus tard : à la place de la décote sur leur pension appliquée à ceux qui partiraient à la retraite entre 62 ans et 64 ans, une surcote, ou carotte, serait appliquée pour ceux  qui pourraient prolonger leur activité après 64 ans. 

Tous les syndicats sont opposés à une telle mesure, y compris la CFDT, pourtant favorable au principe du passage à une retraite universelle à points. Son secrétaire général, Laurent Berger, en a d’ailleurs fait sa "ligne rouge" depuis le début des concertations. "Cette proposition d’âge pivot est incompréhensible et est une nouvelle illustration de la méconnaissance du terrain d’un certain nombre de décideurs au sein de ce gouvernement et de cette majorité", regrette la sénatrice socialiste Monique Lubin, co-auteure, avec le sénateur Les Républicains René-Paul Savary, d’un rapport d’information sur l’emploi des seniors publié fin septembre. "Aujourd’hui, tous les spécialistes disent la même chose [tous ensemble ont-ils davantage raison?] : les problèmes liés à l’emploi arrivent dès l’âge de 50 ans", ajoute-t-elle. Qui pourra jouer les prolongations pendant 14 ans et plus ?

Il est quasi-impossible de retrouver un emploi après 50 ans," ont notamment démontré Monique Lubin et René-Paul Savary.
Passé cet âge, un salarié perdant son emploi a toutes les chances [!] de devenir chômeur de longue durée. "En 2018, 37,8 % des demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus l’étaient depuis plus de deux ans, contre 22,3 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi", est-il écrit, rappelons-le, dans leur rapport.

Quant à ceux qui occupent un emploi passé 50 ans, il devient de plus en plus difficile de le conserver, soit en raison de problèmes de santé (troubles musculo-squelettiques, maladie, etc.), soit parce qu’ils sont poussés vers la sortie car considérés par leurs employeurs comme "ringards", "moins vendeurs" ou trop ridés, explique la sénatrice socialiste, qui dénonce "la culture du jeunisme" dans de nombreuses entreprises françaises. Les enseignants sont-ils, croyez-vous, épargnés par les familles et leurs enfants?

L’association 'Solidarités nouvelles face au chômage' (SNC) a décrit, on l'a dit et on le répète, dans son rapport 2019 sur l’emploi et le chômage, les critiques dont sont victimes les seniors. "Pour les employeurs, l’âge de la séniorité s’atteint à 50 ans, voire même dès 45 ans, et est associé à de nombreux stéréotypes, souligne le rapport. L’âge serait ainsi synonyme de ‘difficultés à être managé ou à intégrer une équipe plus jeune’, de ‘résistance au changement’ ou encore d’une ‘faible capacité d’adaptation aux nouvelles technologies’ notamment." En outre, il est également reproché aux seniors leurs prétentions salariales trop élevées.

"Le gouvernement va plonger des gens dans la précarité"
"Il y a un vrai problème lié à l’âge dans ce pays, insiste Monique Lubin. Entre les métiers où on estime qu’il faut quelqu’un de jeune, beau, fringant et les emplois qui sont physiquement difficiles, rien n’a été pensé en France pour préparer la seconde partie de carrière à partir de 45 ans."

Le gouvernement affirme tout-à-coup avoir conscience du problème. Il rappelle qu’une mission a été confiée - officiellement, en septembre dernier, et pratiquement ? - à trois personnalités du privé – Sophie Bellon, cf. ci-dessus; Jean-Manuel Soussan, directeur des ressources humaines du groupe Bouygues Construction ; Olivier Mériaux, ancien directeur général adjoint de l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT).

"Ça montre vraiment que le gouvernement n’a pas idée de ce qu’il veut faire, j’ai du mal à comprendre." Leur rapport sera identique au nôtre, d’autant qu’ils ont voulu nous auditionner, souligne la sénatrice socialiste. 

En attendant, les conséquences du maintien de la mise en place  - même provisoire - d’un âge pivot à 64 ans sont, elles, bien connues : retarder de deux années le départ à la retraite créera d’un côté des économies pour les comptes de l’Etat, mais prolongera de l’autre le chômage ou le versement du RSA par les collectivités territoriales. "Le gouvernement va plonger des gens, qui ont eu le plus souvent une carrière longue et pénible, dans la précarité, estime Monique Lubin. D’autant que l’espérance de vie d’un ouvrier est en moyenne 7 ans inférieure à celle d’un cadre. C’est humainement insupportable." Mais, "en même temps", un cadre (ingénieur qui ne compte pas ses heures) a débuté plus tard dans la vie professionnelle et devra envisager d'aller, si possible, jusqu'à 67 ans. Il va falloir l'accompagner d'une auxiliaire de vie !

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