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mercredi 15 janvier 2020

Démission collective de 1.000 médecins hospitaliers 

Ce millier de médecins hospitaliers adopte-t-il la bonne méthode ?
Le Pr. Michael Peyromaure, chef de service à l’hôpital Cochin de Paris, soutient les revendications de ses collègues mais conteste la méthode.




A la suite d’un appel national, dans une lettre à la ministre de la santé, d'abord 15 médecins du centre hospitalier du Mans ont annoncé leur intention de démissionner de leur fonction administrative, un acte fort pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail et le manque de moyens.

Le plan "Ma santé 2022" annoncé par le gouvernement le 20 novembre dernier n'a pas convaincu les professionnels de santé. Ce plan prévoyait notamment de "restaurer l'équilibre financier des hôpitaux" (3,3 milliards d’euros par an) avec une promesse : "privilégier la qualité des soins plutôt que les logiques comptables, replacer le patient au cœur des soins et réorganiser la médecine de ville de manière à mieux l’articuler avec l’hôpital." 

Le professeur Michael Peyromaure conteste le protocole suivi par ses collègues.
Des quelque 1.000 médecins hospitaliers, dont quelque 600 chefs de service, collectivement démissionnaires de leurs fonctions administratives, il dit : "Je les comprends, je les soutiens, je partage le constat de la dégradation de l’hôpital public. Simplement, je trouve que la méthode utilisée n’est pas la bonne. Malgré toute la solidarité que je leur dois, sur ce coup-là ils ont tort", estime mardi sur Europe 1 le jeune chef de service en urologie à l’hôpital Cochin de Paris, élève du Pr Bernard Debré, qui rendit public dans l'entre-deux tours son vote pour Macron. Il est ainsi de ceux qui font dire que l'ex-conseiller et ministre de Hollande a été élu par défaut. 

"Ce n’est techniquement pas tenable", mais la réforme Macron l'est-elle humainement ?

"Ce n’est techniquement pas tenable de démissionner des tâches administratives, parce qu’on ne peut pas aussi facilement dissocier les soins quotidiens de l’administration, soutient l'urologue En plus, ça risque d’être totalement contre-productif et d’aggraver la situation dans les services", poursuit Michael Peyromaure, qui cite plusieurs exemples pour illustrer son propos.
"A Cochin, à Paris, on fait le recensement des équipements, notamment en chirurgie. Les équipes médicales demandent le matériel nécessaire pour fonctionner, et font remonter leurs besoins à l’administration. Il n’est pas possible de ne pas faire cette tâche, sinon les médecins n’auront plus d’équipements."

"Les médecins n’arrivent pas à franchir le cap de la désobéissance".
Le professeur suggère des alternatives à la démission pour protester. "Il y a deux actions qui pourraient avoir un impact : la grève des soins, à laquelle on se refuse évidemment, et la grève du codage, qui consiste à ne pas retranscrire les codes des actes qu’on fait à l’hôpital, et qui assèche les finances de l’administration", explique-t-il. Comme si cet assèchement permettait un bon fonctionnement des services, notamment en chirurgie, et de meilleurs soins aux patients...

"400 services, dont le mien, ont entamé cette grève du codage, mais comme ça ne prend pas d’ampleur, ça reste marginal, admet-il. Dans leur ensemble, les médecins sont de bons élèves et sont habitués à faire ce que l’administration leur demande. Donc, ils n’arrivent pas à franchir ce cap de la désobéissance."

"Des décennies d’incurie," l'argument tarte à la crème rance

Surprise ! Michael Peyromaure n'est pas cohérent : il s'abstient d’accabler l’actuelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, tout en reprochant au gouvernement dans lequel elle s'incruste de refuser d’entamer une réforme en profondeur du système de santé. "Agnès Buzyn hérite de décennies d’incurie de gestion de l’hôpital public [Mais en connaissance de cause, puisqu'elle est issue du milieu]Mais elle ne veut pas réformer véritablement le système, c’est-à-dire changer la gouvernance, rééquilibrer le pouvoir entre l’administration et les médecins. On pourrait par exemple, comme dans d’autres pays, faire des départements autonomes, avec leur propre budget", note-t-il. Que fait-elle donc encore à ce poste, si elle ne veut pas réformer alors que son gouvernement se veut réformiste ?

Il faudrait augmenter le temps de travail des agents hospitaliers, qu’il juge "très bas," estime le très macronien chef de service à l’hôpital Cochin. Et leurs annuités ?
"Il faudrait aussi revoir les rémunérations, et le temps de travail. Le temps de travail des agents hospitaliers est très bas, à 35 heures à l’hôpital et 32 heures la nuit. Si on revenait aux 39 heures, ça comblerait beaucoup de lacunes dans les services. Je suis tout à fait d’accord pour dire que les salaires des infirmiers sont bas, mais on pourrait aussi revoir les grilles et les statuts."

"L’hôpital public va se dégrader, je ne suis pas très optimiste," avoue-t-il, "en même temps".
Les préconisations de Michael Peyromaure manifeste un certain pessimisme sur l’avenir de l’hôpital public. "L’hôpital public va se dégrader, je ne suis pas très optimiste sur son devenir. A mon avis, dans les cinq ans à venir, il y aura une déliquescence continuelle. Je ne vois pas comment, sans réforme globale du système de santé, on pourra dégager les marges suffisantes pour revaloriser les salaires et remettre du personnel. Ça me semble impossible. Ce n’est pas une fatalité, mais il faudrait un gouvernement courageux qui réforme de fond en comble le système. Et ce n’est pas le cas."

Lors de la g
rève des urgences, cet urologue dénonçait une "gouvernance très autoritaire qui n'écoute plus le terrain"

Les soignants sont "bien obligés d'être en arrêt de travail" pour se faire entendre d'une direction qui "régit les soins sur des tableaux Excel," estimait  ce chef de service urologie à l'hôpital Cochin.

Des soignants en grève à Paris, le 6 juin 2019.

"Les soignants sont infantilisés" et "ne peuvent plus faire leur métier correctement", affirme mardi 11 juin sur franceinfo le professeur Michaël Peyromaure, alors que tous les personnels des hôpitaux étaient encore appelés à faire grève pour protester contre les baisses de moyens. Après trois mois de protestation dans les services d'urgences, le mouvement s'étendait donc, notamment à cause d'une "gouvernance très autoritaire qui n'écoute plus le terrain", selon Michaël Peyromaure.

franceinfo : Est-ce que vous soutenez les grévistes, y compris quand ils utilisent des modes d'action controversés, comme poser des arrêts maladie en série ?
Michaël Peyromaure : Oui, je les soutiens à 100%. Il faut comprendre que les soignants ont été plongés dans un malaise - cela n'est pas nouveau, cela date déjà d'une dizaine d'années - qui s'est accentué ces derniers temps. Ils ne peuvent tout simplement plus faire leur métier correctement. Même si je sais que ce n'est pas très conforme, il faut reconnaître que la technique habituelle de grève - celle que j'ai connue depuis dix ou vingt ans, qui consiste à mettre un brassard "en grève" mais à travailler quand même au service des patients - n'a plus aucune efficacité. Les malheureux sont donc bien obligés d'être en arrêt de travail, mais à mon avis ils le font à contrecœur.

Le gouvernement a-t-il sous-estimé les motifs de grogne à l'hôpital ?
Oui. Ça fait pourtant longtemps qu'il y a des alertes un peu partout dans les médias. Les soignants sont malheureux. Cela fait quelques années que les médecins, les infirmières et les aides-soignants - tout ce petit monde qui vivait heureux à l'hôpital il y a encore dix ou vingt ans - est devenu malheureux. Ils n'arrivent plus à assurer correctement leur travail et n'ont pas cessé de le dire ces derniers mois. Pourtant, ils n'ont pas été entendus donc je crois que la coupe est pleine.

Est-ce qu'aujourd'hui la France a un hôpital à deux vitesses, avec d'un côté des services comme le vôtre, en pointe, et de l'autre des urgences qui n'arrivent plus à accueillir dignement les patients ? [nouvelle question qui appelle une réponse positive...]
Oui. Les urgences cristallisent évidemment toutes les tensions, puisque c'est l'interface entre l'extérieur et l'intérieur de l'hôpital. Il y a un accroissement de la demande de soins et une réduction des moyens pour y répondre. Les urgences sont un peu un fourre-tout. Vous avez des patients qui viennent pour des vraies urgences, des patients qui viennent à tort pour des pathologies bénignes mais qui, faute de trouver un médecin ailleurs, doivent se rendre aux urgences, des personnes âgées dont la famille parfois se débarrasse avant de partir en vacances parce qu'elle ne sait pas comment s'en occuper, des gens en situation de grande précarité sociale... [le système de retraites à points que veut imposer Macron combat-il l'individualisme que les gouvernements ont développé ?] Tout ce beau monde va converger vers les urgences qui est le seul endroit [une cour des miracles]où la lumière est allumée.

Sentez-vous aussi à l'hôpital Cochin les effets des différentes mesures d'économies décidées ces dernières années ? [idem]
Bien sûr ! C'est le cas dans tous les hôpitaux, pas seulement dans les établissements périphériques. Nous vivons la même chose au cœur de Paris. Nous avons des réductions drastiques de lits et de salles d'opération, des suppressions de personnel et aussi une gouvernance très autoritaire qui n'écoute plus le terrain. Il y a un phénomène quantitatif, qui est celui de la réduction des budgets, mais il y a aussi un phénomène qualitatif, qui est celui de l'organisation et de la gestion de l'hôpital. Les soignants ont été très infantilisés ces dernières années. Ils ne sont plus écoutés par des gens qui dirigent l'hôpital et qui régissent les soins sur des tableaux Excel. Cela crée beaucoup de frustration aussi.

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