Le gouvernement fait porter au patron de la SNCF le chapeau du conflit
L'avenir du président de la SNCF paraît menacé à la tête de l'entreprise publique
Le premier ministre et le secrétaire d'État aux Transports ont rappelé à l'ordre Guillaume Pepy qui dit souhaiter la suspension de la grève, au nom des Français la "solidarité" avec les Français.
Patron de la SNCF depuis février 2008, Guillaume Pepy est sur la liste noire des patrons de grandes entreprises vilipendés par le gouvernement socialiste. Le secrétaire d'État aux Transports, Alain Vidalies, n'a pas manqué de rappeler ce vendredi matin au dirigeant que la compagnie ferroviaire est détenue à 100% par l'État. "C'est le ministre (des Transports) qui porte la responsabilité. C'est le gouvernement qui décide", a-t-il déclaré sur RTL, tandis qu'une source anonyme proche du dossier conteste le droit "du gouvernement de prendre la main sur des négociations sociales".
Mais le prix de la vexation revient sans doute à Manuel Valls
Avec son sens brutal de la communication, le premier ministre a encore attaqué le problème à la hussarde, en rappelant qui est le patron dans un état post-stalinien: "Il ne peut y avoir de problème avec le gouvernement et M. Pepy parce que M. Pepy ne peut pas avoir de problème avec le gouvernement", a lancé le Catalan dans un entretien aux quotidiens régionaux du groupe Ebra, ex-groupe Est Républicain (Le Progrès, L'Est républicain, Le Dauphiné libéré, Le Journal de Saône-et-Loire, propriété du Crédit mutuel - qui détient le CIC et des participations majoritaires dans la "bancassurance", tel Cofidis ou Monabanq- et la téléphonie mobile, tel NRJ mobile - et de la famille Lignac avec Les Dernières Nouvelles d'Alsace).
Et le secrétaire d'État aux Transports d'enfoncer le clou: "Il n'y a pas de possibilité de désaccord entre Guillaume Pepy et le gouvernement".
VOIR et ENTENDRE Vidalies se défendre de toute accusation de comportement "soviétique" de la CGT et mettre au pas G. Pépy :
Ce conflit oppose les conceptions politique et entrepreneuriale d'une sortie de crise sociale.
Là où la direction de la SNCF estime indispensables des économies pour améliorer la compétitivité de l'entreprise face à ses concurrents, le gouvernement a décidé de céder aux syndicats sur l'organisation du temps de travail pour apaiser le climat social. "Diriger la SNCF est loin d'être une sinécure à cause des incohérences stratégiques de l'État qui demande tout et son contraire. L'État a beau jeu d'avoir laissé Guillaume Pepy gérer seul les crises et de le critiquer aujourd'hui. L'État stratège est en lambeaux. C'est à l'entreprise de mener les négociations sociales", estime Gilles Dansart, directeur de la publication Mobilettre, media numérique qui s’intéresse aux transports et à la mobilité.
"Le divorce entre Guillaume Pepy et le gouvernement n'est pas loin"
Alors que se profile l'ultime réunion de négociation lundi sur la nouvelle version du projet de loi Travail, le président de la SNCF a déclaré vendredi 3 juin qu'il souhaite la suspension de la grève au sein de l'entreprise publique, au nom de la "solidarité" avec les Français qui subissent le cumul des blocages syndicaux des inondations provoquées par les crues de rivières dans plusieurs régions.
Évoquant les "conséquences catastrophiques" des inondations sur le réseau ferroviaire, en particulier en Ile-de-France, des dégâts qui se compteront, selon lui, en dizaines de millions d'euros, Guillaume Pepy, interrogé sur une éventuelle démission en raison de divergences avec le gouvernement, a répondu: "je suis à mon poste avec les équipes, et à fond".
Pourtant, l'avenir de l'ancien directeur de cabinet de Martine Aubry à la tête de la SNCF semble à la croisée des chemins.
"Le divorce entre Guillaume Pepy et le gouvernement n'est pas loin, juge Gilles Dansart. Mais le gouvernement aura-t-il la force de le démissionner?" Selon ce spécialiste du transport ferroviaire, les deux parties ont leur part de responsabilité: "L'État, pour ne pas avoir pris en considération les alertes sur le système ferroviaire après les accidents ou sur la performance opérationnelle de la SNCF qui repose notamment sur la modification des conditions sociales et de l'organisation interne de l'entreprise. Mais aussi Guillaume Pepy, dont la responsabilité managériale est engagée sur plusieurs faiblesses industrielles et notamment la croissance des coûts, alors qu'il avait annoncé 1,5 milliard d'économies". On voit toutefois que l'exécutif socialiste n'aide pas le patron de la SNCF à atteindre ses objectifs.
VOIR et ENTENDRE le point dressé par Europe 1, le 31 mai:
"Tous nos voisins ont réformé en profondeur. En France, non," note Pépy
Des priorités qui ne manquent pas de susciter les inquiétudes de cheminots sur leurs acquis. Dans une pétition signée comme un seul homme par un peu moins de 2.000 personnes en trois jours, les fonctionnaires de l'entreprise publique lancent un appel au gouvernement, rappelant que "Tous nos voisins ont réformé en profondeur. En France, non." A qui la faute !
Paradoxalement, ceux-là mêmes qui,depuis l'après-guerre, n'ont cessé de lutter pour le maintien de leurs privilèges, grève après blocage du réseau et prises des usagers en otages après blocage, déplorent aujourd'hui que "Nos concurrents ont déjà des coûts salariaux inférieurs de 20% aux nôtres" ! Or, ce projet d'accord collectif ramènerait cet écart à 9%.
Mais les experts sont clairs: au-delà de 6%, ce n'est pas viable. Aujourd'hui, nos coûts continuent d'augmenter, de près de 3% par an. Parmi eux, plus de 60% sont constitués de masse salariale".
Sans les syndicats dominants, le groupe aurait déjà pu réaliser ces économies
pour alléger une dette devenue colossale.
pour alléger une dette devenue colossale.
Depuis la fin des années 1990, elle est passée d'un peu moins de 30 milliards à un peu plus de 50 milliards (dont 42,2 milliards pour SNCF Réseau). Ce qui a provoqué le départ brutal du patron de SNCF Réseau Jacques Rapoport lequel a refusé de cautionner la fuite en avant du rail français sous l'impulsion des syndicats d'extrême gauche.
Selon l'ancien directeur financier de la RATP, la SNCF devrait investir un milliard d'euros par an pour moderniser le système ferroviaire. D'où la détermination et l'exigence de Guillaume Pepy de voir l'État prendre à sa charge une partie de la dette de la compagnie.
Si un accord entre les deux parties n'est pas trouvé, du fait des pressions des syndicats, la dette publique - enjeu électoral majeur - ne sera certes pas augmentée , mais la SNCF ne sera pas relancée. "Cette solution de court terme va achever d'emporter la fin de la grève. Mais elle ne va pas tout changer. Une loi sur la réforme ferroviaire et la refonte du système social sont indispensables", maintient Gilles Dansart.
L'Etat-PS aura fait passer le train à voile et à vapeur du mariage entre personnes du même sexe, mais l'exécutif socialiste aura laissé à quai le TGV de l'entreprise nationale.
Les reculs gouvernementaux dans les négociations à la SNCF ont fait monter la tension entre l'État et Pepy, lequel, qui s'estime désavoué, n'exclut pas désormais de démissionner.
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