Macron a-t-il toute sa tĂȘte ?
Macron dénonce la décision de Philippe de refuser aux députés 24h de réflexion avant le vote de ses mesures de déconfinement
Les Républicains a réclamé un délai de 24 heures avant le vote, le pouvoir refuse.
Mardi 28, le premier ministre prĂ©sentera les grandes lignes du plan de dĂ©confinement Ă lâAssemblĂ©e et, dans la foulĂ©e, il sera suivi et d'un dĂ©bat Ă 75 autorisĂ©s dans l'hĂ©micycle et dâun vote Ă©lectronique immĂ©diat.
"Ăa a lâair dâĂȘtre de la dĂ©mocratie, câest seulement de la brutalitĂ©. Personne ne sait oĂč on va et on nous impose un simulacre de dĂ©mocratie Ă lâAssemblĂ©e nationale." Jean-Luc MĂ©lenchon nâest pas le seul dĂ©putĂ© Ă sâindigner de la façon expĂ©ditive dont est organisĂ© le vote sur la sortie du confinement. Alors que Damien Abad avait demandĂ© un report du vote au lendemain mercredi ou au jeudi pour disposer d'un minimum de temps de rĂ©flexion, lâAssemblĂ©e nationale devra se prononcer mardi en fin d'aprĂšs-midi, immĂ©diatement aprĂšs la prĂ©sentation du plan de dĂ©confinement par le premier ministre Edouard Philippe et le dĂ©bat qui sâensuivra, dans un hĂ©micycle en partie vidĂ© de ses dĂ©putĂ©s en raison des mesures sanitaires.
Les Républicains ont déploré le rejet de ce "temps de réflexion": "Cette accélération du calendrier est un déni de démocratie", dénonce le président du groupe des députés LR, Damien Abad. "Nous demandons 24 heures de plus pour un travail de fond en commission et la consultation de nos collÚgues qui ne pourront siéger." LR devrait donc logiquement refuser de soutenir de leur vote des mesures dont ils ne peuvent évaluer la portée, mais rien n'est moins sûr.
Le temps médical n'est pas le temps politique. Si les sommités du "Conseil scientifique" exigent le respect des protocoles stricts que ses "savants" ont édictés et des délais permettant tests et analyses, bien que les risques soient équivalents, foin, en revanche, des délais et analyses en matiÚre législative !
Pour Marine Le Pen (RN), "les conditions du vote de mardi, Ă la suite immĂ©diate dâun discours dont on ne sait rien, sans une loi nous permettant dâamender, sont un artifice du gouvernement pour tenter de nous faire partager sa responsabilitĂ© dans le fiasco de la gestion de cette crise sanitaire".
Au Parti socialiste, Olivier Faure a demandĂ© que le vote attende la prĂ©sentation de lâensemble du plan de dĂ©confinement, une condition pour "voter en connaissance de cause".
La contestation a aussi gagné les rangs de La République en Marche.
"Comment le lĂ©gislateur peut-il se prononcer en sĂ©rĂ©nitĂ© sur un "plan de dĂ©confinement ?", a ainsi interrogĂ© la dĂ©putĂ©e Martine Wonner, ce mĂ©decin soulignant quâil ne le dĂ©couvrira que quelques minutes avant le vote", dans une lettre au prĂ©sident de lâAssemblĂ©e Richard Ferrand.
Durant la pandĂ©mie de Covid-19, elle a fait partie des Ă©lus Ă l'initiative du collectif "âLaissons-les prescrire", ainsi que d'une pĂ©tition qui demande l'assouplissement des conditions pour recourir Ă l'hydroxychloroquine, et dit [s'interroger] sur la confiance Ă apporter au gouvernement sur cette gestion de crise. Au vu du nombre de pĂ©titions et tribunes qu'elle a dĂ©jĂ signĂ©s, elle devrait refuser son vote Ă Macron, mais on s'attend Ă une abstention de la vellĂ©itaire et de ses copines dĂ©putĂ©es du "Collectif social-dĂ©mocrate".
Le dĂ©putĂ© AurĂ©lien TachĂ©, ex-apparatchik socialiste, mais LREM, sâest lui aussi dit favorable Ă un dĂ©lai de 24 heures.
Malgré les protestations de tous bords, l'Edouard a dit "NIET" !
Une fin de non-recevoir méprisante qui ouvre la voie à un vote à l'aveugle sur ce que sa présentation a bien voulu dire de son plan de déconfinement, a-t-on appris ce lundi de sources parlementaires troubles. Un blanc-seing que devraient lui accorder les fantoches en godillots de la majorité présidentielle.
Le premier ministre est attendu sur six thĂšmes prioritaires : "la santĂ© (masques, tests, isolement, qui manquent toujours cruellement au grand public, aprĂšs sept semaines de confinement rĂ©glementĂ©âŠ), lâĂ©cole, le travail, les commerces, les transports et les rassemblements".
Le prĂ©sident de lâAssemblĂ©e Richard Ferrand a tentĂ© de justifier ce refus dâun report.
Selon lui, prĂ©senter son plan devant lâAssemblĂ©e est une marque de considĂ©ration du Parlement, a rapportĂ© un participant. "En mĂȘme temps", n'est-ce pas une marque de son mĂ©pris des Français, ces "illettrĂ©s" qu'ils ne cessent d'humilier en assurant qu'ils ne comprennent rien et ne saurait mĂȘme pas placer un masque ?
Vers un vote séparé pour ou contre le traçage ?
Ce vote du plan Philippe Ă©tait initialement prĂ©vu le 5 mai, tandis que le mardi 28 avril devait ĂȘtre consacrĂ© Ă un vote sur lâapplication de traçage StopCovid, qui doit permettre de retrouver les contacts des porteurs du coronavirus.
Câest dâailleurs un sujet polĂ©mique secondaire qui a Ă©tĂ© gonflĂ© artificiellement dans la presse pour dissimuler les dissensions entre Matignon et l'ElysĂ©e : il a provoquĂ© des remous jusque dans la majoritĂ© des bĂ©ni-oui-oui et sa dilution dans la question du dĂ©confinement est perçue comme une manĆuvre politique. "Un vote unique sur le plan dĂ©confinement - et donc sans possibilitĂ© de se prononcer sur le traçage numĂ©rique en tant que tel - et avec un nombre aussi rĂ©duit de dĂ©putĂ©s, ne correspond pas, au regard des enjeux, Ă un niveau de dĂ©mocratie parlementaire suffisant", a ainsi estimĂ© dans un tweet AurĂ©lien TachĂ©.
Une position partagĂ©e par Damien Adad, qui rĂ©clame deux votes, lâun sur le tracking, lâautre sur le dĂ©confinement.
Macron met la charrue avant les boeufs : on vote et aprĂšs on discute !
Il restera une marge de manĆuvre, une fois la prĂ©sentation mardi de 'lâarchitecture gĂ©nĂ©rale", pour adapter le plan de dĂ©confinement, une fois le vote assurĂ©, racontent les truands. "Le sujet reviendra devant le Parlement Ă lâoccasion dâun projet de loi, prĂ©sentĂ© dans un trĂšs proche avenir, autorisant la prolongation de lâĂ©tat dâurgence sanitaire, qui contiendra aussi les dispositions dâordre lĂ©gislatif indispensables Ă la mise en Ćuvre du plan de dĂ©confinement", a prĂ©cisĂ© Ă ses troupes le patron des dĂ©putĂ©s LREM Gilles Le Gendre.
Alors que la presse fait état de conflits entre le président et son collaborateur, Macron a fustigé ceux qui "tentent de diviser" !
Macron a démenti toute dissension avec son factotum rebelle.
Ce mardi lors du conseil des ministres, à quelques heures d'un vote à risques, il s'en est pris à ceux qui "tentent de diviser" l'exécutif.
"L'ensemble de l'exécutif est pleinement aligné dans cette crise," a assuré le chef de guerre, suggérant que l'ensemble de ses troupes a le petit doigt à la couture du pantalon.
Vu la gravité du moment, il s'est fait menaçant.
"Je n'aurai aucune complaisance [est-il susceptible d'en avoir ?] Ă l'Ă©gard de ceux [et celles] qui [il a des noms?] par des bruits et des rumeurs [quelle est la nuance ?] tentent de diviser le gouvernement et singuliĂšrement le premier ministre et le prĂ©sident de la RĂ©publique", aurait dĂ©clarĂ© le danseur de tango, selon des propos rapportĂ©s par un participant anonyme au Conseil des ministres. Plusieurs sources [plusieurs mais anonymes !] font Ă©tat de divergences entre les deux tĂȘtes de la majoritĂ© sur les conditions de ce vote prĂ©cipitĂ© Ă l'AssemblĂ©e.
Autre bruit ou rumeur : Macron aurait bien voulu accéder à la demande des oppositions de décaler le vote de 24h.
Mais on apprend que Macron n'est plus aux commandes et que son premier ministre lui aurait dictĂ© la dĂ©cision: le grand NicodĂšme pelĂ© aurait finalement imposĂ© sa volontĂ©. Selon Le Point et L'Express, Macron aurait Ă©tĂ© contraint d'appeler lui-mĂȘme des journalistes pour dĂ©fendre son point de vue divergent: et se plaindre d'ĂȘtre dĂ©possĂ©dĂ© de ses prĂ©rogatives? Des bruits de couloirs dignes d'Alexandre Benalla: savonner la planche de son premier ministre Ă la veille d'un discours crucial est-il la rĂ©action appropriĂ©e d'un Jupiter, si l'Edouard est devenu calife Ă la place du calife ?
Pas de remaniement avant septembre, selon l'Elysée
Bafoué par l'Edouard, Macron garde son Philou ?
L'Elysée dément "catégoriquement" la "fake news" balancée par les deux réseaux sociaux hebdomadaires. Ils ne partiront pas ensemble en vacances: dommage collatéral du Covid-19 !
"Il n'y a pas eu d'appels avec des journalistes et pas d'expression de doutes vis-Ă -vis du premier ministre, assure un proche conseiller du prĂ©sident (encagoulĂ©, mais digne de foi). Cette histoire de vote Ă reporter ou pas est par ailleurs sans intĂ©rĂȘt. Il s'agit d'une dĂ©claration du premier ministre. Ce n'est pas de la compĂ©tence de la prĂ©sidence".
Un quidam, membre du cabinet élyséen, poursuit le délire.
"Emmanuel Macron s'est construit en installant une saine distance avec les journalistes. Il voulait marquer la rupture avec la présidence de François Hollande." Hollande nous avait habitué à des énormités mais nous atteignons cette fois le fond.
A l'Elysée, les complotistes évoquent un travail d'"officines, qui veulent créer une théorie [?] du grand déplacement remaniement", sans préciser lesquelles et pour le compte de qui elles travailleraient.
Le déconfinement va s'étaler jusqu'au 1er septembre, précise-t-on à l'Elysée.
L'Ă©tat d'urgence sanitaire pourrait ĂȘtre prolongĂ© jusqu'au 24 juillet". Mais vu que, dans la rhĂ©torique Ă©lysĂ©enne, le futur proche reste le temps prĂ©fĂ©rĂ© du "maĂźtre des horloges", l'Ă©tĂ© 2020 risque d'ĂȘtre noir.
Alors faire un remaniement avant la rentrée aurait-il du sens, alors que le déconfinement n'est pas terminé ? Voilà en tout cas qui donne une indication sur la suite : le projet de "concorde nationale", entendez d "'union nationale", vanté par Emmanuel Macron attendra au moins la rentrée de septembre.
Pourvu qu'à la rentrée les Français sachent enfin placer des masques, s'ils arrivent...