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dimanche 9 septembre 2018

Les juppéistes se mordent la queue sur la question des européennes

Ils veulent se distinguer du courant Wauquiez, mais se mangent le foie entre eux 

Les juppéistes n'acceptent toujours pas d'être minoritaires

Les perdants se croient supérieurs mais ne parviennent pas à s'entendre
Juppé (au centre) a posé à Bordeaux avec les représentants de la droite dite sociale.
Il s'affiche ici avec Jean-Pierre Raffarin
(à droite), ainsi que Maël de Calan et Franck Riester, derrière
Ainsi,les juppéistes tournent en rond sur la question des européennes
Réunis samedi et dimanche à Bordeaux, l’ancien premier ministre (1995-1997) n'est pas parvenu à rassembler ses proches restés divisés sur la stratégie à suivre à l’approche des élections européennes de mai 2019.

Après un jour et demi de débats dans le huis clos d’un hôtel de la cité mondiale de Bordeaux, samedi 8 et dimanche 9 septembre, Alain Juppé et ses amis sont partis comme ils étaient arrivés : en ordre dispersé et faisant le constat que la situation politique n’est pas à leurs yeux assez mûre pour décider de l’attitude à adopter en vue des élections européennes de mai 2019.

"Ce n’est pas l’événement fondateur d’un nouveau parti, ni la commission d’investiture pour une liste aux européennes", a regretté le maire de Bordeaux, dimanche, à l’occasion d’une conférence de presse clôturant la deuxième édition des 'Vendanges de Bordeaux', cette 'rencontre entre amis' — selon son expression — qui vise à entretenir la flamme du juppéisme. Le rendez-vous sera d’ailleurs reconduit en 2019. Quand le vin n'est pas tiré, on ne peut le boire...
Alain Juppé est facteur constant de divisions. En novembre 2016, avec 28,6 % des voix, il arriva très loin derrière François Fillon (44,1 %) lors des primaires. Son score fut jugé décevant au vu des sondages qui le donnaient en tête, mais il démentit l'information de son retrait et créa des divisions profondes pendant l'entre-deux tours, ce qui suscite des interrogations et des critiques de plus de 200 parlementaires et jusque parmi ses partisans.
L'ex-député de Bordeaux en est toujours à régler les détails de la "plate-forme fondamentale" rédigée avec la petite trentaine de participants qui l’entouraient. Parmi eux, l’ancien premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, ou encore le conseiller politique du premier ministre Edouard Philippe, Gilles Boyer, 47 ans, ci-dessous au centre.
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"C’est à la lumière de cette plate-forme que je me déterminerai pour les élections européennes", a dû admettre Juppé, avant d’assurer que les représentants de sa famille de pensée et lui soutiendront la liste qui "porte le mieux les idées que nous avons exprimées". "Déterminé à [se] battre contre ceux qui veulent démolir l’Europe", l’ancien premier ministre a dressé au passage la liste des politiques communautaires qu’il considère comme prioritaires : "migrations", "défense et sécurité de l’Europe", "convergence fiscale et sociale", "leadership sur le développement durable"...
En 1977, Juppé avait adopté une position ferme sur l'immigration.  il souhaitait alors que "les emplois traditionnellement abandonnés aux étrangers puissent être occupés par des Français". En octobre 1990, il jugeait encore que la question de l'intégration était un problème "permanent et gigantesque" avec beaucoup d'écoles primaires où "80 à 90 % des petits enfants sont d'origine étrangère".
En juin 1995, alors qu'il est premier ministre, il déclarait être
favorable à l'espace Schengen, "si Schengen améliore la sécurité à nos frontières et si Schengen permet de mieux lutter contre l'immigration clandestine", et se disait "décidé", en mars 1996, "à faire une stricte application des lois sur la maîtrise de l'immigration".
En 2016, il proposait des quotas de migrants et une durée minimale de séjour aux parents étrangers ayant des enfants nés en France.
Il réaffirma son concept d' "identité heureuse", et critiqua une possible suspension du regroupement familial, une proposition qu'il jugea "inhumaine". Il souhaitait interdire l’acquisition de la nationalité française aux étrangers nés en France mais dont les deux parents étaient à leur naissance des immigrés illégaux, et renforcer les restrictions d'accès de l’aide médicale d'Etat aux immigrés illégaux."
Malgré l’unité de façade, les considérations tactiques ont occupé une grande part des discussions lors de ce week-end bordelais, laissant libre cours aux divisions qui animent le clan Juppé éclaté de toutes parts. "Nous nous jaugeons les uns les autres, on est dans le rapport de force", convenait, samedi, un protagoniste des Vendanges.

Trois options à l'étude

La première consisterait à soutenir la liste de la République en marche (LRM) - option défendue par le néo-macroniste Gilles Boyer, ancien directeur de campagne de A. Juppé pendant la primaire de la droite, en 2016. "Il y a des moments où il faut se compter et des moments où il faut réfléchir avant de le faire", avance-t-il, préférant "multiplier les chances" de voir la "grande" liste pro-européenne du parti présidentiel "arriver en tête".
Mais la position de Juppé est ambiguë. En effet, il s'était d'abord prononcé en faveur du 'oui" au référendum français sur le traité de Maastricht, avant de finalement nuancer son propos en déclarant à l'Assemblée nationale : "Si le traité de Maastricht avait été un peu mieux fagoté, nous n'en serions pas là où nous en sommes aujourd'hui."
Autre exemple de ses fluctuations : il se démarqua d'abord de son parti politique en prônant la sortie de la Grèce de la zone euro ("Grexit"), mais rétro-pédala après des propositions du premier ministre grec, Alexis Tsípras, aux créanciers de la Grèce.
Une liste sur laquelle Boyer se verrait bien figurer en position éligible. Mais ce nouveau pas vers la macronie n’est pas encore l’option privilégiée par Juppé qui attend des éclaircissements sur le programme de l’exécutif. "Il a annoncé la couleur, M. Macron ?", a fait mine de s’interroger le maire de Bordeaux pour justifier son refus de se prononcer - pour l’heure - sur un éventuel soutien.

Seconde option : faire la guerre à la majorité du parti Les Républicains (LR) en pratiquant un lobbying intense et tenter de faire oublier ses propos anti-immigration pour être crédible sur ses critiques de l'euroscepticisme supposé de son président, Laurent Wauquiez, sa bête noire. 
Au soir du premier tour des élections législatives de 2017, Alain Juppé appela à voter pour les candidats Les Républicains afin d'éviter une Assemblée nationale 'monochrome', en référence aux bons scores réalisés par les candidats du parti La République en marche (LREM) du nouveau président de la République, Emmanuel Macron Cependant, il soutint une candidate investie par LREM, Aurore Bergé, son ancienne collaboratrice quand il était candidat à la primaire de la droite et du centre, considérant qu'ils partagent les mêmes valeurs.
En novembre 2017, alors que Laurent Wauquiez est favori pour prendre la tête du parti Les Républicains, Juppé évoqua déjà la possibilité de constituer un "mouvement central avec Emmanuel Macron en vue des élections européennes de 2019".
Le 5 décembre, quelques jours avant le congrès des Républicains, le condamné (en 2011) à deux ans de prison avec sursis dans l'affaire des finances à la mairie de Paris indiqua qu'il voterait pour son homme de paille, Maël de Calan, un  de ses porte-paroles de campagne lors de la primaire. 
Dès le premier tour du congrès, Laurent Wauquiez l'emporta largement, recueillant 74,64 % des suffrages exprimés, contre 9,25 % pour Maël de Calan, ce qui ne légitime ni ses idées (fluctuantes, voire opportunistes) ni son opposition dite 'humaniste' et 'sociale'.
Cette seconde option est aussi celle retenue notamment par Valérie Pécresse et son bras droit au  mouvement Libres ! ...Maël de Calan, le candidat battu à plate couture à la primaire de l'UMP. "Face à Emmanuel Macron, qui incarne une gauche pro-européenne, il doit y avoir une droite pro-européenne qui s’affirme ", selon V. Pécresse, qui l'appelle de ses voeux, répétant, samedi : "Je suis LR, je le reste, je le demeure".

Troisième (et dernier ?) scénario possible, enfin : celui qui verrait la "deuxième droite", comme l’appellent certains juppéistes, constituer une liste indépendante. "Si j’avais 40 ans, je ferais cette liste", aurait par exemple lancé Jean-Pierre Raffarin, 70 ans, à ses collègues dans le huis clos. "Il y a un espace politique important qui est en train de se créer entre Emmanuel Macron et Laurent Wauquiez, qui à mon avis sera comblé", a ensuite estimé devant la presse cet autre ancien premier ministre, qui s’est toutefois gardé de trancher entre les différents scénarios à disposition.

Juppé veut se concentrer sur Bordeaux
Le parti 'Agir' et ses dirigeants - Franck Riester, Fabienne Keller, Pierre-Yves Bournazel - pourrait représenter la vitrine de cette liste 'indépendante'. Juppé participera au congrès fondateur de cette formation, le 16 septembre. Mais comme le reconnaît un participant, cette hypothèse va grandement dépendre de la courbe de popularité du président Macron dans les semaines à venir. Il se pourrait en effet que la chute vertigineuse de Jupiter dans les sondages redonne quelqu'espoir aux aigris.

"On ne va pas aux élections pour les perdre", convient encore cette source. " Pour les supplétifs du macronisme, ce n’est plus le temps des vendanges, c’est déjà celui de la vidange : ils ne servent à rien et n’iront nulle part", cingle Guillaume Larrivé, député LR de l’Yonne et membre de la majorité Les Républicains.

Le président de LR et Alain Juppé ne risquent en tout cas pas de voir leurs positions se rapprocher. 
Tandis que Laurent Wauquiez assume de parler à tous, "aussi bien à [la chancelière allemande] Angela Merkel qu’à Viktor Orban", le premier ministre hongrois, un eurosceptique chantre de l’'illibéralisme" (culture politique qui disqualifie en son principe la vision libérale) et de la lutte contre l’immigration, la minorité juppéiste très active dans les media fustige les électeurs de V. Orban, lequel est décrit comme "un leader politique qui défend des thèses à l’encontre de tout ce que je défends".  Déclaration qu’Emmanuel Macron pourrait très bien signer des deux mains. Mais Juppé n'est pas la référence qu'il croit, d'autant moins qu'on ne sait ce qu'il défendra demain de ce qu'il soutient aujourd'hui...

A 73 ans, Juppé joue les gourous, mais ne compte néanmoins pas s’investir outre mesure sur la scène politique nationale. Le septuagénaire a de plus en plus de mal, en revanche, à se retirer de la vie politique et ne cache guère son envie de se représenter aux élections municipales à Bordeaux, en 2020, un 5e mandat en treize ans (2006). "Je n’ai plus d’ambition électorale... Nationale, bien sûr. Ou européenne !", a-t-il souri lors de sa conférence de presse. Alors près pour la campagne de trop ?

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