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mercredi 26 décembre 2018

Macron renoue avec les francs-maçons et leur "pacte Girondin"

Ces principes républicains que le gouvernement veut liquider avec la réforme constitutionnelle


C'est une vraie révolution dont personne ne veut entendre parler


Les "frères" volent au secours de Macron. Il s'est d'ailleurs mis à l'écoute du Grand Orient et de la GLNF. 

Le président de la République a reçu les représentants des grands courants de la franc-maçonnerie française, lors d’un dîner à l’Elysée, après avoir fêté le Nouvel an juif. Il a notamment été question de la laïcité, a fait savoir le Grand Orient de France (GODF).
" C’est la première fois que le président les invite tous ensemble à l’Elysée depuis son entrée en fonction", a affirmé le GODF. Interrogé, l’Elysée était resté discret sur cette rencontre et n’avait pas fait de commentaire.

Selon un invité, étaient conviés, outre le GODF, la Grande loge de France, la Fédération française du droit humain, la Grande loge féminine de France, la Grande loge nationale de France, la Grande loge mixte de France, la Grande loge de l’Alliance maçonnique française ou encore la Grande loge traditionnelle et symbolique Opéra.

La laïcité reste le coeur

Tablier de franc-maçon 






Le thème de "la laïcité, alors que le président a promis un grand discours sur ce sujet, très attendu" était à l'ordre du jour, tous comme les questions de "bioéthique, l’Europe et le développement durable", selon cette source.

Le GODF, plus grande association maçonnique française, avait fortement réagi après le discours d’Emmanuel Macron devant les évêques au collège des Bernardins en avril lors duquel le chef de l’Etat avait appelé à "réparer" le lien " abîmé entre l’Église et l’Etat". Le GODF lui avait demandé de "revenir sans ambiguïté sur cette réintroduction inacceptable du cléricalisme dans la République".

Macron a recréé du lien avec les francs-maçons 
La révolte des " gilets jaunes " a poussé Emmanuel Macron à renouer avec les francs-maçons, du Grand Orient comme de la Grande loge nationale de France. Pour avoir soutenu 'En marche !' dès le début sur la promesse d'un " pacte girondin ", ils se sont sentis trahis par les choix verticaux du président de la République. 

Il faut y voir un rapport, en forme d'avertissement, avec le départ du gouvernement du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, un franc-maçon, qui regrette " la place faite au pouvoir central pendant les dix-huit premiers mois du mandat, alors que la campagne promettait une France girondine et décentralisée ". Et d'ajouter que le mouvement des " gilets jaunes " aurait pu être évité si le chef de l'Etat l'avait un peu plus écouté.

Après s'être donc réconcilié avec Gérard Collomb, comme avec le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, un autre " frère ", auquel il a envoyé, le 5 décembre, un SMS : "On va reprendre ton idée de prime défiscalisée," des liens ont été retissés.

Le "pacte Girondin", ces principes républicains que le gouvernement veut liquider avec la réforme constitutionnelle


C'est une vraie révolution, trop peu évoquée. Docteur en Science politique à l'Ecole normale supérieure Paris Saclay, Benjamin Morel nous aura prévenus.
La prochaine révision constitutionnelle a des airs de jeu de hasard. Certains commentateurs parient sur un référendum comme d'aucuns sur une couleur à la roulette. D'autres songent à la partie de poker qui se joue entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher. Tous comptent, certains le nombre de parlementaires, d'autres le nombre de mandats dans le temps.

Pourtant, une innovation bien plus importante est en germe dans la réforme et  qui devrait pourtant faire l'objet d'un vaste débat. Les commentateurs passent en effet à côté de la vraie révolution que dit vouloir introduire le gouvernement: la liquidation de deux principes, celui d'indivisibilité de la République et celui d'égalité des citoyens devant la loi. Derrière ces principes vieux de 200 ans, il en va de la stabilité de la République à l'heure de la surenchère régionaliste en Espagne ou en Italie. Il en va aussi de la simplicité de la loi que chaque citoyen doit pouvoir lire et comprendre.

C'est en effet discrètement, derrière un vocable tout "managérial", invoquant une "décentralisation de projets", qu'Emmanuel Macron a évoqué ce qu'il a nommé lors de son discours au Congrès le 3 juillet 2017 un "Pacte girondin" pour les collectivités. Qu'est-ce à dire ? Les alinéas 1 et 3 de l'article 15 de l'avant-projet de loi permettent de mieux comprendre de quoi il retourne.

Le Pacte girondin devrait impliquer ainsi une très grande complexification du droit pour chaque citoyen. 
Le "Pacte girondin" comprend ainsi une possibilité pour les collectivités de déroger à la loi : l'alinéa 3 dispose ainsi que "les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent également, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences, éventuellement après l'expérimentation mentionnée à l'alinéa précédent."

Déjà souvent bien difficile à saisir, la loi serait ainsi différente à la frontière de chaque commune, de chaque département, de chaque région.
Depuis 2002, les collectivités ont la possibilité d'expérimenter des dispositions législatives ou réglementaires. La loi peut ainsi temporairement ne plus être la même pour tous afin d'en évaluer les effets. A la fin de l'expérimentation, soit la disposition est abandonnée, soit elle est généralisée à l'ensemble du territoire. Ainsi deux régions expérimentent depuis le 1er janvier 2017 l'apprentissage jusqu'à 30 ans. Le gouvernement et les parlementaires insistèrent bien en 2002 sur la nécessité de limiter dans le temps ces expérimentations. Sans cela, plus de République indivisible. Sans cela, plus d'égalité de chaque citoyen devant la loi. Si l'apprentissage jusqu'à 30 ans est jugé concluant, ce droit sera ouvert sur l'ensemble du territoire.

Or, c'est justement cela que souhaite remettre en cause le gouvernement dans cet alinéa 3 de l'article 15. 
Le Pacte Girondin induit donc que la loi, tout comme l'autorité habilitée à édicter une norme, changent une fois passée la frontière d'une collectivité. Ce pacte n'a d'ailleurs de Girondin que le nom. Les notions d'unité et d'indivisibilité de la République furent introduites en 1792 dans une assemblée justement dominée par la Gironde. Ils remontent même, appliqués au Royaume, à 1789. La rupture ainsi consommée ne l'est donc pas avec le jacobinisme, ni même avec la République, mais avec les principes de 1789. L'unité de la loi et l'égalité devant celle-ci n'ont jamais fait débat entre les républicains. Ainsi, pourquoi un presque trentenaire vivant en PACA se verrait-il fermer la voie d'un apprentissage pourtant ouvert dans les Hauts de France? L'égalité entre les citoyens est rompue. Le Pacte girondin représente un retour aux privilèges territoriaux de la France d'Ancien Régime dans laquelle, comme le notait Voltaire, on changeait "plus souvent de loi que de cheval".

C'est là la première rupture républicaine.
Le Pacte girondin implique par ailleurs une décentralisation à la carte. L'alinéa 1er dispose que: "Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée: "Dans les conditions prévues par la loi organique et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, la loi peut prévoir que certaines collectivités territoriales exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l'ensemble des collectivités de la même catégorie."

La différenciation, car elle conduit à lier revendications de compétences et d'identité, est un préalable à la balkanisation des Etats comme le prouvent les exemples britanniques, espagnols, belges ou encore italiens.

Le principal danger du Pacte girondin est qu'il risque de conduire la France dans une impasse politique où régneraient les revendications identitaires régionales. L'idée de rapprocher la décision du terrain est au fondement de la décentralisation. Dans une tradition pour le coup réellement girondine et républicaine, la notion de bloc de compétences est consacrée depuis 1982. Ainsi tente-t-on de jauger ce qui serait exercé au mieux au niveau de l'Etat, des régions, des départements, des communes. Le droit à la différenciation implique au contraire qu'une région pourrait obtenir une compétence alors qu'une autre non. Mais au nom de quoi?

Ce que nous enseignent les expériences étrangères, c'est que la différenciation fait entrer la décentralisation dans un cercle vicieux. Les élus locaux réclament alors des compétences en s'appuyant sur une identité locale. En exacerbant celle-ci, ils se condamnent en retour à exiger encore et toujours plus de compétences. Face à cette fuite en avant, les partis nationaux finissent par se faire dépasser par des formations aux relents identitaires. C'est notamment ce qui s'est passé en Ecosse. Les barons du Labour, avides de compétences, furent marginalisés, dix ans après la Devolution, par le SNP indépendantiste. C'est également ce qui se produit, déjà, en France avec l'émergence de collectivités à statut particulier. En Corse, la collectivité unique, rejetée par référendum en 2003 et imposée par amendement dix ans plus tard, a précédé la victoire des nationalistes. Les revendications institutionnelles à base identitaire du personnel politique local ont ainsi participé à légitimer ceux qu'ils pensaient court-circuiter. La différenciation, car elle conduit à lier revendications de compétences et d'identité, est un préalable à la balkanisation des États comme le prouvent les exemples britanniques, espagnols, belges ou encore italiens.

Elle n'est ainsi pas pragmatique, car elle mène à l'ingouvernabilité.
D'abord, les pouvoirs locaux et centraux semblent incapables de s'unir sur une définition de l'intérêt commun. Que l'on songe seulement aux divisions britanniques face au Brexit. Est-il besoin d'évoquer la Belgique?
Ensuite, les partis régionalistes ou identitaristes envoient des délégations au Parlement rendant peu à peu plus difficile la constitution de majorités. Mario Rajoy s'appuie ainsi sur un gouvernement minoritaire, Theresa May sur une poignée de députés unionistes irlandais. Demain comme hier, un gouvernement de droite en Italie devrait compter avec le parti d'extrême droite qu'est la Ligue du Nord.

Cela porte donc en germe tant la dislocation que l'impotence de l'Etat.
Enfin, en conduisant à un État communautaire où chacun vote au nom d'une identité, et non d'une orientation politique, la différenciation mène à affaiblir la démocratie comme le notait déjà John Stuart Mill. Plus de débat sur les politiques publiques ou sociales, les électeurs se condamnent alors à voter par communauté au nom de l'intérêt régional.

Le Pacte girondin trahit ce qui fut l'esprit profondément républicain de la décentralisation. 
Il porte donc en germe tant la dislocation que l'impotence de l'Etat. Le seul à prôner un tel chemin au XIXe siècle fut Charles Maurras. Mais ce dernier s'avérait plus conséquent qu'Emmanuel Macron. Pour que le pays y survive selon lui, il faudrait qu'un roi en incarne l'unité.

C'est là la seconde rupture républicaine.
Loin d'être une simple mesure technique, le contenu du 'Pacte girondin' représente donc un vrai tournant politique. Il mérite donc un débat. Au lieu de nous comporter en joueurs et de tenir comptes et paris, agissons en citoyen... La République mérite bien au moins un débat !

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