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samedi 15 décembre 2018

Les Gilets jaunes, un mouvement citoyen qui rebat les cartes de la démocratie

"Les Gilets jaunes sont dans l'illusion que du chaos naîtra une démocratie plus juste," estime le politologue Yascha Mounk

La Macronie va les chercher loin, les donneurs de leçons de démocratie conventionnelle. 

Celui-là est américain. Attention, il écrit pour le New York Times (très critique de la France), The Wall Street Journal (conservateur, groupe News Corporation de Rupert Murdoch), Slate (famille Rothschild) et Die Zeit (libéral de gauche). Il n'est donc pas supporteur de Trump, mais plutôt de Macron. Son nom ? Yascha Mounk
C'est un politologue allemand d'origine polonaise, fils d'une émigrée polonaise ayant émigré avec ses parents, suite à la purge des Juifs de l'appareil communiste. Naturalisé américain, chercheur et chargé de cours à l'université Harvard à Boston, âgé de 36 ans, il défend un renouveau du libéralisme politique susceptible de contrer ce qu'il perçoit comme le danger du "populisme". Dans un entretien avec le Süddeutsche Zeitung, libéral de gauche, il a déclaré en février 2018 que le nationalisme est une relique du passé qu'il faut surmonter par un "nationalisme inclusif", de peur d'un nationalisme agressif, la "peste nationaliste". Ne serait-il donc pas le maître à penser de Macron ?
Son essai, Le peuple contre la démocratie, en dit déjà long sur ses craintes. Publié en septembre dernier, dans un contexte de montée du nationalisme dans plusieurs états européens, dont la Hongrie et l'Italie, il a retenu l'attention pour son analyse de la crise des démocraties libérales. 
Le mouvement des Gilets jaunes et les secousses qui l'accompagnent sont un laboratoire d'études pour Yascha Mounk dont le regard étranger est fort critique d'une révolte qui sort du cadre institutionnel traditionnel.
Se fondant sur de nombreux sondages, reportages et recherches inédites, il s'oriente vers un nouveau modèle pour éclairer et appréhender la période politique complexe que nous traversons, insistant sur la nécessité de réformes radicales pour préserver notre liberté en danger et la sauver.


L'EXPRESS : La légitimité d'un président élu est aujourd'hui contestée, tandis que la violence, jaillie de la révolte, semble, elle, relativement tolérée par l'opinion [un axiome défendu par la macronie]. Faut-il voir dans ce renversement la marque de l'affaissement de la démocratie libérale ? 


Yasha Mounk : Auparavant, en effet, les grandes manifestations avaient pour objet l'opposition aux réformes. Avec les gilets jaunes, la dénonciation se déplace sur le gouvernement lui-même ; c'est lui qui est considéré comme ayant failli. L'élection d'Emmanuel Macron et sa très large victoire aux législatives ne sont même plus suffisantes pour lui donner une légitimité. 

[
C'est une élection par défaut et acquise alors que près d'un électeur sur quatre ne s'est pas déplacé au bureau de vote. Du jamais-vu pour un second tour de présidentielle depuis 1969].

Quelle conclusion tirer de ce constat saisissant ? 
La preuve de la nature plutôt destructrice de ce mouvement [Les casseurs sont des intrus bien connus des manifestations politiques et syndicales. La différence, c'est qu'elles sont contenues par les services d'ordre des organisations institutionnelles]. 
Les casseurs qui s'en donnent à coeur joie en sont la face la plus visible, mais il faut y ajouter le fait que, sur le fond les gilets jaunes ne sont porteurs d'aucun projet concret [ils sont néanmoins porteurs d'idées concrètes approuvées par sept à huit Français sur dix], sinon celui de détruire ce qu'ils perçoivent comme un ordre illégitime [caricature typique des Américains qui gardent une peur viscérale du bolchévisme, ranimée par le maoïsme ou le castrisme]. S'ils donnent naissance à une formation politique, je crains que celle-ci n'ait pour feuille de route le sabordage des éléments de base de la démocratie, comme on l'a vu en Italie avec La Ligue du nord ou le mouvement Cinq étoiles. [La volonté du peuple serait-elle une menace pour le pouvoirs des intellectuels installés dans le système ?]

On peut aussi faire un parallèle entre les gilets jaunes et le parti Podemos en Espagne, qui s'oppose à la démocratie représentative et à toute la caste politique [que dire alors du premier ministre grec Alexis Tsipras, tombeur des socialistes, qui a passé un accord politique avec un parti de droite souverainiste ? Son parti, Syriza, est une coalition de partis de gauche et d'extrême gauche]. Il y a derrière ces rassemblements l'idée magique qu'en cassant tout, on permet l'avènement d'un avenir plus démocratique, moins corrompu, plus égalitaire [une ironie condescendante et blessante d'intellectuel établi]. Je comprends très bien cette rage [Macron aussi le prétend...] face à un avenir qu'on perçoit sombre [perception, simple impression ?] pour soi et ses enfants. Mais pour améliorer le futur, il faut de vraies solutions. Les gilets jaunes sont dans l'illusion du "On rase gratis" [perception  partisane et réductrice]

L'exaspération des classes populaires vous semble-t-elle avoir pris chez nous une forme spécifiquement "française" avec ces gilets jaunes rassemblés aux ronds-points et "montant" chaque semaine sur Paris ? 
La science politique [un ensemble de connaissances, notamment historiques, plutôt qu'une science exacte ou expérimentale] nous enseigne que moins il y a d'opposition au parlement - ce qui est le cas pour LREM , largement majoritaire - plus la contestation a de chances de s'exprimer avec virulence dans la rue. Les gilets jaunes s'expliquent par la rage et le désespoir des plus modestes, à l'image de ce qui s'est produit en Espagne et en Italie, par la culture de la protestation française et par l'état du système politique hexagonal. Comme LREM a une identité politique floue - est-il de droite ou de gauche ?, l'opposition n'est ni clairement de droite ni clairement de gauche. [La critique de la première exempte-t-elle donc de la condamnation de la première sur les mêmes critères ?]

Au fond, le nouveau monde ne semble plus celui de la technologie et des échanges, prophétisé par Macron, mais celui de la colère des peuples... 
Les deux vont de pair. Ce sont les moyens de communication numériques qui ont permis aux gilets jaunes d'exprimer leur colère [ce sont eux aussi qui favorisent le développement de l'économie souterraine]. Mais ce qui est patent, c'est que les rebelles d'aujourd'hui ne sont pas ceux qui attendent avec impatience la "start-up nation" promise par Macron; ce sont ceux qui craignent de ne pas y trouver leur place. La ligne de partage ne passe plus entre la gauche et la droite, mais entre les inquiets de la modernité et les autres [être laissé sur le bas côté par l'économie ou par le numérique change-t-il quoi que ce soit à la détresse populaire ? Ou est-ce un distinguo d'intello ?]. 

On a trop cru aux bienfaits du progrès technologique et de la mondialisation ?
On a surtout trop présenté la mondialisation sur un mode binaire : soit on l'accepte, soit on la rejette. Fermer nos portes à l'échange économique, interdire de nouveaux développements économiques, ne sont pas des réponses suffisantes à la mondialisation. En revanche, les nations ont plus de ressources qu'elles ne l'imaginent pour peser, mettre en forme la globalisation dans leur pays. Les grandes entreprises mondiales veulent avoir accès au territoire français ? Eh bien, à la France d'imposer ses conditions fiscales et sociales, par exemple. 

Comment Emmanuel Macron peut-il s'en sortir ? 
Il n'a pas d'autre choix que de continuer sur son train de réformes, mais en montrant, de façon beaucoup plus nette qu'il ne se range pas du côté des riches. Il ne gouverne que depuis un an et demi. Or, il faut du temps pour mener des réformes économiques, et encore plus pour en mesurer leur impact. En Allemagne, les réformes lancées au début des années 2000 ont beaucoup aidé à juguler la crise qui sévissait dans le pays et à résorber le chômage. Evidemment, la stratégie réformatrice est risquée, car elle dépend beaucoup de l'économie mondiale à court terme. Mais s'il réussit à montrer qu'il prend au sérieux cette colère sans faire de compromis sur sa stratégie, il peut retrouver un degré acceptable d'impopularité, car plus le mouvement des gilets jaunes se radicalise, plus il attise les critiques et le rejet [d'où la stratégie de la décrédibilisation]. 

Vous soulevez l'influence des facteurs extra-nationaux dans un univers mondialisé. In fine, les gouvernements ne sont-ils pas condamnés à une forme d'impuissance ? 
Ils ont plus de leviers qu'ils ne le croient, mais encore faut-il les actionner. Emmanuel Macron, comme beaucoup d'autres chefs d'Etat dans le monde, n'a pas su faire passer un message important : les élites doivent observer les mêmes règles du jeu que le reste des citoyens. Sanctionner les milliardaires qui placent leur fortune dans les paradis fiscaux, faire payer des taxes aux grandes entreprises qui s'installent en France, voilà des gestes forts, sur le plan économique et symbolique. Macron n'a plus le choix : il doit prendre cette direction [le diesel a repris son ascension : il  est à plus de 1,40 euros...].

I
l faudra aussi que Mounk nous livre son point de vue sur les 'référendums d'initiative populaire'...


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