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vendredi 22 février 2019

Ascoval et l'"itinérance mémorielle" ont donné naissance au mouvement des Gilets jaunes

Le Maire se fait berner, Xavier Bertrand la joue volontariste et Macron a les Gilets jaunes 

Octobre 2018 : l'offre d'Altifort jugée "solide" par Bruno Le Maire

Emmanuel lors de sa visite à Vallourec en 2015 alors qu'il était ministre de l'économie. / © FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Macron, en visite à Vallourec en 2015,
alors qu'il était ministre de l'économie.
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait fait confiance au groupe belge Altifort, qui proposait un "projet crédible et viable", selon lui, pour la reprise de l’aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord), même si des fragilités persistent, selon le gouvernement, qui a dit vouloir régler ces sujets d'ici "début décembre". Le maître de Bercy redonnait ainsi un nouvel espoir aux salariés, avant Noël. 

Interrogés en fin de réunion à Bercy, plusieurs responsables syndicaux avaient même fait part de leur soulagement. "On a franchi un pas aujourd'hui", avait commenté Bruno Kopzcinski, CFDT, porte-parole de l'intersyndicale d'Ascoval : "Cela va permettre de rechercher des financements. Cela va prendre plus de temps que prévu et il reste encore pas mal de choses à valider. On peut dire que c’est un nouveau sursis qui est accordé à Ascoval avec une nouvelle physionomie et des nouveaux acteurs autour de la table. Je regrette que l’on ait perdu énormément de temps et aujourd’hui nous redémarrons à zéro."

La question restait de savoir si les salariés allaient reprendre le travail ?
"Il va y avoir une assemblée générale dans l’après-midi pour prendre l'avis de tous les salariés." En effet, les sidérurgistes d'Ascoval ne travaillaient plus depuis le 23 octobre et avaient bloqué le site de production de Vallourec à Aulnoye-Aimeries (Nord) pour mettre la pression sur le groupe et le gouvernement.

Altifort avait présenté une offre de reprise de l'usine de production d'aciers de moyenne et haute gamme
Ce qui impliquait que Vallourec, principal client et désormais premier actionnaire d'Ascoval, maintiendrait pendant un an et demi son niveau de commandes. Or, spécialiste des tubes en acier sans soudures, près de Valenciennes, Vallourec avait refusé cette demande, alors que l'Etat est actionnaire à 17%. Ses comptes étaient dans le rouge, avec une perte nette de 307 millions d'euros sur le premier semestre, pour un chiffre d'affaires de 1,09 milliard.
Cette décision a obligé le gouvernement et Altifort à travailler sur une proposition alternative, sans Vallourec. 150 à 200 millions d'euros sont nécessaires pour que le projet d'Altifort tienne la route, ce qui oblige à rechercher de nouvelles sources de financement, que ce soit auprès des banques ou bien auprès d'investisseurs. Ce qui paraissait fort délicat, les financiers n'ignorant pas que la production ne trouve pas preneurs. 

Présent à la réunion, le président LR de la région des Hauts-de-France Xavier Bertrand avait rappelé que la région mettrait "12 millions d'euros" dans l'opération, et Valenciennes métropole "10 millions d'euros" : "L’Etat a changé de regard et de position sur le dossier : tant mieux. Sans l’Etat, on ne pourra pas sauver l’avenir de l’industrie de l’acier. Ce n’est pas encore gagné quand même."
A propos de Vallourec, il précisait aussi que "le gouvernement dit 'laissez Vallourec en dehors', mais dans ces cas là, que Monsieur Crouzet, président du directoire de Vallourec depuis 2009, se taise. Ce qu’il a dit dans le Journal du Dimanche est scandaleux. Si tout le monde joue le jeu, l’usine pourra être sauvée."
Tout ce mépris a donné le mouvement des Gilets jaunes
Du 5 au 11 novembre, le président de la République a parcouru les lieux marquants de la Grande Guerre pour le
Centenaire de la guerre 14/18: une "itinérance mémorielle" qui se révéla une déroute dans le contexte social et politique déjà tendu de début novembre et qui conduisit au mouvement des Gilets jaunesLe parcours du combattant du quadragénaire qui n'a pas les casernes traversa la Moselle, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse, la Marne, les Ardennes et enfin les Hauts-de-France. L'Elysée voulait "briser la vitre qui sépare traditionnellement le président du pays"...
Une erreur d'appréciation a fait que le "souverain républicain" s'est trouvé face à un peuple incontestablement remonté contre sa politique et contre sa personne même. Venu célébré la paix, il ne récoltera que trouble et agitation. Dès Pont-à-Mousson, la situation a commencé à se tendre : les premiers manifestants ont fait leur apparition sur le parcours du "président des riches", élu par défaut. A Albert, dans la Somme, une semaine avant son arrivée, nombre de citoyens ignoraient pourtant encore tout de son passage.
Mais à Verdun, il était attendu et une nouvelle difficulté fit son apparition : les interpellations directes. Par un retraité sur la hausse du carburant qui cristallisait déjà la majorité des mécontentements : "vous sentez le malaise en France qui monte?" 
A Charleville-Mézières, devant la préfecture des Ardennes, des centaines de personnes hostiles sont accoudées aux barrières de sécurité qui les tiennent à distance respectable. En visite à l'usine PSA toute proche, Emmanuel Macron finit à pied les quelques mètres, et c'est à ce moment que Josiane, cheveux courts grisonnants, aide-soignante de 57 ans, lui lâche un "Pourquoi vous nous massacrez ? Je suis jamais descendue dans la rue, jamais. Mais maintenant, avec vous, je suis obligée". Les reproches pleuvent comme obus à Verdun, par un syndicaliste à l'usine MCA de Maubeuge dans le Nord, par des retraités avant d'entrer dans un EPHAD de Rozoy-sur-Serres dans l'Aisne : "j'ai travaillé pendant 44 ans et je n'ai pas 1100 euros de retraite", explique l'un d'eux à qui Macron explique que tous doivent faire des efforts. Toutes les premières doléances étaient énoncées.
A Albert, vendredi 9 novembre,  Macron préféra ne pas entendre les manifestants : les gendarmes mobiles les avaient évacués avant son arrivée. Il n'hésitera pourtant pas à déclarer : "J'ai été élu en me faisant secouer et ça continuera jusqu'au bout", se félicitant d'avoir "senti le pays en profondeur", dans "ses attentes, ses envies, ses angoisses, ses colères"...
Dans une usine Renault près de Maubeuge, Macron trouvera même le moyen de tenir des propos controversés sur le maréchal Pétain, mais s'emportera contre la "boîte à folie" des "polémiques inutiles", assurant qu'encore une fois il n'a pas été compris.
Macron contournera Valenciennes et Vallourec, après s'être rendu sur le site de production de Toyota à Onnaing, près de Valenciennes (Nord), en janvier, en marge du sommet "Choose France" organisé au château de Versailles.
S'adressant au personnel de l'usine Renault, le chef de l'Etat a eu la surprise de se faire prendre à partie par un syndicaliste de Sud, par ailleurs hué par des camarades syndiqués à la CFDT. Un échange musclé s'en est suivi :

- Samuel Beauvois : « Vous n’êtes pas le bienvenu monsieur Macron ici.

Emmanuel Macron : Bonjour monsieur. Vous n’êtes pas apparemment majoritaire.

- Vous prenez dans la poche des ouvriers aujourd’hui monsieur Macron. Ce que monsieur Ghosn nous donne d’une main, vous allez reprendre dans notre poche.

- Je vais vous expliquer que non, mais restez là monsieur.

- Votre service d’ordre est en train de me sortir.

- Venez avec moi si vous voulez. Je vous écoute. Donc il faut que vous ayez la courtoisie de m’écouter.

- Mais on réussit sans vous, monsieur Macron. Les salariés ici, ça fait 40 ans qu’ils sont ici. Ils ont réussi sans vous. Aujourd’hui, vous êtes en train de prendre aux salariés, vous êtes en train de prendre aux retraités, aujourd’hui monsieur Macron.

- Si vous êtes venu faire un meeting politique, c’est autre chose.

- Non, je ne fais pas un meeting politique. Vous n’êtes pas le bienvenu ici. Ça fait 27 ans que je suis chez Renault, 27 ans. C’est Renault qui me nourrit aujourd’hui. Ce n’est pas monsieur Macron.

- Soit vous avez la courtoisie d’écouter, on peut y aller. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi je suis là et pourquoi je crois à l’inverse de ce que vous dites, et pourquoi j’ai le sentiment que dans cette salle, il y a une large majorité qui croit l’inverse de ce que vous dites. »
"Je suis le premier à dire lorsqu’un site industriel n’a pas d’avenir. Je l’ai fait en un autre temps pour Whirlpool à Amiens. Et on a trouvé une solution de reprise et une autre option de développement. Là, je pense qu’il peut y avoir un avenir pour le site d’Ascoval", affirma le président de la République à la veille de son "itinérance mémorielle" dans le Grand Est et les Hauts-de-France.

Février 2019 : le repreneur d'Ascoval avoue ne pas avoir les fonds 

Des salariés de l'aciérie d'Ascoval à Saint-Saulve (Nord), le 19 décembre 2018, après la validation par le Tribunal de grande instance de Strasbourg du plan de cession de l'entreprise au groupe Altifort.
Le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, veut toujours y croire : "ça se tend mais ce n'est pas fini", assure-t-il, à propos de l'entreprise actuellement en redressement judiciaire.

Altifort a en effet admis jeudi ne pas disposer des financements nécessaires pour son projet de reprise de l'aciérie de Saint-Saulve, dans le Nord, pourtant validé en décembre.

"Altifort nous a confirmé qu'il ne pourrait verser aucun des fonds sur lesquels il s'était engagé, ni les dix millions de fonds propres, ni les 25 millions de levée de fonds", a précisé une source anonymée au cabinet du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. "Même les dix millions de fonds propres, ils ne sont pas en mesure de les donner", a ajouté cette source: "On a pris acte de cela. En l'espèce, Altifort a trompé tout le monde", avoue l'entourage de l'ancien candidat à la présidentielle. 

Résultat de recherche d'images pour "Macron ascoval""La décision que nous avons prise avec tous les salariés, c'est de travailler à une nouvelle reprise en démarchant tous les industriels qui peuvent être intéressés", a dit Bercy. "Nous referons un point en début de semaine prochaine dans le même format, avec les salariés, les députés, le président de la région Xavier Bertrand, pour voir où nous en sommes." 

Les élus de la région, bien que déçus de l'annonce d'Ascoval, continuent cependant à les mener en bateau.   Bertrand clame qu'il veut toujours y croire. "Je continue à me battre pour sauver Ascoval" en cherchant "d'autres repreneurs", "soit en plus d'Altifort, soit à la place d'Altifort", a déclaré le don Quichotte. 

"Tout doit être fait pour intégrer de nouveaux partenaires", a renchéri le communiste Fabien Roussel (PCF).  

Le patron d'Altifort, Bart Gruyaert, a, lui, assuré qu'il "ne jette pas l'éponge" et qu'il "se concentr[ait] à trouver une solution" financière d'ici à l'audience du tribunal de Strasbourg, le mercredi 27 février. 

Les 281 salariés, dont les emplois devaient être sauvés, ont laissé éclater leur colère

© Ascométal" 

Et je veux que les habitants du Valenciennois, et tout particulièrement de Saint-Saulve, le sachent : j’y veille tout particulièrement. Les choses seront faites, tout simplement parce que celles et ceux qui travaillent là le méritent", se vanta encore le chef de l’Etat, le 5 novembre.
Et de mettre en cause au passage "l’irresponsabilité collective", qui consiste selon lui à "être toujours du côté de ceux qui crient et de ne jamais essayer d’expliquer" les raisons des difficultés économiques. Macron expliqua donc encore que, concernant Ascoval, " il y a un vrai travail à faire pour consolider (les) débouchés, trouver des partenaires et des financements".
Il était intarissable, passant de la pommade à tous, en assurant qu’il "sait ce que l’on doit au maire de Valenciennes, au maire de Saint-Saulve, à l’ensemble des élus du territoire et aux salariés et à leurs organisations syndicales, à qui (il) veut rendre hommage". Repassant constamment son oral manqué du concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure (ENS) - il faut en effet commencer par réussir l'écrit, auquel il échouera à deux reprises - , il  poursuivit : "Lorsqu’on a montré qu’il y avait un avenir possible, ils ont tous voté la reprise du travail dès le lendemain. C’est le signe de leur responsabilité et de leur attachement à leur outil de travail. Donc, c’est ce qu’on leur doit ", insista le bonimenteur.

Quatre mois plus tard : "On nous l'a fait à l'envers" !

Résultat de recherche d'images pour "Macron ascoval"
Devant l'usine, les salariés ont appris la nouvelle avec sidération, souvent par la presse. "J'aimerais comprendre comment un dossier appuyé par trois cabinets d'experts différents a pu valider un plan avec des fonds non présents", s'est interrogé Bruno Kopczynski, porte-parole de la coordination syndicale et élu CFDT. 

"On est dépités ! On nous avait promis monts et merveilles (...) et au final on n'aura rien (...) Altifort nous l'a fait à l'envers; en réalité il n'y a rien, rien de concret", a lâché Vincent, 51 ans, agent de maintenance. "Je ne sais pas ce qu'on va devenir maintenant." 

Le 19 décembre, la justice avait mis fin à un interminable suspense en validant la reprise par Altifort pour un montant de 152 millions d'euros, avec le sauvetage de 281 emplois à la clé. La reprise se décomposait ainsi : 47 millions d'euros de fonds publics "sous forme de prêt" (Etat, Région et Valenciennes-Métropole), 35 millions d'apport d'Altifort, 40 millions de crédit-bail pour le financement d'un futur train à fil et 30 millions d'affacturage. Selon l'avocat d'Ascoval, Guilhem Bremond, trouver une autre solution pour Altifort d'ici l'audience du 27 février relèverait du "miracle".
Le groupe Altifort avait repris l'aciérie de Saint-Saulve le 1er février 2019.

En plus d'Ascoval, le Belge 
Asco Industries opère des usines à Dunkerque (Nord), Hagondange (Moselle), Fos (Bouches-du-Rhône), Le Marais (Loire) et Custines (Meurthe-et-Moselle). 
La fermeture de l'aciérie d'Hagondange est annoncée "dans moins de deux ans", les sites du Marais et de Custines devraient rattachés au site belge Steeltec et le groupe suisse d'acier Schmolz et Bickenhbach a ajouté le site Ascométal de Fos-sur-Mer, en redressement judiciaire, à son offre de reprise.
Et les principaux clients d'Asco sont l'européen Airbus, l'Américain Boeing, le Canadien Bombardier Aéronautique et le brésilien EmbraerEt pourtant, Ascoval se meurt.
Dans le détail, Asco est, notamment, l'un des partenaires des projets Airbus A400M, Lockheed Martin F-35 et de l'Airbus A380, dont le programme est un échec commercial et dont Airbus a annoncé, le 14 février 2019, la fin de la production pour 2021.

Le volontarisme de notre élite politique, fantasme ou fumisterie ultime ?

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