Le président socialiste français va au devant du dictateur socialiste algérien
Un lourd contentieux
proclamation du cessez-le-feu
mettant un terme à
l'"opération de maintien de l'ordre" en Algérie
Fort du capital de sympathie dont jouit le socialiste qui choisit en 1978 de faire son stage d'ENA en Algérie, bien que son père ait été un sympathisant actif de l'OAS, François Hollande tentera de relever mercredi et jeudi un triple défi : trouver les mots justes pour panser les plaies du passé, relancer les échanges économiques et adresser un message d'espoir à la jeunesse algérienne.
Le 6 octobre 2001, l'hymne national de la France fut sifflé lors d'un match amical de football avec Algérie au Stade de France, en présence de Marie-George Buffet (PCF), ministre de la jeunesse et des sports de Lionel Jospin (PS): elle tenta de ramener le calme et reçut une bouteille d'eau en pleine face.
Des lieux publics ont été (re)baptisés
devenu pont du 19 mars 1962,
donnant accès à la gare de Toulouse
Le 13 février 2012, avant même la victoire de Hollande à la présidentielle, Pierre Cohen, député-maire PS de Toulouse a débaptisé le pont Bayard pour le rebaptiser Pont du 19-Mars 1962. De nombreuses rues du 19 mars 1962 ont été inaugurées, à Chambly (PS, Oise) ou Châtillon (PS, Hauts-de-Seine), et Champigny-sur-Marne (PCF, Doubs), Malakoff (PCF, Hauts-de-Seine), Martigues (PCF, Bouches-du-Rhône) ou Saint-Denis (PCF, Seine-Saint-Denis), par exemple.
Un premier devoir de repentance
Devant les deux Chambres du Parlement algérien réunies, le président Hollande entend poser jeudi 'un regard lucide' sur le passé, celui de 132 années de colonisation française et de combats meurtriers pour l'indépendance.
François Hollande avait posé de premiers jalon à l'automne, reconnaissant la 'sanglante répression' par la police française de la manifestation du 17 octobre 1961 qui avait fait plusieurs dizaines de morts à Paris parmi les manifestants algériens. 'L'Histoire doit servir à bâtir l'avenir et non pas à l'empêcher', a plaidé, qui connaît bien l'Algérie pour y avoir fait en 1978 son stage de l'ENA.
'La reconnaissance du passé colonial et des crimes de la colonisation apaisera, enfin, les mémoires encore douloureuses, rendra justice aux victimes et mettra également fin aux instrumentalisations et calculs politiciens entretenus de part et d'autre', veut croire mercredi l'éditorial du grand quotidien francophone algérien El-Watan.
Des excuses françaises ?
Selon un sondage CSA-BFMTV publié mercredi 19 décembre, une majorité des Français sondés, 35%, estiment que François Hollande ne doit pas présenter les "excuses" de la France à l'Algérie pour la colonisation, d'autant que, dans leur vocabulaire coutumier, les politiques ne possèdent jamais que le mot "regrets".
26% - qui connaissent leur Histoire - estiment que le chef de l'Etat doit le faire si et uniquement si l'Algérie présente elle aussi ses "excuses" pour les pieds noirs et les harkis.
13% jugent que François Hollande doit effectuer ce devoir de repentance sans condition, un pourcentage correspondant peu ou prou aux gauches extrêmes.
Tourner la page sans froisser
A Alger et Tlemcen, la 'perle du Maghreb', 580 kilomètres plus à l'ouest, deux villes pomponnées pour l'occasion, le président socialiste entend réussir auprès d'un pays membre de plein droit de l'Internationale socialiste, là où ses prédécesseurs ont trébuché.
Jacques Chirac avait été accueilli dans la liesse en 2003 et 2004. Mais l'année suivante, une loi visant à reconnaître équitablement dans les manuels scolaires français 'le rôle positif' de la colonisation avait durablement plombé les relations franco-algériennes.
Quant à Nicolas Sarkozy, il avait séduit les Algériens en décembre 2007 mais la réception dans la foulée de sa visite d'associations de Harkis avait rompu le charme.
François Hollande et son homologue algérien depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika (né au Maroc en 1937), président d'honneur du FLN (Front de libération nationale) tenteront donc de tourner la page de ces espoirs déçus par une 'déclaration conjointe' à défaut d'un traité d'amitié. A 25 ans, Bouteflika fut ministre de la Jeunesse et du Tourisme dans le gouvernement du président Ahmed Ben Bella.
Il n'y a aucune urgence à pactiser avec les survivants: en 1958, Bouteflika fut en effet promu par Houari Boumédiène et s'éleva dans la hiérarchie du FLN de la Wilaya V jusqu'au PC de l’état-major général (1960).
Kad Merad, intercesseur
Depuis la prise de fonctions du président français en mai, jamais une délégation n'était arrivée à ce point en force à l'étranger: près de 200 personnes dont neuf ministres, une douzaine de responsables politiques, une quarantaine d'hommes d'affaires, des écrivains, des artistes dont le réalisateur Djamel Bensalah (Neuilly sa mère, né à Saint-Denis, 9.3), groupe de musique kabyle Djurdjura, la chef d’orchestre Zahia Ziouani, le metteur en scène Bernard Murat (né à Oran en 1941), l’historien socialiste spécialiste de l’Algérie, Benjamin Stora, et le comédien Kaddour Merad, né à Sidi Bel Abbès en Algérie, d’un père algérien et d’une mère berrichonne, deux ans après l'indépendance de son pays et très populaire en France, sans compter la moitié de l'effectif de la troupe de dévôts, une centaine de journalistes "indépendants".
VOIR et ENTENDRE le judoka français Djamel Bouras, né de parents algériens, exprimer son incompréhension du comportement d'Algériens qui sifflèrent l'hymne national, lors de la rencontre amicale France-Algérie de football de 2001, alors que le ministre de l'Agriculture de Lionel Jospin, Jean Glavany, minimise le scandale sur le plateau de Thierry Ardisson:
'C'est l'illustration de l'importance politique mais aussi symbolique et économique que le président de la République attache à ce déplacement', commente le porte-parole diplomatique de l'Elysée, Romain Nadal. 'Elle correspond aussi à la volonté des Algériens d'assurer le renouveau de la relation', assure-t-il.
Des prises d'intérêts réciproques
Des enjeux diplomatiques
Le chef de l'Etat algérien a dit en attendre un 'partenariat d'exception', tandis que le président Hollande souhaite aussi nouer 'un dialogue politique sur les grands enjeux internationaux', à commencer par le Mali. La France voudrait obtenir l'appui du dictateur algérien à une intervention internationale dans le nord de ce pays, contrôlé par des islamistes radicaux.
La France semble déterminée à obtenir la libération de ses six otages détenus au Mali, Philippe Verdon et Serge Lazarevic, deux Français enlevés en novembre 2011 par Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Des enjeux économiques
'L'Algérie et la France vont procéder à la signature de 7 à 8 accords touchant plusieurs secteurs dont la défense, l'industrie, l'agriculture, la culture, l'enseignement et la formation', a indiqué pour sa part Abdelmalek Sellal, le Premier ministre algérien
L'un d'eux, âprement négocié, portera sur la construction près d'Oran (Ouest) d'une usine de montage de Renault (bien que privatisée depuis 1996) susceptible de produire à compter de 2014 au moins 25.000 véhicules par an.
Un discours pour la jeunesse
Jeudi, au deuxième et dernier jour de sa visite d'un pays à la démographie galopante, le président français adressera un discours à la jeunesse algérienne privilégiée en rencontrant les enfants des cadres dirigeants à l'université de Tlemcen. 'Il soulignera à cette occasion que les questions d'éducation, d'échanges universitaires et de formation seront au coeur de l'agenda bilatéral', selon Romain Nadal.
Pourquoi le 19 mars 1962 est-il une faute ?
Mémorial du quai Branly,
pour commémorer les conflits d'indépendance d'Algérie
dans les départements français d'Algérie
et du Sahara, et ceux situés dans les protectorats français du Maroc et de Tunisie, (1952-1956,
puis 1961 pour la crise de Bizerte)
Le 19 mars 1962 ne marqua pas la fin réelle des hostilités, du fait des activistes des deux bords, à la fois OAS et FLN, car de nombreuses victimes (1565 harkis et Pieds-noirs) furent massacrées jusqu'en 1964, ce qui justifie la contestation de la légitimité de cette date et la préférence de celle du 5 décembre 2002, jour retenu par Jacques Chirac, de l'inauguration à Paris en 2003 du "Mémorial National de la Guerre d'Algérie (1952-1962) et des Combats du Maroc et de la Tunisie" dédié aux militaires morts en service commandé par les gouvernements.
Hollande a manqué l'occasion de marquer du respect à tous en faisant le choix d'une date unique pour commémorer les grands événements de l'histoire militaire entre la France et l'Algérie, une date qui aurait enfin réuni les différentes sensibilités. Une sorte de "Mémorial Day" méditerranéen à la française qui ne mêlerait pas les morts des deux grandes guerres mondiales à un drame régional, dans un amalgame visant à les fondre avant dissolution dans les mémoires.
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