L'Acte 23 des Gilets jaunes a été l'occasion de règlements de comptes de l'Etat avec la presse non alignée
Après des incidents avec les forces de l'ordre, le Syndicat national des journalistes (SNJ) et Reporters dans frontières (RSF) font état d'atteintes à la liberté d'informer.
Deux journalistes en garde à vue, plusieurs touchés par des grenades de désencerclement… Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et Reporters sans frontières (RSF) ont dénoncé dimanche des atteintes à la liberté d’informer après des incidents entre forces de l’ordre et journalistes samedi lors de l’acte 23 des Gilets jaunes. "Il y a eu plusieurs interpellations de journalistes et d’autres incidents", a révélé Vincent Lanier, premier secrétaire national du SNJ, suite notamment à l’interpellation de deux reporters indépendants à Paris, Gaspard Glanz et Alexis Kraland (reporter indépendant de 'Street Politics').
Ces deux poils à gratter de Macron ont été placés en garde à vue samedi, notamment pour "participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations", selon le Parquet de Paris.
COMMUNIQUÉS DE PRESSE23e samedi des Gilets Jaunes : respectez la liberté de manifester et d’informer !A la veille du 23e samedi de manifestations des Gilets Jaunes, le syndicat national des journalistes (SNJ), première organisation de la profession, constate :- que le gouvernement n’a toujours pas proposé de solution politique en réponse aux revendications sociales des femmes et des hommes qui manifestent depuis plus de cinq mois dans notre pays ;- que les manifestant(e)s sont soumis(e)s à des entraves dans leurs droits constitutionnels ;- que les forces de police et de gendarmerie utilisent des matériels dangereux à l'encontre des citoyen(ne)s ;- que loin de laisser la presse faire son travail, de nombreux témoignages (comme la semaine dernière à Toulouse) démontrent que les forces de l’ordre agissent brutalement contre les journalistes, comme en témoignent les 62 signalements effectués par notre confrère David Dufresne.Le SNJ rappelle qu’il est aux côtés des journalistes victimes et interpelle les ministres concernés :La France ne doit pas devenir un pays de non-droits.Respectez et faites respecter la liberté de manifester et d’informer !Paris, le 19 Avril 2019
"Assurer la sécurité des manifestants et des journalistes"
Le ministère de l’Intérieur répète à l'envi que "les forces de l’ordre sont mobilisées chaque samedi pour empêcher les violences, assurer la sécurité des manifestants, mais aussi celle des journalistes, régulièrement – et ce samedi encore – prises à partie. Si des journalistes sont interpellés – ce qui peut arriver – ils ne le sont évidemment pas ès qualités mais en raison des infractions relevées" (déclaration du dimanche 21 avril) .
"Une pente très dangereuse"
"On commence à se poser des questions : est-ce qu’il n’y a pas une volonté déterminée d’intimider notamment les photographes sur le terrain ? On a l’impression que certains sont ciblés", a dénoncé Vincent Lanier du SNJ. "Il y a des tensions, c’est vrai, sur le terrain entre des policiers et des photographes, mais de là à interpeller, il y a un gros problème. On est sur une pente très dangereuse par rapport à la liberté d’informer, c’est la liberté de la presse qui est menacée", a-t-il insisté.
La question est de savoir si ils ont reçu des consignes de leur hiérarchie et à quel niveau supérieur.
"Le nombre d’incidents depuis le début du mouvement des Gilets jaunes qui visent autant des journalistes professionnels et non professionnels clairement identifiés "Presse" au moment où ils sont en train de filmer ou photographier entrave le travail de la presse et limite de facto la captation d’images de ces événements qui sont par nature d’un intérêt crucial pour le public" [et la démocratie], a de son côté regretté Catherine Monnet, rédactrice en chef adjointe à RSF. "Cela va à l’encontre du droit et de la liberté fondamentale d’informer.
Les journalistes doivent pouvoir couvrir librement ces manifestations afin de pouvoir rapporter leur déroulement et les agissements des manifestants comme celui des forces de l’ordre", a-t-elle rappelé.
Plusieurs journalistes blessés
Plusieurs journalistes ont été blessés samedi lors des manifestations, alors que les anarcho-révolutionnaires du Black bloc s'étaient très peu mobilisés. 21 personnes ont été interpellées à titre préventif et placées en garde à vue.
Touché par une grenade de désencerclement envoyée en cloche. Quand j’ai vu la grenade dans les airs, je me suis tourné. Deux impacts, l’un avec une plaie au mollet droit et une trace au dos. Aucune idée si c’était intentionnel ou non. #Toulouse #GiletsJaunes— Kevin Figuier (@Keu20Figuier) 20 avril 2019
En milieu d'après-midi, la police avait procédé à Paris à 189 interpellations et à plus de 17.500 contrôles préventifs, selon la préfecture.
A 16h, 122 personnes avaient été placées en garde à vue dans la capitale, dont 4 mineurs.
A Toulouse, deux journalistes ont été touchés par une "grenade de désencerclement", selon leur témoignage ou celui de leur employeur.
Lors de la 22e journée de mobilisation à Toulouse samedi 13 avril, la répression policière a été d’une forte intensité.
La presse a été particulièrement ciblée.
SEPT journalistes ont été la cible de violences physiques de la part de la police et des CRS.
Une journaliste de TVBruits a été blessée à la tête par une grenade lacrymogène, elle a été soignée immédiatement par une équipe de streetmedics de La Rochelle et est hors de danger.
Un journaliste filmant en live pour le site 'Révolution Permanente' a été blessé par une grenade explosive de désencerclement reçu au niveau des jambes.
Deux journalistes ont été violemment agressés rue Merly. Un policier de la BAC a arraché le sac à dos de la journaliste, puis la bousculée et jetée au sol, arraché son casque, lui a donné plusieurs coups de matraque, un coup de pied. Le photographe a côté d’elle a tenté de la protéger, il a reçu plusieurs coups de matraque et coup de pieds, son matériel a été cassé.
Un cinquième nom se rajoute [s'ajoute] à la liste des journalistes frappés par la police samedi 13 avril à Toulouse. Il s’agit du caméraman de l’émission Quotidien sur TMC, frappé à coups de matraque quand lui aussi essayait de sortir de la nasse policière de 12h, allée Jean Jaurès.
Un photographe a reçu un coup de matraque ayant cassé son objectif rue Alsace Lorraine.
Un photographe a été plaqué au sol avec son trépied, son matériel cassé, rue Alsace Lorraine.
Face à une telle situation, nous tenons à interpeller citoyens et responsables politiques sur les dérives autoritaires de l’état constituant une atteinte à la liberté de la presse, qui se joint à une atteinte à la liberté d’expression et de manifestation.
Nos équipes présentes de 9h30 à 19h sur le terrain n’ont à aucun moment été la cible d’agressions verbales ou physiques de la part des manifestants gilets jaunes et ne nous ont pas empêchés de faire nos reportages. Comme lors des 21 manifestations précédentes organisées par les Gilets jaunes.
TVBRUITS
A Paris, un photographe de l’Agence France-Presse "a reçu une grenade lacrymogène dans les jambes" et a "pris un coup, hors action" d’un policier, a indiqué son rédacteur en chef photo France Olivier Morin.
Une vidéaste de l’AFP a également indiqué que sa chaussure avait pris feu après le tir d’une grenade de désencerclement. Elle a été prise en charge par des " treet medics".
Phénomène préoccupant, une libération de la parole contre la profession et une rhétorique anti-média dans bon nombre de démocraties s’est installé en Europe en 2018. RSF ne se préoccupe pas des motifs de colère dans la population; il élude. Les journalistes sont déclarés persona non grata, menacés et insultés par des personnalités qui sont au plus haut sommet du pouvoir. Cette tendance s’amplifie, notamment en France (32e, +1), où le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a estimé que la haine des journalistes était “saine et juste”. Elle est proportionnée à la désinformation et au parti-pris.
Je sors d'une interview avec FR3 pour un sujet pour le JT du soir sur les arrestations de journalistes, et un collègue qui s'apprêtait à vendre des images de mon interpellation de samedi m'informe que le sujet est annulé sur ordre de la rédaction en chef #Censure?#FreeGaspard— Alexis Kraland (@akraland) 22 avril 2019
Mercredi 4 avril 2018, Street Politics avait déjà alerté les démocrates : "la police réprime à la manif des cheminots"
"Etudiant-e-s, postiers, enseignants, salariés d'Air France... Partie de gare de l'Est, la manifestation des cheminots appelée par Sud-Rail et Force Ouvrière a rassemblé 5.000 personnes. Bloquée par les forces de police, la manifestation n'a pas pu rejoindre le point d'arrivée, Saint-Lazare, pourtant déposé en préfecture, et a été dispersée aux alentours de Notre-Dame-de-Lorette. La police a réprimé violemment, nous relayons ci-dessous la vidéo tournée par Street Politics."
Interpellé samedi lors de l'Acte XXII des Gilets jaunes, le journaliste indépendant Gaspard Glanz sera jugé pour "outrage", le 18 octobre. Dans l'attente, il est interdit de venir à Paris chaque samedi avant son procès, dans six mois.
🔴Gaspard Glanz (@GaspardGlanz) est interdit d’apparaître à #Paris le 1er mai ainsi que les samedis jusqu'à son audience le 18 octobre pour outrage. Réaction de ses avocats. #GaspardGlanz #FreeGaspard pic.twitter.com/CrzPIqfqk6— Charles Baudry (@CharlesBaudry) 22 avril 2019
Pour son avocat, les poursuites contre son client sont une forme de pression politique. Il dénonce notamment le deuxième chef d’infraction initialement retenu contre son client lors de sa garde à vue : "Le motif de participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations est un délit qui punit une intention et non pas des actes. Gaspard Glanz, comme des milliers de manifestants, est mis en cause en raison de ce texte et nous espérons que celui-ci sera abrogé", assure-t-il.
Lundi, à 10 heures, une cinquantaine de personnes s’étaient rassemblées devant le commissariat où M. Glanz était gardé à vue.
Selon la rubrique CheckNews de Libération, Gaspard Glanz avait auparavant interpellé le groupe de CRS, demandant à parler "au commissaire" après avoir été visé par un tir de grenade lacrymogène consécutif à un doigt d’honneur contre un policier. Une source judiciaire précise au Monde que sa garde à vue avait justement été prolongée dimanche afin de "permettre la poursuite des investigations en présence de la personne".
Une vieille connaissance de la police : en 2016, Glanz avait été placé en garde à vue alors qu’il couvrait le démantèlement de la 'jungle' de Calais.
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