Défiance et obstruction contre ouverture et concertation
Il fut un temps où la CGT et la CGT-FO étaient ouvertes aux réformes sociales. Les mauvais sentiments qui les animent désormais leur font oublier sereinement l’intérêt général, tant elles sont préoccupées de leurs survies. Des défaites répétées, des espoirs déçus, et des aigreurs tenaces les poussent en effet à faire obstacle par principe. Elles opposent l’ultimatum et le chantage en préalable à toute tentative de dialogue. Les adhésions se font rares et les mobilisations de plus en plus intimistes, malgré l’écho hors de proportion assuré par les médias. Leurs actions sont animées par le désespoir. Ce désespoir qui pousse au suicide. Elles entraînent leurs troupes colorées et vieillissantes dans des rassemblements, manifestations et actions mal préparées et d’arrière garde vouées à l’échec. Elles font des tests de mobilisations en plein été et dénombrent leurs immigrés et leurs retraités qui se déplacent encore : les uns veulent exprimer un vague espoir, les autres, nostalgiques, tentent de faire revivre le passé. Les dirigeants se tournent vers les agences de presse pour donner de l’importance à ces sursauts qui annoncent la fin.
Il faut se faire une raison, les jours meilleurs sont bel et bien révolus et aussi celui d’un dialogue social constructif. Comment dans ces conditions procéder aux réformes que la situation et les mutations du monde moderne imposent ? Est-il devenu impossible d’arriver à un consensus avec les principales confédérations syndicales ? Le congrès de la CGT-Force ouvrière qui s’est tenu fin juin à Lille tend à le faire penser. Sans compter les unions syndicales qui occupent la rue, font du spectacle et mobilisent l'opinion, quand ils ne l'effraient pas... D’autant que des syndicats extrêmistes minoritaires comme l’UNSA ou non représentatifs comme SUD font beaucoup de volume dans la presse et entraînent la CGT et CGT-FO dans une fuite en avant aux effets ravageurs.
Au temps de Robert Bothereau et d’André Bergeron, FO était encore réformiste, mais s’est fourvoyée dans la contestation systématique de la société sous Marc Blondel. Avec Jean-Claude Mailly, elle est plongée dans l’ambiguïté. Il faut dire que les trotskystes la noyautent mais doivent composer avec quelques les minorités et veillent à ne pas se dévoiler tels qu’en eux-mêmes à l’opinion. A la tribune du congrès, Mailly affirma donc l’indépendance politique de la confédération, implicitement évoqua Bergeron et fit l’impasse sur la revendication du retour aux 37 ans et demi de cotisation pour les retraites et acceptait les 40 annuités, quitte à s’arc-bouter pour qu’on n’aille pas au-delà et à éructer ses menaces devant la presse.
En interne et à la surprise générale, l’appui que lui apportèrent dans ce repli apparent les trotskystes du courant lambertiste aurait dû retenir l’attention. La tactique consistait à satisfaire le courant opposé, réformiste, à condition de contreparties. A l’issue des derniers débats, à l’unanimité furent en effet votées des motions traduisant une raideur accrue de FO et destinées à lier les mains de Mailly lors des négociations: pas de service minimum dans les services publics, pas de contrat de travail unique, ni à droits progressifs… FO cherche à faire illusion auprès de l’opinion en donnant l’image d’un syndicat moderne qui ne serait pas hostile à l’idée de réformer : on lâche sur la notion, mais on fait obstacle sur le concret et dans la rue.
A la CGT, la direction est toujours sous la tutelle des communistes les plus réactionnaires et donc au diapason sur le fond. Ce n’est donc pas demain la veille que le gouvernement obtiendra la concertation syndicale qu’il recherche. Il lui faudra ou céder, ou passer en force. Or, le CPE a fourni l’occasion de démontrer que ses députés n’en ont pas la détermination politique requise ni le courage personnel. La différence, toutefois ? Ils n’entrent pas en période d’élection : ils sortent des législatives.
En somme, sur aucun de ses projets sociaux le gouvernement ne pourra compter sur un parlement combatif ni sur un assouplissement de la position négative de la confédération. Les trotskystes tiennent toujours solidement la direction et restent rebelles à tout compromis, à toute concession, à toute réforme, même s’ils ne sont pas toujours suivis par la base.
L’objectif n’est donc pas pour les anti-libéraux de la CGT et de FO de sauvegarder les acquis sociaux, mais de contrecarrer l’action politique du président sur ses engagements de campagne.
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