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jeudi 12 septembre 2019

Richard Ferrand (LREM), mis en examen pour "prise illégale d'intérêts"

L'affaire des Mutuelles de Bretagne rebondit, mettant le quatrième personnage de l'Etat en difficultés

En 'république des copains', la "moralisation de la vie publique" ne passe pas par les amis du président  

Résultat de recherche d'images pour "macron ferrand"En termes d'exemplarité, ça va mal pour la majorité présidentielle, mais gageons que l'ami du président sera blanchi, comme la police par l'IGPN ou l'ex-ministre démissionnaire de la Transition écologique, F. de Rugy, par deux rapports d'enquête - de l'Assemblée et de Matignon - sur ses "dîners fastueux"... 

D
ans la nuit du mercredi 11 au jeudi 12 septembre à Lille (Nord), le président LREM de l'Assemblée nationale a été
mis en examen, pour "prise illégale d'intérêts", dans l'affaire immobilière des Mutuelles de Bretagne. Il a été entendu par trois juges d'instruction lors d'un "interrogatoire de première comparution" au tribunal de grande instance de Lille, où l'affaire a dû être dépaysée.
C'est en mai 2017 que celui qui vient tout juste d'être nommé ministre de la Cohésion des territoires est mis en cause par le Canard Enchaîné, en 2011, pour des "tractations immobilières" (RTL) impliquant sa compagne.
Les Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était alors le directeur général, souhaitant louer des locaux commerciaux à Brest, avaient choisi, entre trois propositions, celle d'une société immobilière appartenant à sa compagne, dont le nom  - Sandrine Doucen - n'apparaissait pas. En plus d'une rénovation complète des locaux payée 184.000 euros par la mutuelle, la SCI de sa maîtresse a vu la valeur de ses parts "multipliée par 3.000" six ans plus tard, écrivait le Canard. Richard Ferrand assure qu'il s'agissait de "la meilleure offre".
La première enquête avait été classée sans suite, à... Brest.
Le 1er juin 2017, le procureur de la République de Brest annonce l'ouverture d'une enquête préliminaire. L'association Anticor adresse de son côté au parquet de Brest une plainte contre X pour abus de confiance. Une perquisition est alors menée dans les locaux des Mutuelles de Bretagne.

Mais dès octobre de la même année,
le Parquet classe l'enquête sans suite. Le procureur - dépendant du ministère de la Justice occupé par Nicole Belloubet - invoque notamment la prescription de l'action publique s'agissant d'un éventuel délit de prise illégale d'intérêts. "Les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie" ne sont elles "pas constituées, faute d'un préjudice avéré", dit-il.
Le 9 novembre,
Anticor porte une nouvelle fois plainte, mais à Paris, pour prise illégale d'intérêt et recel, avec constitution de partie civile. 

L'ami du président se déclare alors "serein".
C'est dans le cadre de l'information judiciaire ouverte en janvier 2018 à la suite de cette plainte que Richard Ferrand a été entendu ce 12 septembre, puis mis en examen. Le président de l'Assemblée nationale assure avoir pris "acte de cette mesure procédurale [la macronie insistera en boucle sur cet aspect] qui va lui permettre de pouvoir se défendre dans ce dossier". Dans un communiqué publié aussitôt dans la nuit, comme si il était prévenu, il dit rester "serein sur l'issue de la procédure, au regard du classement sans suite de l'ensemble des griefs de la première plainte" en octobre 2017, "d'autant plus qu'aucun élément nouveau n'a été versé à ce dossier dans lequel il n'y a ni préjudice ni victime".
Il assure pour conclure qu'il ne compte pas céder sa place au perchoir. 

La macronie serre les rangs 


Résultat de recherche d'images pour "république des copains"Alors qu'il l'avait déjà soutenu au moment de la révélation de l'affaire en 2017, Macron a renouvelé sa confiance à Richard Ferrand, jeudi. 
Plus tôt dans la matinée, le président du group La République en marche (LREM) à l'Assemblée, Gilles Le Gendre, s'y est collé, en bon petit soldat, avait également, déclarant sur franceinfo : "Je ne doute pas que l'examen des faits démontrera son intégrité."

"Une instruction n'est pas une condamnation", déclare Aurore Bergé sur RTL. Et la porte-parole du groupe des députés LREM de décider : "il n'y a aucune raison que l'on oblige Richard Ferrand à démissionner de son poste de président de l'Assemblée Nationale."

Edouard Philippe exprime son "amitié" et son "soutien total" à Richard Ferrand. Le collaborateur de Macron ne pouvait faire moins. Pour ça, Edouard Philippe s'était invité chez ses amis de TF1 ce jeudi soir. Au JT de 20h00, il a tenu à assurer de son soutien Richard Ferrand, mis en examen dans la nuit de mercredi à jeudi pour "prise illégale d'intérêts" dans l'affaire de conflit d'intérêts immobiliers des Mutuelles de Bretagne

"En tant que premier ministre, je ne peux pas m'exprimer sur la décision de justice, pour des raisons liées à la séparation des pouvoirs. Mais en tant qu'Edouard Philippe, permettez-moi de dire que l'amitié est réelle, le soutien total, et [que] j'ai confiance en sa capacité à faire valoir son innocence. Je vais reprendre les mots de Jean-Luc Mélenchon quand il rappelle que la présomption d'innocence dans une démocratie existe. [...] Ces mots ne sont pas des mots vides de sens", a-t-il tenté de convaincre. 
"J'y suis, j'y reste" (général Mac Mahon), assure le mis en examen.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, Richard Ferrand s'est dit "déterminé à poursuivre [sa] mission". 



Anticor ne lâche pas l'affaire : il "doit partir", insiste l'association anti-corruption
Résultat de recherche d'images pour "république des copains"
Jérôme Karsenti, avocat d'Anticor qui s'est portée partie civile dans ce dossier, a expliqué sur franceinfo : "Pour nous, Richard Ferrand doit partir, en raison de l'équilibre des pouvoirs et de la manière dont les institutions doivent fonctionner". Il a également jugé que "cette mise en examen [va] perturber les institutions".
Jérôme Karsenti souligne aussi les "vicissitudes" de ce dossier, passé d'abord entre les mains d’un parquet de Brest dont il questionne l'indépendance.

Entretien de l'avocat d'Anticor avec France Info:
Franceinfo : Espériez-vous cette mise en examen ?<:b>

Jérôme Karsenti : On l'attendait. Depuis le début de cette affaire, nous pensons qu'une infraction a été commise par Richard Ferrand. Nous avons été heurtés par la décision du procureur de la République de Brest [qui a classé sans suite l'affaire]. Nous avons poursuivi devant le pôle national financier de Paris. Puis ce dossier a été dépaysé à Lille. Il a donc subi des vicissitudes. Et cela se termine, dans un premier temps, par cette mise en examen de Richard Ferrand.

Dans un premier temps, l'affaire avait donc été classée sans suite, pour cause de prescription. Pourquoi ce n'est plus le cas aujourd'hui ?

Seul le procureur de la République s'était prononcé en ce sens. Mais le procureur n'est pas une autorité judiciaire indépendante en France. Le procureur est l'agent du ministère public, sous contrôle du pouvoir exécutif, à savoir le garde des Sceaux. Il y a donc une sorte de pudeur morale ou politique du parquet. Et c'est pour cela qu'avait été créé le parquet national financier [PNF], afin de s'occuper des affaires politico-financières avec rigueur et indépendance. Des valeurs acquises par ce parquet national financier. En revanche, quand le parquet de Brest s'occupe de l'affaire et quand on sait l'influence que Richard Ferrand peut avoir sur cette région de Bretagne, on peut se douter que la décision n'a pas été prise en toute indépendance.

Richard Ferrand a affirmé à nouveau qu'il ne démissionnera pas de ses fonctions. La présomption d'innocence doit-elle lui profiter, comme tout autre citoyen ?

La présomption d'innocence lui profite. La question n'est pas là. La question est de savoir s’il peut exercer ses fonctions avec toute l'indépendance et la sérénité requises. Est-ce que cette mise en examen ne va pas perturber toutes les institutions françaises, surtout lorsque l'on connaît l'importance de l'Assemblée nationale en France ? A Anticor, nous pensons donc que cette mise en examen va perturber les institutions. Et on comprend mal la différence d'interprétation qu'il y a chez Richard Ferrand. Lorsque cette affaire débutait, il avait préféré partir du gouvernement et ne pas prendre le perchoir à l'Assemblée. Et aujourd'hui, alors qu'il est mis en examen, il estimerait qu'il n'y a plus de problème. Cela démontre que cette idée que le gouvernement se faisait de la moralisation de la vie publique semble un peu passée.

Selon vous, il doit donc partir ?

Il doit partir, oui. Et ce en raison de l'équilibre des pouvoirs et de la manière dont les institutions doivent fonctionner.

Dans cette affaire, Richard Ferrand invoque la séparation des pouvoirs. Il estime que le Parlement est indépendant de la justice, et que son sort ne peut donc pas dépendre des juges...

C'est incroyable de penser cela. Depuis Montesquieu, on sait que l'équilibre de pouvoirs réside dans l'exercice des contre-pouvoirs. La justice est un contre-pouvoir efficace face à l'abus des autres pouvoirs, en l'espèce celui du Parlement. Aujourd'hui, la justice avance et elle exerce son rôle de contre-pouvoir.

François Bayrou a démissionné sur une simple information judiciaire. Il n'était pas mis en examen. Faudrait-il qu'il y ait une même règle pour tous les ministres ?

Il devrait y avoir un principe qui s'impose à tous. Faut-il légiférer ? C'est délicat. Mais en tout état de cause, la responsabilité de ceux qui ont des fonctions de représentation démocratique devrait les amener à démissionner quand ils ne peuvent plus exercer leur mandat avec sérénité.


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