Les communes ne peuvent plus payer la réforme et demande une aide de 640 M€ à l'Etat
Le bilan de la réforme des rythmes scolaires est mitigé
Ecole-garderie, sous le régime de l'état d'urgence |
Trois ans après son adoption, sur le bureau des élus locaux, la réforme des rythmes scolaires est toujours classée dans la pile des problèmes à résoudre. C'est ce que révèle une enquête réalisée par l'Association des maires de France (AMF) auprès de 5.500 communes.
Les aides actuelles de l'Etat (440 M€ par an) ne suffisent pas et, de surcroît, le contenu de ces ateliers est très différent d’une commune à l’autre, donc inégalitaire et discriminatoire, souligne François Baroin (LR), maire de Troyes (Aube) et président de l'AMF. "Il faut faire un saut qualitatif, maintenant qu’on a passé la phase de mise en place", abonde la sénatrice Françoise Cartron (PS), maire d'Artigues près de Bordeaux, et aussi vice-présidente du conseil régional d'Aquitaine et encore vice-présidente de la communauté urbaine de Bordeaux. François Baroin demande donc au gouvernement de faire face à ses responsabilités en décidant une rallonge budgétaire pour consolider les nouveaux temps scolaires.
Dans l'étude menée par l'AMF, 70 % des maires confient des difficultés persistantes dans la mise en place des nouveaux rythmes scolaires. Quelles sont-elles ?
François Baroin: Il y a d'abord un problème financier : le coût est très supérieur à ce qui avait été annoncé.
Ensuite, la réforme est jugée inadaptée aux classes de maternelles. La fatigue constatée des tout-petits, liée à un temps de présence plus long en collectivité et des siestes parfois écourtées, est incontestable.
Il a aussi fallu trouver en urgence des animateurs, qui n'étaient pas toujours formés.
Enfin, le retour de l'école le mercredi matin a déstabilisé tout le tissu associatif local. Au total, il apparaît que cette réforme ne prend pas pleinement en compte les spécificités territoriales, et sa mise en oeuvre reste difficile.
Aujourd'hui, près de trois enfants sur quatre prennent part à des activités sportives ou culturelles, alors que beaucoup en étaient exclus jusqu'ici [ce qui reste à démontrer, puisqu'existaient des possibilités nouvelles, déjà financées par les communes, telles que les piscines intercommunales, jusqu'en Ardèche. Mais 25% d'enfants restent discriminés, si tant est qu'ils soient demandeurs de temps encadré, plutôt que d'un peu de temps libre].
N'est-ce pas un progrès ?
C'est un des éléments positifs de la réforme constatés par les maires. Il y a aussi une meilleure coopération des acteurs locaux de l'éducation que sont l'école, les associations, les parents, les élus [qui ont beaucoup donné de leurs personnes]. Mais ces points sont minoritaires par rapport à la permanence de difficultés qui, au bout de deux, puis trois ans, auraient dû s'estomper.
Faut-il abroger la réforme ?
La revendication des maires ne porte pas sur la remise en cause de la réforme, mais sur son financement. On ne peut pas demander à des petites communes rurales de porter à bout de bras un aménagement de cette nature, sans accepter son prix réel. L'Etat nous a vivement encouragés à embaucher des contrats aidés, et il a fallu gérer des contraintes réglementaires, les questions de sécurité, l'aménagement général, l'organisation des transports scolaires... Tout cela a un coût. Pour nous, c'est une négociation à 640 M€.
Il n'est pas question de remettre en cause la réforme, alors que le bilan que vous en tirez est plutôt négatif. Quel paradoxe !
Certains dans le débat politique veulent revenir sur la réforme, il y aura un débat à ce sujet après la présidentielle, en cas d'alternance. Mais l'Association des maires de France, aujourd'hui, dans sa pluralité politique, a un consensus. Il ne faut pas se tromper dans l'interprétation de cette position : la réforme a été tellement difficile à mettre en oeuvre, et on est sortis tellement essorés de l'application de ce projet, qu'en réalité les maires ne veulent plus en entendre parler. C'est cela, la vérité.
Votre parti propose dans son projet de réduire le nombre d'enseignants. Il est étonnant de demander à l'Etat, en même temps, davantage de moyens pour financer des activités périscolaires...
Je ne suis pas schizophrène. Qu'il faille faire un effort pour assainir les finances publiques, personne ne le conteste. Mais les saignées du gouvernement sont telles qu'elles menacent nos services publics locaux et notre rôle d'investisseur pour le développement de nos territoires. L'Etat a décrété un aménagement des rythmes scolaires. Il ne serait pas choquant qu'il paye à 100 % une réforme qu'il a imposée.
Qui sont les animateurs ?
Dans 90 % des communes, les activités périscolaires sont assurées — totalement ou en partie — par des intervenants extérieurs, dont un large contingent de bénévoles (43 %) [les intermittents -quand ils sont compétents, pourraient saisir ces opportunités de justification de leurs allocations].
Il peut aussi s'agir de professionnels d'associations d'éducation populaire [dont la plupart sont marquées à gauche], de clubs sportifs, d'animateurs indépendants auto-entrepreneurs ou d'enseignants [puisque tous ne consacrent pas leur temps libre à arrondir leurs fins de mois en travaillant pour Acadomia, selon la caricature de Ségolène Royal, alors candidate à la présidentielle 2007].
"Nombre d'élus ont fait part de problèmes de fidélisation du personnel recruté, en raison parfois du niveau d'absences [!], voire de démissions en cours d'année constatées", relève le rapport de l'AMF, qui impute ces difficultés "à la faible attractivité des temps d'activités proposés et au manque de personnels qualifiés en nombre suffisant".
Une pénurie qui préoccupe aussi certains parents d'élèves. Au siège de la fédération PEEP, on reçoit régulièrement "des courriers de familles qui s'inquiètent pour la sécurité des enfants. Les animateurs peuvent avoir parfois des discours ou des comportements inappropriés" [cf. leur idéologie de militants, voire leur prosélytisme], relève Valérie Marty, la présidente de la PEEP.
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