Huit régions s’associent pour reprendre en main l’achat de leurs trains régionaux
Sans attendre le vote du Parlement
L’achat et la maintenance des TER ne seront plus gérés longtemps par la société nationale. Les régions, qui ont acheté 1.500 trains depuis 2002 ne veulent plus se contenter du rôle de financeurs.
Une cascade de révélations concertées
Huit conseils régionaux ont décidé de se constituer en " association d’étude" d’ici à la fin de l’année afin de reprendre en main l’achat de leurs trains régionaux. Cet objectif a été annoncé jeudi après midi, lors du congrès annuel de l’Association des régions de France (ARF), mais aussi au lendemain de la révélation complice du Canard enchaîné que le gabarit élargi des nouveaux TER ne permet plus leur entrée en gare...
Y a-t-il un conducteur dans le TER ?
Ces CR prennent d'autorité la décision de négocier directement avec les constructeurs de trains, le français Alstom, le canadien Bombardier, l'entreprise privée française Lohr Industrie et les autres. Les coalisés, qui ont bien l'intention de rallier l’ensemble des régions françaises, revendiquent aussi la pleine propriété des matériels acquis. Les régions, qui sont responsables des trains express régionaux (TER) depuis la décentralisation de 2002, se satisfaisaient de subventions nationales pour le financement des rames, laissant donc RFF propriétaire du réseau et intermédiaire dans les commandes de rames.
L’initiative des huit régions, toutes socialistes (Pays de Loire, Rhône-Alpes, Aquitaine, Bourgogne, Auvergne, PACA, Picardie, Ile-de-France), s’inscrit dans le cadre de la réforme ferroviaire qui devait être examinée par le Parlement début 2014. En juillet 2013, Frédéric Cuvillier, alors ministre délégué aux Transports, avait indiqué que "l'embouteillage" des projets de loi présentés en Conseil des ministres sacrifiait la présentation du texte devant celui-ci à la rentrée, avec un examen par l'Assemblée "le plus tôt possible"... En effet le printemps 2013 avait été dédié au sociétal et prioritairement à la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, publiée au Journal officiel du samedi 18 mai 2013.
Les visées des présidents de régions portent sur des volumes d’achat considérables. Depuis 2002, l'ensemble d'entre elles a acquis 1.500 trains représentant une dépense supérieure à 5,8 milliards d’euros. Et les commandes en cours portent sur 2,5 milliards d’euros. "Nous payons les lycées et nous en sommes les propriétaires. Pourquoi pas les trains ?", s’interroge Jacques Auxiette, président de la région des Pays de la Loire et de la commission Transports de l’ARF. Et d’estimer que "cette pratique fait que nous avons 30 ans de retard sur les agglomérations et autres autorités organisatrices de transport."
La co-gestion de la SNCF manque de transparence
Les collectivités instrumentalisent l'usager promettant de mieux définir les cahiers des charges "du point de vue voyageur." Jacques Auxiette estime que, sur cet aspect, les exigences de la SNCF sont trop ténues. En contrôlant les achats, les régions ne promettent pas d'éviter les ratés et les couacs de la SNCF, mais ont le sentiment qu’elles maîtriseront mieux les procédures d’achat, les délais, les coûts de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre, ainsi que la gestion de l’après-vente avec le constructeur. Car si la question de la maintenance des matériels reste à explorer, Jacques Auxiette évoque la possibilité que celle-ci soit directement assurée par les constructeurs, comme c’est le cas dans d’autres pays.
Au-delà de cette volonté de puissance, les régions accusent l’opérateur ferroviaire d'un manque de transparence. "Il ne faut pas que la SNCF le prenne mal, mais son calcul des coûts n’est pas toujours facile à expliquer", dénonce le président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, qui souligne cependant que la maintenance des trains régionaux, "c’est une méchante servitude. La dépense devient très vite importante".
Alain Rousset, président de la région Aquitaine et de l’ARF, a également rappelé que Bordeaux a récupéré 260 millions d’euros en partie liés aux frais de siège après avoir audité le service de l’eau. "Il serait intéressant de faire la même chose avec la SNCF dont on ne voit pas à quoi servent ces frais de siège", ajoute-t-il.
Jacques Auxiette avoue que la nouvelle association sera "le premier acte d’une modification des rapports entre la SNCF et les régions qui veulent assumer pleinement leur responsabilité."
Entraîner d’autres régions moins riches
Les régions moins favorisées par le tissu industriel ou le terrain seront moins ambitieuses. Les entraîner ne sera pas forcément évident : "Il y a beaucoup de contraintes à prendre cette responsabilité en direct, estime un responsable technique d’une grosse région ferroviaire, à commencer par les relations avec les syndicats, ou encore la prise en charge de la maintenance. C’est un vrai métier, ce n’est pas le nôtre." Sans compter qu’en cas de train en panne ou de retard, il est plus commode pour un président de région de montrer la SNCF du doigt que de se retrouver en première ligne...
L’initiative des régions est "parfaitement légitime", selon le président de la SNCF, Guillaume Pepy, présent au congrès de l’ARF jeudi. L’opérateur ne peinera pas à se rendre indispensable et à vanter son expertise. Un expert proche de l’entreprise assurait jeudi que l’acquisition en direct du matériel roulant va nécessairement se traduire par une augmentation des spécificités des rames selon les régions, ce qui aurait pour conséquence de renchérir les coûts de maintenance.
Traqués par le fisc, le garagiste et la police sur les routes et autoroutes, les usagers n'auront plus que leurs yeux pour pleurer.
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