L'UMP pourrait remporter la mise sur cette mascarade de front
François Bernardini, l'un des nombreux condamnés en justice du PS, ne décolère pas. Assis dans son bureau, cravate multicolore jurant avec son costume moutarde, le maire (divers gauche) d'Istres, 61 ans, prend le journaliste à témoin : "Je sais pourquoi vous êtes là ! Parce que après les législatives, le FN s'est dit : "Dans cette ville, c'est jouable aux municipales." Mais c'est n'importe quoi : mon bilan est exceptionnel et le FN n'a aucune tradition ici."
La menace frontiste est telle que son ancien adversaire UMP et le leader local de l'UDI se sont ralliés pour faire barrage à Adrien Mexis, 32 ans (ci-contre), bardé de diplômes, dont Sciences Po. Aixois d'adoption, cet administrateur de la Commission européenne a décidé de s’engager en politique et s’est rapproché de Stéphane Ravier, secrétaire départemental du FN et conseiller municipal du 7e secteur de Marseille. Il peut s’appuyer sur les contacts du leader historique du FN à Istres, José Rodriguez qui préfère aujourd’hui rester en retrait "Il y aura des historiques du Front, mais pas seulement", prévient Adrien Mexis en quête de 42 co-listiers du "Rassemblement bleu marine" dans cette sous-préfecture, un bastion rose et rouge.
"Istres n'est ni Sorgues ni Carpentras, oppose Christophe Borgel, le délégué national aux élections du PS sur la défensive, mais il y a dans cette ville, un vrai sujet Front national que l'on ne doit pas éluder." Le Parti socialiste a donc été le premier à se positionner, en dépit de l'avis de sa section locale, qui dénonce "la gestion opaque et l'autoritarisme du maire sortant", mais le PS ne présentera pas de liste contre son dissident en 2014.
Dans un communiqué rendu public début décembre 2013, François Bernardini a fait savoir que "le Parti Socialiste, réuni en convention nationale les 6 et 7 décembre, vient de mettre un terme définitif au doute volontairement distillé dans l’esprit des socialistes d’Istres par leur section locale. En officialisant sa décision de ne pas présenter de liste PS à Istres, cette instance nationale démontre clairement sa volonté de faire représenter et gagner la Gauche par le candidat le mieux placé pour y parvenir."
"J’ai donc rencontré en tout premier lieu les responsables locaux du Parti Socialiste pour les inviter à me rejoindre dans la bataille pour Istres. En toute transparence, je leur ai proposé une rencontre avec les services administratifs, leur permettant de comprendre le déficit hérité, de 14 millions d’euros, qu’ils contestent; celle-ci a été déclinée ! Ils devaient, par la suite, poser officiellement, par courrier, les bases d’un accord électoral, afin d’entamer un travail commun ; celui-ci ne m’est jamais parvenu !"
Le PS apparaît donc profondément divisé. Bernardini , qui fustige aujourd'hui sa gestion, mais le PS a pourtant tenu la maison pendant ses années d'affaires politico-judiciaires. Impliqué et relaxé dans l'affaire de la MNEF qui fit condamner Jean-Christophe Cambadélis à six mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amendeà la fin des années 1970, Bernardini fut à nouveau impliqué avec Lucien Weygand en mai 1998 par la Chambre régionale des Comptes PACA dans des détournements de fonds d'une association (OCID) pour un montant de 64,775 millions de francs, provenant exclusivement de subventions du Conseil général, à l'exception de 161.695 F de fonds communautaires". Bien que condamné à 18 mois de prison avec sursis, 200. 000 francs d'amende et 2 ans d'inéligibilité, le franc-maçon Bernardini parvient de justesse à se faire élire maire d'Istres, le 18 mars 2001, bien qu'il ait été exclu du PS. François Bernardini doit néanmoins démissionner de la mairie d’Istres en 2002, un mois avant que la Chambre régionale des Comptes de PACA lui demande à nouveau de justifier que les subventions versées par le département à l'OCID étaient d’utilité publique. Bernardini obtient du département des Bouches-du-Rhône, alors présidé par Jean-Noël Guérini, des déclarations d'utilité publique pour les dépenses effectuées par l'OCID, mais le Tribunal administratif de Marseille les annule. En décembre 2009, la Cour des Comptes confirme donc les amendes dues par Bernardini et Weygand.
François Bernardini, le maire sortant divers gauche, vient d'accrocher à son tableau de chasse son ancien adversaire UMP, Alain Aragneau.
Le maire sortant a inauguré son QG de campagne en présence d'un petit nombre d’Istréens et d’élus, de l’UMP Alain Aragneau au communiste Michel Colson, en passant par l’UDI Olivier Mayor ou le socialiste Patrice Gouin, chacun "avec ses propres sensibilitésn sa propre histoire, sa propre identité", rangés derrière Bernardini.
L’UMP Alain Aragneau, un gaulliste qui milite depuis 35 ans dans cette ville de près de 44.000 habitants sur la rive ouest de l'étang de Berre, avait passé la main, mais il figurera sur la liste Bernardini. Le maire sortant a également rallié le président du groupe d'opposition au conseil municipal, l'UDI Olivier Mayor que son parti venait d'investir.
"J'ai voulu rassembler du Front de gauche à l'UMP en passant par les socialistes qui ne voulaient plus me parler. C'est d'autant plus original que ce sont tous des opposants qui m'ont tapé dessus", reconnaît Bernardini, qui avoue une "petite jouissance".
"Cette stratégie n'est pas dictée par la crainte du FN", assure-t-il, mais par "une vision partagée" de la métropole Aix-Marseille. Le PS ne présente pas de liste face à lui, mais ces ralliements ne passent pas: le secrétaire de section locale, Lionel Jarema, vient de demander à son parti de se positionner sur ce qu'il appelle "le gloubi boulga" politique istréen!
Bernardini sent pourtant fort le soufre
Il fut dans les années 1990 l'homme fort du Parti socialiste dans les Bouches-du-Rhône. D'ex-patron du PS local, il est devenu premier secrétaire de la fédération PS des Bouches-du-Rhône de 1990 à 2000, conseiller général des Bouches-du-Rhône de 1988 à 1998, député des Bouches-du-Rhône de mai 1992 à avril 1993, député européen de 1994 à 1999 et conseiller régional Provence-Alpes-Côte d'Azur en 1998, cet incontournable est réélu à la mairie d'Istres en mars 2008, après avoir été condamné pour abus de confiance, notamment à cinq ans d'inéligibilité et démis de ses mandats.
Il fut ainsi le prédécesseur de Jean-Noël Guérini à la fédé et au conseil général.
Course au strapontin
Le ralliement d'Aragneau a aussi déclenché l'indignation de l'UMP qui l'a aussitôt suspendu.
"Quand on a dénoncé pendant des années les pratiques douteuses de Bernardini, son système clientéliste et totalitaire entretenu à coup de subventions et de prébendes, rien ne justifie ce ralliement contre nature si ce n'est la course au strapontin", dénonce Michèle Vasserot, responsable UMP dans la circonscription. "Les électeurs sont déboussolés", observe-t-elle.
"C'est la démonstration que le clivage UMPS et même UMPC est totalement factice. Ils ne pensent qu'à leurs destins personnels. Cette municipalité me fait penser à une République bananière", souligne Adrien Mexis. Ce fonctionnaire de l'Union européenne, qui a enseigné à Sciences Po à Paris et à Aix-en-Provence, mise sur le ras-le-bol des Istréens pour le "système Bernardini ne profitant qu'à un petit nombre de gens s'accaparant l'argent public".
Et sur les scores du FN à Istres aux dernières élections: 27,33 % au premier tour de la présidentielle et 45,83 % au deuxième tour des législatives. "On verra le moment venu si le Dr Leban prend ses responsabilités pour faire tomber le système Bernardini", conclut Mexis.
La tâche du candidat investi par l'UMP, le Dr Michel Leban, pourrait néanmoins s'en trouver facilitée entre extrémisme et corruption.
Ce radiologue qui exerce à Istres n'est pas un parachuté.
Né en Algérie, il a fait ses études au fameux lycée Thiers de Marseille, a obtenu son diplôme à la faculté de médecine marseille et fait son internat à Montpellier. Michel Leban, conseiller municipal d'Istres depuis 1995, est le choix de la base.
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