Abdel Raouf Dafri a réglé ses comptes
Il s’est attaqué au système de production audiovisuel français dans un entretien accordé au site AlloCiné, revenant notamment sur l’importance du scénario dans les projets cinématographiques.
Lauréat du César du meilleur scénario pour Un prophète, de Jacques Audiard (2010), et auteur de Braquo 2 (2012), série créée par Olivier Marchal, Abdel Raouf Dafri fait partie des scénaristes et dialoguistes à succès en France, séries et films confondus. Connu pour son franc-parler, il a vidé son sac à l’occasion d’un entretien pour la sortie d’une nouvelle saison de Braquo (prochainement sur Canal +) .
VOIR et ENTENDREl'entretien
Au fil de ses réponses, le scénariste établit des parallèles entre les productions américaines et françaises. En premier lieu, il aborde ce qu’il connait le mieux, l’écriture. Abdel Raouf Dafri souligne l’importance primordiale du scénario dans un projet, affirmant que, dans l’hexagone, il est souvent dévalorisé :
Abdel Raouf Dafri a refusé de participer au projet et Julien Leclercq a continué de modifier des éléments clés du script. Sorti en 2013 avec Gilles Lellouche et Tahar Rahim au casting, le film n’a attiré que 231 071 spectateurs en deux semaines d’exploitation.
Il tacle aussi aux auteurs "bankable(s)" dont les projets sont considérés davantage en fonction de leur notoriété médiatique. Tout cela, d’après Abdel Raouf Dafri, est le reflet d’un malaise du cinéma français qui ne respecte pas le travail originel des auteurs et contribue à la médiocrité de certains projets. Le message est clair : de l’autre côté de l’Atlantique, l'excellence prévaut, comme en témoigne la vigueur cinématographique de Martin Scorsese avec son Loup de Wall Street.
A Hollywood, tout n’est pas si rose
Bien que plusieurs points soulevés par le scénariste soient intéressants, Abdel Raouf Dafri semble idéaliser le système américain. Les studios Hollywoodiens sont par exemple connus pour user de leur toute-puissance sur les auteurs. L’année dernière, Steven Spielberg et George Lucas prédisaient même l’implosion d’Hollywood.
Une enquête de Télérama (groupe Le Monde) sur le sujet rapportait :
D’après un scénariste qui participe à l’écriture des blockbusters, les réunions "créatives", à l’intérieur des studios, se font aujourd’hui en présence d’un représentant du marketing et du département international.
À noter aussi qu’une tendance est à l’oeuvre aux États-Unis : le moins de films possibles, pour le plus d’argent à gagner. Mais l’équation peut-être inverse : moins de films, c’est aussi plus de risques. On ne parle alors plus de “blockbusters” mais de "tentpoles", capables de faire (ou de défaire) un studio.
En France, "on fait de l’aseptisé, on fabrique du Doliprane"
Son générique suffit... Dans la dernière partie de l’entretien, le scénariste s’exprime sur des séries françaises qui selon lui sont très "polissées" et manquent cruellement d’originalité. Encore une fois, Abdel Raouf Dafri vilipende les chaînes de télévision françaises : "On fait de l’aseptisé, on fabrique du Doliprane". Canal +, celle qui produit sa série Braquo, échappe à la critique, parce que créatrice de contenu original. France Télévisions qui se croit culturel, et M6 qui n'y prétend guère, ont senti les coups passer très près.
Il poursuit, abordant le thème du téléchargement illégal :
Ils se font baiser [les producteurs de séries françaises, ndlr] car le moindre étudiant qui a une vingtaine d’année et qui s’y connait un minimum en informatique télécharge tout ce qu’il veut avec les sous-titres. Pour rien, il peut se taper les meilleures séries tv américaines, alors pourquoi s’emmerder à regarder les françaises ?
Aux États-Unis, à la différence de la France, les séries sont vraiment perçues comme des "oeuvres". Et c’est en partie à cause de ça que des sociétés comme Netflix et Hulu sont apparues. Elles proposent de visionner à travers un catalogues XXL des séries en VOD illimitée pour quelques dollars par mois ou même gratuitement.
En France, l’offre concernant les séries est quant à elle beaucoup plus limitée et assez chère (un abonnement à Canal + qui propose une chaîne consacrée entièrement aux séries s’élève à 24,99 euros par mois, comparés aux 7,99 dollars chez Netflix).
De l’espoir pour les séries françaises
La critique de Abdel Raouf Dafri se termine sur une note de fierté justifiée : l’Emmy Awards décroché par Braquo en 2012, un an avant celui des Revenants, en novembre dernier. Toutes les deux sont des séries originales produites par Canal +. L'exception culturelle se fonde assez peu sur le service public.
Un article de Télérama abonde : les fictions made in France rapportent peu à l’étranger – malgré une progression de 14% en 2013 – les ventes n’atteignant que 23 millions d’euros en 2012. Fin août pourtant, un article du New York Times intitulé "L’insaisissable plaisir des séries françaises" évoquait avec admiration quatre de nos créations hexagonales : Engrenage (Canal +), Un village français (France 3), Les Revenants (Canal +) et Maison Close (Canal +).
Alors certes, c’est très honorable à notre échelle par rapport à l’offre américaine et en majorité tributaire de la chaîne privée Canal +, 80% de la production des chaînes...
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