Le PS nostalgique, dans l'esprit colon, n’aurait pas craint de piller les richesses naturelles de la Martinique en ramenant la dépouille de Césaire.
A les entendre, ils vénèrent tous Césaire. Mais sous cet unanimisme de façade, les ambitions percent en ce dimanche 20 avril. Ils sont venus à Fort-de-France comme à la pêche aux voix, comme à la lecture du testament.
Yves Jégo, en sa qualité de secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, est arrivé sur place dès mercredi et n’a pas tardé à comprendre que les proches du poète et la population martiniquaise n'y étaient pas favorables. Bien qu’il ne soit pas le «petit Martiniquais », plutôt que de se faire mousser comme le Petit Marseillais (le savon de Marseille), il a respecté la volonté des Antillais. "Césaire était attaché à sa terre, explique-t-il. Ce serait une erreur de le priver de son retour au pays natal, pour reprendre le titre de son premier livre. Son fils m'a dit :
Sans vouloir souligner la sottise de la démagogue, Yves Jégo a poursuivi : "Vouloir inhumer Césaire au Panthéon, c'est faire preuve d'une méconnaissance totale de l'âme martiniquaise. C'est une forme de captation de l'héritage d'Aimé Césaire par l'Europe qui a des relents de néocolonialisme."
Christiane Taubira (apparentée Parti radical de gauche) ne l’a d’ailleurs pas contredit mais revendique un lien encore plus intime avec le poète. Son Césaire est d’ailleurs moins superficiel : "Son oeuvre est une oeuvre de combat, une pensée insurrectionnelle. La France et l'Europe seraient bien inspirées de relire la fin du Discours sur le colonialisme."
Les responsables de tous les courants socialistes ont conflué samedi soir, Pierre Mauroy en tête, suivi de François Hollande, Lionel Jospin et Laurent Fabius. Ils se sont assis côte à côte pour l'hommage rendu par le Parti progressiste martiniquais (PPM) dans le stade Pierre-Aliker. Mais à peine échangés les premiers sourires et poignées de mains devant les caméras, les rivalités ont pris le dessus. Ils ont glosé à qui mieux mieux sur l’'entrée au Panthéon. "Cela part d'un sentiment généreux, commence Lolo Fabius avec une moue dubitative. Mais Césaire était d'abord attaché à sa terre." François Hollande a repassé une couche sur le même ton : "Ses proches sont-ils d'accord ? Le véritable Panthéon qui convient à Césaire, c'est un Panthéon sans murs, dans notre mémoire." Du Prévert !
Ca aurait pu suffire, mais ils sont venus pour se faire valoir et non pour se recueillir. Le futur ex-premier secrétaire du Parti socialiste est venu récupérer "un grand élu de la République". Fabius préfère vanter "l'homme de gauche". À la sortie de la cathédrale, dimanche matin, le président du Modem, François Bayrou, salua "l'homme de terroir, attaché à sa terre natale". Il est, qu’il y reste, a-t-il en quelque sorte voulu dire?
La gauche martiniquaise se divise aussi autour du cercueil, sinon ce ne serait pas la gauche. Claude Lise, président (PS) du Conseil Général et compagnon de Césaire pendant trente ans, critique la mainmise du PPM sur l'organisation des obsèques. "Les responsables du PPM veulent signifier que Césaire leur appartenait. Or, il était l'homme de l'universel."
Il est vrai que Serge Letchimy, le président du PPM est omniprésent, mais c'est en tant que maire de Fort-de-France qu'il reçoit les politiques, organise les obsèques, prononce l'oraison funèbre. "Nous allons continuer, réaffirmer la reconnaissance de notre identité de Martiniquais", déclare-t-il, se posant ainsi en successeur naturel.
Venu présider l'hommage national, dimanche après-midi, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a salué plus finement et sans volonté d’accaparement, "l'homme de liberté", "le défenseur infatigable de la dignité humaine". Mais il n'a pas évoqué le colonialisme, pomme de discorde entre les deux hommes jusqu’à ce que le poète reçoive finalement le futur chef de l'Etat, le 11 mars 2006 (ci-dessous).
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