Les oppositions de gauche et de droite accusent le gouvernement de mettre en péril le logement social français
Les députés ont adopté le budget du ministère de la Cohésion des territoires, en quatre heures
L'Etat se désengage : les bailleurs sociaux seront les bâtisseurs de demain |
La majorité présidentielle fait chuter de 1,7 milliard d'euros les financements que le budget du ministère de la Cohésion des territoires alloue aux aides au logement (APL) dès l'an prochain. Ce ministère est au nombre des grands perdants du projet de loi de Finances pour 2018.
Adopté dans la nuit de jeudi à vendredi, en première lecture, ce budget contraint les politiques du Logement, de l'Aménagement des territoires et de la Ville qui vont chuter de 9,8% pour passer de 18,3 milliards d'euros en 2017 à 16,5 milliards en 2018.
Paradoxalement le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, a soutenu que le gouvernement veut "réinterroger l'efficacité de notre politique en matière d'aides personnelles au logement et de soutien à la construction".
"Nous avons, face à un investissement d'environ 40 ou 41 milliards d'euros, quatre millions de nos concitoyens qui sont mal-logés", a-t-il fait valoir pour assurer qu'une réduction de crédits crée du logement.
Ainsi la "réforme des aides au logement" prévue dans l'article 52 du projet de loi doit-elle "conduire à une réduction des dépenses de l'Etat de 1,7 milliard d'euros en 2018", dans un "dialogue constant avec les bailleurs sociaux," a prévenu Mézard, sourd aux avertissements de ces organismes qui exigent un moratoire sur une économie budgétaire qu'ils jugent "mortifère".
Une réforme "improvisée"
Contesté, un amendement déposé par le gouvernement qui doit permettre une "mise en oeuvre progressive" de cette ponction financière, n'a pas été soumis au vote.
Il instaure une baisse progressive des loyers du logement social de 800 millions d'euros en 2018, 1,2 milliard en 2019, puis 1,5 milliard par an à compter de 2020, pour compenser une baisse des APL équivalente.
Mais l'économie budgétaire annuelle de 1,5 milliard d'euros visée par le gouvernement sera atteinte dès l'an prochain grâce à une hausse, en parallèle, de la cotisation versée par les bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).
"Le gouvernement fera des propositions visant à préciser ce mécanisme", a indiqué Mézard.
Objet d'une douzaine d'amendements de suppression, tous rejetés, l'article 52 a "fait l'unanimité contre lui, tellement il est profondément injuste," a affirmé l'ex- ministre du Logement Sylvia Pinel (PRG), stigmatisant "l'improvisation et l'impréparation" de la réforme.
La seconde partie des discussions concernant le PLF doit avoir lieu ce vendredi matin
Pour Clémentine Autain, de la France insoumise, cet article 52 "orchestre la mise en péril de tout le système du logement social, avec une perte de recettes considérable" des bailleurs sociaux.
"On va casser un modèle HLM que beaucoup nous envient", a estimé Stéphane Peu (PCF), député-journaliste (comme Pierre Dharrréville) ex-président de Plaine commune Habitat, Saint-Denis (93), fustigeant une "politique mûrement réfléchie, cohérente, visant à affaiblir le secteur HLM et renforcer le secteur privé". "Partout en Europe où une telle politique a été menée, elle a été une catastrophe."
"Réformer, pourquoi pas ? Mais vous imposez des mesures inadéquates comme la suppression de l'APL accession qui solvabilise les ménages modestes", a jugé de son côté Thibault Bazin (LR).
Un "consensus s'est dégagé" dans l'Hémicycle en faveur du rétablissement de l'APL accession, a-t-il souligné, , un dispositif qualifié de "marqueur important" par le secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts.
Mais ce proche du président Macron (et d'Ismaël Emelien, conseiller spécial du président, qui ont créé une start-up à trois), a semblé juger prématuré le rétablissement de l'APL succession, cette aide publique étant "un élément de la discussion en cours avec les bailleurs sociaux", a-t-il dit. Huit amendements en ce sens ont été rejetés et un 9e a été retiré par son auteure, Stéphanie Do (LREM).
Les APL accession, qui facilitent l'emprunt immobilier aux ménages aux revenus modestes, devraient être supprimées dès le 1er janvier 2018.
Vers deux heures du matin, après 4h30 de débats, la séance a été suspendue. La discussion sur la seconde partie du projet de loi de Finance devait reprendre à 9h30 vendredi matin.
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