Le bon sens, une chose au monde que le PS est incapable de partager
Arno Klarsfeld, le président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, revient sur son opposition au droit de vote des étrangers et soutient Claude Guéant en reprochant à une certaine gauche de l'associer au FN.
Atlantico : Vous venez de publier une tribune dans Le Monde où vous indiquez être " hostile au droit de vote des étrangers " non-communautaires aux élections locales. Pourquoi cette prise de position ?
Arno Klarsfeld : Le vote est lié à la citoyenneté depuis la Révolution française. Les Européens peuvent certes voter dans chaque pays de l’Union, mais il existe une citoyenneté européenne.
Le vote des étrangers non-communautaires est reconnu dans beaucoup moins de pays européens que la presse française ne veut bien le dire. C’est le cas au Royaume-Uni, mais pour les membres du Commonwealth uniquement (une sorte de citoyenneté existe donc bien, là encore). En Allemagne ou en Italie, les non-communautaires ne peuvent pas voter. Cette possibilité n’est offerte que dans de « petits » pays comme l’Irlande, les pays baltes ou scandinaves. Par conséquent, il n’existe pas de pays avec une immigration forte comme en France où les étrangers peuvent voter.
Dans notre pays, on considère que les étrangers qui entrent sur notre territoire sont amenés à devenir français. Après cinq années passées sur notre sol, il est possible de demander la nationalité française, si l’on accepte les valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité et surtout laïcité et égalité hommes/femmes.
Disons les choses clairement : de l’autre côté de la Méditerranée, ces deux dernières valeurs ne sont guère partagées. Ce n’est pas être provocateur que de dire cela. Bien sûr cela engendre chez beaucoup de personnes hypocrites de gauche des cris indignés, alors que c’est un fait : dans les pays d’Afrique du Nord, l’égalité hommes/femmes est peu appliquée et la laïcité ne figure pas pour l’instant dans leur mode de vie.
Une vague fondamentaliste touche actuellement le monde musulman. Elle touche aussi la France d’une certaine façon puisqu'une grande partie des Tunisiens de France a voté pour des listes fondamentalistes lors des dernières élections tunisiennes. Selon moi, le moment n’est donc pas venu de donner le droit de vote aux étrangers alors qu’il existe encore des problèmes d’intégration : beaucoup de gens qui viennent d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne ne sont pas encore intégrés et n’ont pas encore intégré les valeurs de laïcité et d’égalité hommes/femmes.
Selon vous, une "vague fondamentaliste" touche réellement la France ?
Une vague fondamentaliste touche la France puisque qu’une grande partie des Tunisiens de France a voté pour des listes fondamentalistes. Mais le parti Ennahda qui a remporté les élections tunisiennes est plutôt un parti islamiste modéré... Toute religion peut être interprétée d'une manière ou d’une autre. J'utilise le terme "fondamentaliste" car ce parti prône un retour aux fondamentaux de l’Islam, où ne règne pas l'égalité hommes/femmes.
Vous êtes le Président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Vos propos ne sont-ils pas susceptibles de renforcer les difficultés d'intégration ?
Quand je dis que l’intégration en France n’est pas encore une réussite, je suis dans mon rôle. Je ne peux que constater les choses : en Seine-Saint-Denis, il y a des quartiers communautaristes avec une forte aspiration religieuse, par exemple.
Que pensez-vous donc de la proposition de loi socialiste de permettre aux étrangers non-communautaires de voter [et d'être éligibles] aux élections locales ?
J’y serais favorable si la plupart des étrangers était intégrée, s’il n’y avait pas cette vague fondamentaliste. Cela n’a rien à voir avec la provenance des étrangers. Mon point de vue repose sur les valeurs que certains étrangers n’ont pas encore acquises.
Une majorité d’étrangers ou seulement une partie des étrangers vivant en France ?
Écoutez, si une grande partie des Tunisiens de France a voté pour des listes islamistes alors que beaucoup d’entre eux vivent en France depuis plusieurs années, c’est bien la marque que l’intégration n’a pas été une réussite ! C’est une évidence de dire cela. Commençons par intégrer les gens qui sont ici. Les résultats du vote des Tunisiens de France lors des dernières élections tunisiennes ont montré qu'un peu plus de 30% d'entre eux avaient voté pour les islamistes ? Cela signifie donc que plus des 2/3 n'ont pas voté en leur faveur... Certes, mais le Congrès pour la République (CPR), le parti qui arrive en deuxième position, se situe à seulement 11% : c'est près de trois fois moins que les quelques 30% du vote des Tunisiens de France pour Ennhada qui arrive en tête.
Vous avez soutenu dernièrement Claude Guéant. Qu’avez-vous pensé de la Une de Libération de ce mardi matin sur le ministre de l’Intérieur titrée : " Guéant, la voix de Le Pen " ?
L’éditorial est scandaleux. Claude Guéant est un homme de droite raisonnable qui dit des choses évidentes. Malheureusement, lorsqu’on dit de telles choses, une partie de la gauche militante qui attend des postes et des récompenses essaye de diaboliser et de comparer un homme de centre-droit à un parti qui reste populiste et xénophobe, puisqu’il veut se débarrasser de toutes les considérations humanitaires en excluant des gens qui ont toutes leurs attaches en France.
Claude Guéant souhaite accepter moins d’étrangers en France. C’est différent du FN. Ces étrangers ne sont pas encore présents sur notre sol, la France n’a donc pas encore de responsabilité vis-à-vis d’eux. Parce que sinon, on a une responsabilité pour tous les Somaliens, les Ethiopiens, pour une bonne partie de la planète finalement.
Dès qu’ils sont sur notre territoire, nous avons la responsabilité d’être la patrie des droits de l’Homme, de les traiter dignement. Lorsqu’ils ont toutes leurs attaches en France, il ne faut pas les expulser. Mais nous n’avons pas la responsabilité d’accueillir nécessairement plus d’étrangers. Diminuer l’immigration légale correspond au droit de la nation.
Mais quand Claude Guéant indique vouloir connecter "les fichiers des étrangers résidant en France et les fichiers de Sécurité sociale", afin de "lutter contre ces fraudes spécifiques", ne vise-t-il pas directement les étrangers résidant en France ?
Et n'oublions pas que c'est François Mitterrand qui avait déclaré en 1989, qu'en matière d'immigration le seuil de tolérance avait été atteint dès les années 1970 ! Et que dire de Manuel Valls qui critique aujourd'hui Claude Guéant mais qui en juin 2009, alors qu'il se promenait dans la ville dont il est maire, regrettait devant les caméras la présence trop importante de noirs sur un marché : "belle image de la ville d'Evry... tu me mets quelques blancs, quelques white, quelques blancos", disait-il. Claude Guéant n'a jamais stigmatisé les étrangers à partir de la couleur de leur peau.
Ça ne vous agace pas de passer en permanence pour un soldat du sarkozysme ?
J’ai mon indépendance : sur plusieurs sujets, j’ai été le premier à exprimer mon désaccord avec les propositions UMP, notamment lorsqu’il fut question de supprimer le droit du sol.
Mais j’ai une grande affection pour Nicolas Sarkozy. Il a des années-lumière d’avance sur François Hollande. Je crois qu’il m’aime bien car il sait que je suis rationnel, gentil et raisonnable.
Propos recueillis par Aymeric Goetschy
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