Bruno Le Maire obtient de l'Allemagne qu'elle soutienne l'aide alimentaire européenne
Bruno Le Maire a réussi à convaincre l'Allemagne, peu encline à l'assistanat, et les banques alimentaires vont pouvoir souffler encore deux ans de plus, mais à partir de 2014, le sort des associations qui aident les plus démunis sera à nouveau incertain.
L'Allemagne, principal contributeur au programme européen d'aide alimentaire (PEAD), a finalement accepté lundi de maintenir sa contribution financière à l'aide européenne jusqu'en 2014.
Depuis six mois, les associations tremblaient : l'Union européenne avait prévu de diminuer de 80% l'aide distribuée chaque année pour aider les plus démunis à se nourrir. De 480 millions, le budget global devait passer à 113 millions d'euros. Impossible avec une telle réduction de continuer à aider les 18 millions d'habitants qui se trouvent en Europe et souffrent de la faim.
" Cela va nous donner deux années pour nous retourner», explique Laurence Champier, responsable de la communication de la Banque alimentaire française. En France, le PEAD représente près de 70% de l'aide alimentaire distribuée. Or près de 4 millions de personnes dépendent de ces aides pour se nourrir. " Et ce nombre augmente toutes les années " , souligne-t-elle.
Mis en place lors de l'hiver 1986-1987 par Jacques Delors, alors à la tête de la Commission à Bruxelles, l'aide alimentaire européenne à l'origine récupérait chaque année les surplus agricoles de la politique agricole commune (PAC). Au lieu de les gaspiller, l'Europe a choisi de les valoriser ou de les revendre. Cet argent servait ensuite à acheter des produits alimentaires, redistribués aux pays concernés par la PAC.
Fronde de six pays
En période d'abondance, J. Delors n'avait pas envisagé la fin des surplus agricoles Mise en péril, cette structure a dû s'organiser et l'Europe a dû demander des contributions financières aux pays européens.Or, des pays du Nord de l'Europe ont remis cette aide financière solidaire en question, estimant que la PAC ne devrait pas payer pour l'aide alimentaire et que c'est à chaque État membre de la financer pour son pays.
Ce sont des états européens vantés pour leur système social qui refusent d'être solidaires
Depuis six mois, l'Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, le Danemark, les Pays-Bas et la République tchèque avaient mené une fronde pour ne plus payer. Comme chacun sait, le Royaume-Uni n'est jamais européen que pour en tirer des avantages, mais le PS offre la Suède et le Danemark en modèles aux Français...
Ces pays s'appuient sur une décision de la Cour européenne de justice estimant que le PEAD a dévié de son objectif initial, qui était uniquement d'utiliser les surplus agricoles.
En acceptant de contribuer encore deux ans, l'Allemagne permet au programme de survivre.
Mais Ilse Aigner (ci-contre avec Bruno Le Mire), la ministre de l'Agriculture allemande, a posé ses conditions : Berlin accepte de payer jusqu'en 2014, à condition que ce programme social européen s'arrête à cette date. A partir de 2014, chaque pays doit être capable de s'aider seul, insiste l'Allemagne.
Outre-Rhin, le système est en effet très différent: d'une part, les invendus et les produits presque périmés sont donnés par les supermarchés à des associations locales, qui obtiennent ainsi toute l'aide dont elles ont besoin. D'autre part, si les églises ont des moyens financiers énormes du fait qu'elles touchent un impôt prélevé sur les croyants,c'est à charge de missions d'utilité publique déléguées par l'État aux églises constituées, catholique et protestantes, dont l'aide aux plus défavorisés.
L'Allemagne se retrouve donc à payer la plus grosse part du budget européen d'aide alimentaire, alors que son organisation nationale fait qu'elle n'en a pas besoin !
De nouvelles ressources à trouver
" L'aide alimentaire ne représente finalement que 1 euro par an et par Européen ", nuance Laurence Champier. " C'est une somme dérisoire par rapport aux moyens mis en place pour aider les banques, par exemple ", estime-t-elle, à la différence des gestionnaires allemands pour qui un euro est un euro.
En réclamant une aide sociale européenne mieux gérée, les pays du Nord défendent une autre conception de l'Europe, plus pragmatique et responsable.
Les associations ont salué la décision allemande , mais elles s'inquiètent pour leur futur: "Si cette décision est un soulagement pour les plus démunis et intervient à temps pour parer à l'urgence 2012 et 2013, elle pose toutefois la question de l'après 2013, au moment où la situation économique et politique exigerait que les liens humains et solidaires soient durablement tissés. Face à la conjoncture, il est indispensable que les pouvoirs publics français comme européens renforcent le rôle clef des acteurs de l'urgence sociale ", ont fait savoir les Resto du Cœur, la Croix-Rouge, le Secours populaire et la Banque alimentaire dans un communiqué commun.
Quoi qu'il leur en coûte, il serait toutefois juste et de bonne politique que les associations si attachées aux valeurs humaines et de solidarité saluent au passage la détermination et l'efficacité de l'action de Bruno Le Maire, un ministre de l'Agriculture parfaitement bilingue qui a fait tomber les résistances des pays du Nord.
Les associations réalisent qu'elles sont dépendantes et, comme les gouvernements, ne savent pas encore ce qui se passera dans deux ans.
" Nous avons peur que le réseau de 5000 petites associations de quartiers disparaisse ", dramatise Laurence Champier pour la France. Les associations françaises d'aide alimentaire vont devoir trouver de nouveaux mécènes et essayer de conclure des accords avec la grande distribution pour continuer à aider au-delà de 2014 les millions de personnes qui souffrent de la faim en France.
Difficile donc de critiquer les entrepreneurs et les décideurs.
La grande collecte des banques alimentaires aura lieu les 25 et 26 novembre prochains dans 9000 supermarchés et 3500 épiceries.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):